Le monde des bibliothèques virtuelles

Publié le Modifié le 04/03/2013 Vu 2 147 fois 0
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Aujourd'hui, on ne compte plus le nombre d'ouvrages numérisés sur la toile et diffusés à travers diverses bibliothèques plus ou moins célèbres. Mais comment tout cela commence? et comment tout cela va continuer? Un point de vue économique, juridique et culturel sur la mise à disposition d'un patrimoine virtuel à l’échelle mondiale.

Aujourd'hui, on ne compte plus le nombre d'ouvrages numérisés sur la toile et diffusés à travers diverses

Le monde des bibliothèques virtuelles

Propriété intellectuelle et droit de la concurrence : La question délicate des bibliothèques virtuelles

 

LES BIBLIOTHEQUES VIRTUELLES SUR LE MARCHE DU NUMERIQUE

 Tout d’abord, les bibliothèques numériques ou virtuelles, qu’est- ce que c’est ? 

 

Il s’agit d’un répertoire online de titres, revues, livres, journaux, images,  encyclopédies… numérisés comme un fond patrimonial continuellement enrichi au gré des programmations des bibliothèques et des partenariats conclus.

Il est bon de rappeler que cet élan de numérisation de notre patrimoine culturel « papier » ou « iconographique »  n’est pas une nouveauté. En effet, le projet de bibliothèque virtuelle européenne,  a été soutenu par quelques 20 états membres  depuis mars 2006, avec pour but principal d’assurer la préservation de notre patrimoine. On visait alors les 6 millions de documents, tous formats confondus, en ligne d’ici 2011.

Ce but a-t-il été atteint voire largement dépassé en 2013 ?

 

ð  Depuis fin 2007, le volume de numérisation s’accélère et les sites web de la BNF affichent en 2009 une volumétrie de document dépassant les 16,5 milliards de fichiers

ð  En 2013, la BNF a conclu des accords de partenariats avec les sociétés Believe et ProQuest, qui sont chargées de numériser 180.000 vinyles et 70.000 manuscrits. Aucune autre société n'aura la possibilité de numériser et de commercialiser les œuvres concernées par les dits partenariats, sous réserve que la BNF prouve l’existence de ces accords qu’elle semble avoir étrangement égarés….

Programme de numérisations à venir sur la Bibliothèque Gallica (de la BNF) ici : http://www.bnf.fr/fr/professionnels/selectionner_politique_programmes/s.selectionner_programmes_numertisation.html?first_Art=non

Le programme de numérisation 2013 (liste des projets par secteurs) du Ministère de la Culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/mrt/numerisation/fr/actualit/documents/appel_numerisation2013.pdf

Quelles bibliothèques concrètement ?

 

Il existe deux grandes bibliothèques numériques actuellement, en ne comptant pas Google Books (voir aspect de cette bibliothèque dans les paragraphes suivants) :

-        GALLICA, la plus connue, site de la BNF (Bibliothèque Nationale de France) : http://gallica.bnf.fr/?lang=FR et http://www.bnf.fr/documents/gallica_bibnum.pdf

-        et EUROPEANA (la Fondation est connue sous le nom néerlandais « Stichting Europeana » et a ses bureaux au sein de la Koninklijke Bibliotheek, la Bibliothèque nationale des Pays-Bas à La Haye) : http://www.europeana.eu/portal/

Ce sont concrètement des recueils d’œuvres numérisées et rassemblées par des concepteurs de bases de données.

Ces recueils sont protégés par le droit de la propriété intellectuelle au même titre qu’une œuvre littéraire, l’œuvre littéraire étant le support d’origine et la reprise étant homothétique (sans adaptation par un tiers, soit sans modifications).

Il est donc important ici de rappeler que les règles qui régissent le droit de la propriété intellectuelle protègent l’auteur et ses ayants droit et les producteurs de bases de données.

Actuellement, le droit de la propriété intellectuelle défend surtout l’aspect culturel de la bibliothèque numérique. La Culture étant un important vecteur de l’économie nationale française et, au- delà, de l’économie numérique européenne, une protection des investissements financiers qui en découlent s’en trouve nécessaire.

Toutefois, la logique du marché économique est telle que ce droit seul ne suffit plus car les enjeux font intervenir dans le cercle de la Culture le droit de la concurrence, un droit indispensable à assurer l’équilibre entre les différents opérateurs du marché des bibliothèques virtuelles.

Bien sûr, il arrive parfois que le droit de la concurrence entre en conflit avec le droit de la propriété intellectuelle. C’est d’ailleurs ce que nous a démontré l’affaire GOOGLE BOOKS, la bibliothèque numérique de Google, qui est aujourd’hui en situation de quasi-monopole.

N.B. : Les bibliothèques numériques sont protégées par deux régimes juridiques distincts. D’un côté, le droit d’auteur, qui permet de protéger l’originalité et la forme de la bibliothèque numérique, de l’autre, la protection en tant que base de données qui apporte une protection aux investissements, essentiellement économiques, réalisés par les concepteurs de bibliothèques numériques.


LE DROIT D’AUTEUR ET LA MISE EN PLACE DES BIBLIOTHEQUES VIRTUELLES

 

L’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que « le droit d’auteur est protégé sur les œuvres de l’esprit, quels que soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». À la lecture de cet article, on comprend que le droit français envisage une conception large de la notion d’œuvre. Le droit d’auteur se base sur deux critères principaux pour déterminer si une œuvre est protégeable : la forme et l’originalité. Il faut souligner que la législation ne protège pas l’idée contenue ou exprimée par l’œuvre en elle-même : elle protège la forme choisie par l’auteur pour s’exprimer et diffuser cette idée. Cette forme doit refléter la personnalité de l’artiste et c’est ce qui constitue son originalité. Dès lors, l’œuvre qui répond aux critères de forme et d’originalité est protégeable et protégée par le droit d’auteur.

Dans le domaine du numérique, deux catégories d’œuvre peuvent être distinguées. D’une part, les œuvres numérisées qui avaient une existence avant leur transfert dans un format numérique, de l’autre, les œuvres nativement numériques, c’est-à-dire celles qui ont vu le jour directement sous forme numérique. Pour la première catégorie, le droit d’auteur trouve à s’appliquer de manière traditionnelle. Pour la seconde, l’application du droit d’auteur est plus délicate. En effet, Les œuvres numériques sont des objets multimédias1 qui nécessitent l’intervention de plusieurs personnes physiques, l’auteur et les techniciens qui adjoignent une composante logicielle. L’œuvre numérique pourrait donc être assimilée à une œuvre logicielle. Cependant, le législateur considère que la programmation logicielle n’est qu’une composante infime de l’objet multimédia et par conséquent, la protection apportée à l’œuvre logicielle ne peut être appliquée à l’œuvre numérique. Les œuvres nativement numériques sont donc protégées par le droit d’auteur au sein même des objets multimédias que sont les bibliothèques numériques, qui elles sont protégées par le droit des bases de données.

L’ensemble des œuvres tombées dans le domaine public présente un intérêt conséquent pour les bibliothèques numériques.

En effet, l’ajout d’une œuvre appartenant au domaine public à la base de données ne nécessitera aucune démarche contractuelle et aucun droit financier sur la reproduction de l’œuvre. Le bénéfice pour le diffuseur est alors entier, comme pour le consommateur des œuvres numérisées.

On observe que les bibliothèques numériques sont constituées essentiellement de cette catégorie d’œuvre, pour les raisons que nous venons de citer. Il faut cependant préciser que les droits moraux rattachés à l’œuvre sont imprescriptibles et concernent donc les œuvres appartenant au domaine public. Ces droits, stipulés à l’article L. 121-1 du CPI, protègent la paternité et l’intégrité de l’œuvre. Quant aux œuvres n’appartenant pas au domaine public, les créateurs de bases de données – sous réserve d’un transfert, par contrat, des droits de l’œuvre par les dépositaires – peuvent s’affranchir du droit d’auteur et procéder à la reproduction des œuvres par numérisation, ainsi qu’à la représentation des œuvres via des terminaux de lecture numérique. Si la bibliothèque numérique exerce un droit sur l’œuvre qui n’a pas été cédé par le contrat, ou si elle enfreint une clause du contrat, les ayants droit ou l’auteur peuvent faire valoir leurs droits.

 

LE DROIT DES BASES DE DONNEES ET LA MISE EN PLACE DES BIBLIOTHEQUES VIRTUELLES

 

Comme déjà mentionné, les bibliothèques numériques sont assimilées à des bases de données. Pour elles, l’article L. 112-3 du CPI dispose que les créateurs de recueils d’œuvres ou de données diverses peuvent être protégés par le droit d’auteur. Pour que cette protection soit effective, la base de données concernée doit répondre à un critère d’originalité dans la forme et dans le contenu. Ainsi, une simple compilation d’information ne sera pas protégeable. Toutefois, cette protection a des limites car si la base de données en elle-même est protégée, les données qu’elle contient ne le sont pas. Aussi, une bibliothèque contenant exclusivement des œuvres tombées dans le domaine public ne pourra pas bénéficier d’une telle protection, ce qui semble logique.

Ainsi, ces articles du CPI montrent que la propriété intellectuelle a attaché un critère économique à la protection de bases de données et par cela fait entrer la bibliothèque numérique sur un marché économique, d’où l’implication du droit de la concurrence. Cette protection est plus efficace que celle octroyée par le droit d’auteur. En effet, le développement d’une bibliothèque numérique nécessite un investissement important au regard du volume d’information à traiter et du travail informatique à réaliser pour qu’elle soit opérationnelle. Il ne faut pas négliger le fait que ces investissements sont permanents et que le fonctionnement d’une bibliothèque numérique induit une maintenance constante.

 

LE MARCHE ET LA CONCURRENCE DES BIBLIOTHEQUES VIRTUELLES

 

Les bibliothèques virtuelles représentent un nouveau marché ouvert à une concurrence toute aussi récente. Le droit de la concurrence vise à mieux réguler les activités et à permettre à de nouveaux opérateurs d’intégrer le marché et de se développer sans craindre le fort monopole de certaines bibliothèques.

Parmi toutes les principales bibliothèques, Google Books semble être aujourd’hui la plus aboutie. Google a déjà numérisé plus de 10 millions d’ouvrages alors que la grande majorité des autres bibliothèques tentent à peine de dépasser la barre des milliers de numérisations.

Un constat triste peut toutefois être établi : Europenana se veut le pendant européen de Google Books et, pourtant, elle ne compte que 5% de l’ensemble des livres numérisés de l’Union européenne. Ce décalage fait de Google le leader mondial dans le domaine de la bibliothèque numérique. Et ce dernier entend bien conserver cette place tant convoitée.

1998 : création de la société GOOGLE

2004 : lancement de la plateforme GOOGLE BOOKS

2008 : 7 millions de livres numérisés par Google

2009 : entrée du livre numérique sur le marché grand public aux États-Unis et premières tentatives d'intégration de Google Books dans des offres commerciales

2010 : plus de 15 millions de livres numérisés par Google

Le champion du web s’est vite développé en étant le premier à prendre des risques dans des secteurs qui allaient connaitre, quelques années plus tard, une formidable évolution économique.

Ceci explique alors cela : le succès de Google est un choix stratégique, tactique et avant tout visionnaire. Les partenariats avec les grandes maisons de technologies pleuvent et enrichissent les projets de la société de la Silicon Valley.

Outre les déboires judiciaires qu’a connu Google, comme toute entreprise ambitieuse empiétant sur le droit international, une coalition de diverses associations et de concurrents directs de Google tels que Yahoo, Microsoft ou Amazon, regroupés sous le nom « Open Book Alliance », a dénoncé la situation de monopole du moteur de recherche. Ainsi, on constate aisément que les bibliothèques numériques ne soulèvent pas que des questions relatives au droit de la propriété intellectuelle mais aussi des questions relatives du droit de la concurrence.

Économiquement, on peut parler de monopole concernant le cas de Google Books. Juridiquement, cette notion de monopole est traduite par celle de position dominante, qui est définie comme une position qui permet à une entreprise ou groupe d’entreprises de fausser le fonctionnement de la libre concurrence sur ce marché. En effet, Google profite de sa dominance pour imposer des tarifs ou des conditions aux autres opérateurs se trouvant sur le même marché que lui.

L’application du droit de la concurrence permettrait donc à d’autres opérateurs de prendre une importance significative sur le marché et de contrer la montée en puissance de Google dans le domaine des bibliothèques numériques.

La bibliothèque virtuelle ayant un aspect mondial, il reste encore des difficultés pour protéger les œuvres au niveau international, comme le montrent par exemple les nombreux litiges entre des ayants droit français et des entreprises comme Google.

En effet, si la plupart des bibliothèques virtuelles sont résolument tournées vers l’aspect culturel (l’ouverture du patrimoine culturel au plus grand nombre), l’arrivée d’un « super concurrent » fait émerger un marché de la bibliothèque numérique, qui reste encore pour certains difficile à appréhender. Tout reste à construire, et les nouvelles bibliothèques devront rattraper le retard accumulé face à Google pour enfin trouver une place honorable sur ce nouveau marché. Si, juridiquement, le comportement de Google représente un abus de position dominante caractérisé, culturellement, le travail que cette société effectue représente une valeur inestimable dans un cadre de partage des œuvres et de conservation.

Le droit de la propriété intellectuelle semble alors être mis en totale opposition avec le droit à l’accès à la culture pour tous, alors que la vocation du droit est d’équilibrer les forces en présence.

Quelle solution serait alors la bonne ? Rendre le droit plus souple au risque d’accentuer les dérives économiques, ou n’autoriser la numérisation que d’une certaine catégorie d’œuvres ne présentant pas trop de risque de revendication par les auteurs ou ayant droits ?

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