Les droits de la défense en matière d’impôts locaux s’appliquent aussi à la révision des évaluations foncières de locaux
professionnels opérée par la loi 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.
Ce principe, important, car il peut s’appliquer à toute révision d’évaluation foncière légale a été affirmé par le Conseil d’Etat récemment.
Il importe d’avoir à l’esprit que la modification de la déclaration n° 6660-SD, n° Cerfa 12161*03) comprend une rubrique (cadre 3), qui impose au contribuable de sélectionner la catégorie dans
laquelle son local doit être classé, parmi les 39 catégories proposées.
Le non respect de cette déclaration par l’administration a des conséquences sur le possible dégrèvement des impôts fonciers, sous réserve et après lecture des commentaires et arrêts développés ci-dessous.
Sur ce sujet, le Conseil d’Etat (CE 9e-10e ch. 28-2-2025 no 488375, Sté Saint Loup) a infirmé le jugement no 2110225 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon.
Il rappelle que le principe général des droits de la défense, posé par la décision Simoens en matière de taxe professionnelle (CE 5-6-2002 no 219840, Simoens ), est applicable en matière de taxes foncières.
C’est le cas lorsque l’administration fait application de l’article 1508 du CGI en cas d’absence ou d’inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux
articles 1406 et 1502 du même Code (CE 29-6-2005 no 271893, min. c/ Sté Sud-Ouest Bail ; CE 25-6-2021 no 441377, OPH Aube immobilier ).
Après avoir rappelé que l’article 1498 du CGI classe les locaux professionnels en sous- groupes et à l’intérieur de chaque sous-groupe en catégories, le Conseil d’Etat précise que le décret 2011-1267 du 10 octobre 2011, ultérieurement codifié à l’article 310 Q de l’annexe II au CGI, pris pour l’application de la loi du 29 décembre 2010, prévoit un sous-groupe V
relatif aux hôtels et locaux assimilables divisé en catégories dont la catégorie 2 concernant les
hôtels supérieur (2 ou 3 étoiles, ou confort identique) et la catégorie 4 visant les foyers d’hébergement, centres d’accueil, auberges de jeunesse.
Selon le Conseil d’Etat, la loi du 29 décembre 2010 prévoit dans son article 34 une obligation déclarative pour l’exécution de la révision et il en résulte que lorsque
l’administration s’écarte de la déclaration souscrite par le contribuable, elle est tenue de respecter le principe des droits de la défense.
La décision du Conseil d’État précise aussi l’office du juge de l’impôt en cas de méconnaissance par l’administration pour l’établissement des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties du principe général des droits de la défense à raison de la modification du classement déclaré par le contribuable.
Cependant, l’irrégularité ainsi constatée n’a pas pour conséquence une décharge totale de ces cotisations mais affecte seulement la partie de l’imposition supérieure à celle qui aurait été due si l’administration avait fait application des éléments déclarés par la
société.
Le tribunal administratif de Lyon avait donc bien commis une erreur de droit en transposant,
► à propos d’un moyen fondé sur une irrégularité de procédure,
► le raisonnement suivi pour un moyen fondé sur la contestation de la méthode de
l’administration retenue pour l’évaluation de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties et faisant obligation au juge de l’impôt, lorsqu’il estime irrégulière cette méthode, de lui substituer la méthode d’évaluation qu’il juge régulière.
Voici l’arrêt du Conseil d’Etat n° 488375 du 28 février 2025
………………
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Saint Loup est propriétaire d'un ensemble immobilier sis sur le territoire de la commune d'Ecully (Rhône), dans lequel l'association Valpré exploite une activité d'hôtellerie, de restauration et
d'organisation de séminaires.
Dans la déclaration qu'elle a souscrite en vue de la mise en oeuvre de la révision des valeurs
locatives des locaux commerciaux, elle a classé cet immeuble dans le sous-groupe des " hôtels et locaux assimilables " et, au sein de celui-ci, dans la catégorie 4 " foyers d'hébergement,
centres d'accueil et auberges de jeunesse ".
Pour l'établissement des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre des années 2019 et 2020, l'administration fiscale n'a pas retenu la catégorie ainsi déclarée mais la catégorie 2 " hôtels supérieur ".
Par un jugement du 11 juillet 2023 dont société Saint Loup demande l'annulation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ".
Aux termes de l'article 1498 du même code : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article.
Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination.
A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance.
Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat (...) ".
Aux termes de l'article 310 Q de l'annexe II à ce code : " Pour l'application du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / (...) / Sous- groupe V : hôtels et locaux assimilables : / (...) / Catégorie 2 : hôtels supérieur (2 ou 3 étoiles,
ou confort identique). / (...) / Catégorie 4 : foyers d'hébergement, centres d'accueil, auberges de jeunesse (...) ".
3. Aux termes du XVII de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 : " Pour l'exécution de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux ainsi que des locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du code général des impôts, les propriétaires des biens mentionnés au I sont tenus de souscrire en 2012 une déclaration précisant les informations relatives à chacune de leurs propriétés.
Les modalités d'application du présent XVII sont fixées par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget ". L'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 18 février 2013 relatif au modèle de déclaration à souscrire dans le cadre de la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels prévoyait, pour l'application de ces dispositions, que la déclaration afférente aux locaux dont les contribuables étaient propriétaires au 1er janvier 2013 devait être souscrite par ceux-ci pour chaque propriété ou fraction de propriété détenue, conformément à un formulaire qu'il désignait.
Ce formulaire prévoyait la déclaration par le contribuable de la catégorie dans laquelle était classé le local, parmi celles qui sont énumérées, dans chaque sous-groupe, à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts cité au point 2.
Pour la déclaration des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation postérieurs au 1er janvier 2013, les dispositions de l'article 1406 du code général des impôts et des articles 321 E à 321 G bis de l'annexe III à ce code prévoient des obligations analogues.
4. Lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le contribuable, l'administration fiscale ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.
Il en va ainsi lorsque l'administration établit l'imposition de locaux professionnels à la taxe foncière sur les propriétés bâties en retenant, pour déterminer la valeur locative de ces locaux, un des sous-groupes ou une des catégories mentionnées à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts différents de celui ou de celle dans lesquels le bien concerné a été régulièrement déclaré par le contribuable.
En revanche, l'administration n'est pas tenue de respecter cette obligation lorsque, sans remettre en cause aucun élément qu'il aurait incombé au contribuable de déclarer, elle prend en compte les bases retenues au titre de l'année précédente qu'elle reconduit sans changement.
5. Il appartient au juge de l'impôt qui constate la méconnaissance, par l'administration fiscale, de l'obligation mentionnée au point 4, de prononcer la décharge de la part de l'imposition affectée par l'irrégularité, c'est-à-dire celle excédant l'imposition qui aurait résulté des éléments déclarés par le contribuable.
6. Après avoir relevé que les impositions en litige, établies sur la base d'un classement de l'ensemble immobilier en cause dans une catégorie différente de celle qu'avait déclarée la société Saint Loup, l'avaient été à la suite d'une procédure irrégulière faute pour la contribuable d'avoir été mise à même de présenter préalablement ses observations, le tribunal administratif de Lyon a jugé qu'il relevait de son office de se prononcer lui-même sur la rubrique à retenir pour déterminer la valeur locative des locaux en litige et que ces locaux relevaient de la catégorie 2 " Hôtels supérieur ", soit celle que l'administration fiscale avait retenue.
Il a déduit que la demande de la société Saint Loup tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2019 et 2020 devait être rejetée.
7. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, conformément à ce qui est dit au point 5, de tirer les conséquences de cette irrégularité en prononçant la décharge de la part des impositions contestée excédant les cotisations qui auraient résulté des éléments portés dans la déclaration de la contribuable, le tribunal a commis une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Saint Loup est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
…….
Il est également intéressant de prendre connaissance des CONCLUSIONS de la Rapporteuse publique, dont nous ne vous présentons que les principaux extraits.
Elle rappelle dans un premier temps la question posée par le pourvoi.
L’administration est-elle tenue, en vertu du principe général des droits de la défense, de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsqu’elle modifie le sous-groupe ou la catégorie dans laquelle celui-ci a déclaré son local pour les besoins de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ?
Elle rappelle ensuite que le législateur a décidé, à l’occasion de la LFR pour 2010, de procéder à une révision générale des valeurs locatives des locaux professionnels en substituant aux anciennes méthodes prévues par l’article 1498 du code général des impôts, reposant, notamment, sur une méthode d’évaluation par comparaison avec des locaux de référence, une nouvelle méthode dite tarifaire.
Cette nouvelle méthode prévoit le classement des propriétés concernées dans des sous- groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination et, à l’intérieur de chaque sous-groupe, leur classement par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance.
Ce classement permet de déterminer le tarif au mètre carré qui leur est applicable, ce tarif étant calculé en fonction des loyers moyens constatés, pour les immeubles de la catégorie en cause, dans le secteur d’évaluation géographique concerné.
Les valeurs ainsi révisées sont entrées en vigueur au 1er janvier 2017, assorties de la mise en place de mécanismes correcteurs pour lisser les variations susceptibles de résulter, à défaut, de la réforme.
Elle applique ensuite son raisonnement au cas de la société Saint-Loup.
La société Saint-Loup, propriétaire, sur le territoire de la commune d’Ecully, de locaux au sein desquels sont proposées des prestations d’hôtellerie et d’accueil de séminaires, a souscrit, dans le cadre de cette réforme, une déclaration portant classement de son établissement dans
le sous-groupe V « hôtels et locaux assimilables », et, au sein de ce sous-groupe, dans la catégorie 4 « foyers d’hébergement, centres d’accueil, auberges de jeunesse ».
Elle a été imposée, selon le tarif applicable à cette catégorie au titre des années 2017 et 2018, premières années de mise en œuvre de la réforme.
A la réception de l’avis d’imposition relatif à l’année 2019, elle a toutefois constaté que la cotisation qui lui était réclamée avait quadruplé par rapport à l’année précédente.
Elle a par suite réclamé, en vain, contre les cotisations primitives de TFPB établies au titre des années 2019 et 2020.
Alors qu’elle avait supposé, dans le cadre de ces réclamations, que l’inflation de la taxe trouvait son origine dans une mauvaise application des mécanismes correcteurs ayant accompagné la mise en œuvre de la réforme des valeurs locatives, elle a découvert, à la lecture du mémoire en défense déposé par le service dans le cadre de l’instance contentieuse ouverte devant le TA de Lyon, que l’explication était autre.
L’administration avait, en effet, estimé que l’établissement de la société ne relevait pas de la catégorie des « foyers d’hébergement, centres d’accueil, auberges de jeunesse », mais d’une
autre catégorie du même sous-groupe, correspondant aux « hôtels supérieur (2 ou 3 étoiles, ou confort identique) ».
Elle avait ainsi modifié les bases d’évaluation, par application du tarif correspondant à cette dernière catégorie.
La société vous saisit d’un pourvoi contre le jugement par lequel le TA de Lyon a rejeté sa contestation.
Celui-ci a d’abord fait droit au moyen tiré de ce que les impositions en cause avaient été établies à la suite d’une procédure irrégulière, faute pour l’administration d’avoir mis à même la société de présenter ses observations sur le changement de classement auquel avait procédé l’administration.
Le tribunal a toutefois estimé qu’il appartenait, dans une telle situation, au juge de l’impôt de se prononcer sur la rubrique à retenir pour procéder à l’imposition primitive contestée.
Et, relevant que la société ne contestait pas le nouveau classement dans la catégorie des « hôtels supérieur (2 ou 3 étoiles, ou confort identique) », il a jugé que l’administration avait à bon droit retenu cette rubrique pour procéder à l’imposition en litige.
En pratique, la solution du tribunal aboutit donc à neutraliser entièrement l’irrégularité commise.
La société ne critique pas ce premier temps du raisonnement du tribunal, qui lui est favorable.
Nous vous proposons de vous y arrêter, dans la mesure où il conditionne le second temps de l’analyse, qui fait l’objet d’un moyen d’erreur de droit que nous croyons fondé.
Et si vous vous sépariez de nous pour estimer, à l’instar du ministre, que cette première étape était erronée, vous pourriez envisager de confirmer le jugement par la voie d’une substitution de motifs, étant précisé que la société n’avait formellement articulé, dans sa requête de première instance, que le seul moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’imposition, quand bien même elle s’interrogeait aussi, sans critique précise, sur la mise en œuvre des mécanismes de lissage.
Alors que la procédure de rectification contradictoire n’est, en vertu de l’article L. 56 du LPF, pas applicable en matière d’impôts locaux, vous avez décliné, en matière fiscale, la règle issue de votre décision Société Ferme de Rumont (Sect., 7 décembre 2001, n° 206145), qui impose
à l’administration de respecter le principe du respect des droits de la défense à l’égard d’un administré astreint à une obligation déclarative.
Par une décision du 5 juin 2002 n° 219840, rendue en matière de taxe professionnelle, vous avez ainsi jugé que lorsqu’une imposition est assise sur la base d’éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l’administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu’il a déclarés qu’après l’avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.
Cette obligation ne s’impose qu’au titre de l’année au cours de laquelle l’administration fiscale établit l’impôt en se fondant, pour la première fois, sur des éléments qui n’ont pas été déclarés par le contribuable.
En vertu de votre jurisprudence du 23 juillet 2010 n° 320188, elle n’y est, en revanche, pas tenue lorsque, sans remettre en cause aucun élément qu’il aurait incombé au redevable de déclarer, elle prend en compte les bases retenues au titre de l’année précédente qu’elle reconduit sans changement, le contribuable étant alors regardé comme ayant nécessairement eu connaissance des bases de son imposition.
Si la taxe foncière sur les propriétés bâties ne présente pas, contrairement à la taxe professionnelle, le caractère d’un impôt essentiellement déclaratif, de sorte que cette règle ne peut y être transposée de façon générale, vous avez jugé, par une décision min. c/ Société
Sud-Ouest Bail du 29 juin 2005 n° 271893, que l’obligation s’applique, en particulier, lorsque l’administration procède, en application de l’article 1508 du CGI, au redressement des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties d’un contribuable pour insuffisance d’évaluation résultant du défaut ou de l’inexactitude des déclarations des propriétés bâties définies aux articles 1406 et 1502 du même code.
La rapporteuse considère alors que cette solution ressort de la lettre même de ces deux articles, qui imposent aux redevables des obligations déclaratives dans les cas spécifiques des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d’affectation des immeubles, et autorise l’administration à opérer des redressements lorsque ces obligations n’ont pas été satisfaites, ou lorsqu’elle juge les déclarations inexactes.
Dans la mesure où l’obligation déclarative pesant sur le contribuable est, en matière de taxe foncière, circonscrite, les hypothèses de mise en œuvre de la jurisprudence Société Sud-Ouest Bail sont, logiquement, cantonnées.
Vous avez ainsi jugé que l’administration n’était pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsque, estimant que des locaux dont la valeur locative avait été déterminée selon la méthode des biens commerciaux prévue par l’article 1498 du CGI présentent, en réalité un caractère industriel au sens de l’article 1499 du CGI, - ou vice-versa -
elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation de ceux-ci.
Vous avez jugé qu’il en était de même lorsque l’administration procède à une nouvelle évaluation de la valeur locative du local en choisissant un nouveau local de référence, sans remettre en cause les éléments déclarés par le contribuable.
Et vous avez énoncé, de façon plus générale, que l’administration n’est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsqu’elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation des bases d’imposition reposant sur des modalités de calcul différentes de celles retenues antérieurement.
Dans son mémoire en défense devant vous, le ministre soutient que le passage d’un local d’une catégorie à une autre correspond à une simple rectification du mode de calcul de la valeur locative, sans que ne soient remis en cause les éléments déclarés par le contribuable, notion qui devrait être restreinte, selon lui, aux seules données intrinsèques du bien, correspondant, notamment, à sa consistance ou sa superficie.
Cette thèse n’est pas conforme à la grille d’analyse résultant de votre jurisprudence.
Le dernier argument n’est d’ailleurs pas sans rappeler de précédentes tentatives du ministre de réduire la portée de la jurisprudence Simoens aux données chiffrées déclarées par le contribuable, à l’exclusion par exemple, des données relatives à la localisation des biens, tentatives auxquelles vous n’avez pas donné suite, le principe des droits de la défense s’appliquant à la remise en cause de tout élément soumis à déclaration.
Or s’agissant du classement catégoriel, l’article 34 de la LFR pour 2010 a prévu, à son XVII, que, pour l’exécution de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, les propriétaires des biens concernés étaient tenus de souscrire une déclaration précisant les informations relatives à chacune de ces propriétés.
La loi a renvoyé à un arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget le soin de fixer ses modalités d’application. Cet arrêté, adopté le 18 février 2013, a prévu que ces déclarations soient établies conformément à un modèle précis.
Ce formulaire (imprimé 6660-SD, n° Cerfa 12161*03) comprend une rubrique (cadre 3), qui impose au contribuable de sélectionner la catégorie dans laquelle son local doit être classé, parmi les 39 catégories proposées.
La situation n’est pas assimilable à celle de la remise en cause du caractère commercial d’un bien, ou de son caractère industriel, qui commandent, respectivement, l’application des règles d’évaluation prévues par l’article 1498 et par l’article 1499 du CGI.
Certes, dans un tel cas, le contribuable a pu, à l’origine, procéder à la déclaration d’existence de son établissement en employant un imprimé « modèle C », destiné aux locaux commerciaux, et non le « modèle U » prévu pour les établissements industriels.
Mais la jurisprudence Simoens ne joue que pour les énonciations des déclarations dont la souscription est légalement obligatoire, et le contenu défini en fonction des besoins d’information des services d’assiette, ce qui n’est pas le cas du choix d’un imprimé plutôt que d’un autre.
A l’inverse, la sélection de la catégorie du local correspondait à une obligation déclarative imposée par la combinaison des dispositions de l’article 34 de la LFR pour 2010 et de l’arrêté du 18 février 2013.
Par ailleurs, s’agissant des seuls locaux professionnels relevant de l’article 1498 du CGI, la nouvelle méthode d’évaluation issue de la réforme de la LFR pour 2010 comporte une différence essentielle avec l’ancienne méthode d’évaluation par comparaison .
Alors que l’administration déterminait, auparavant, unilatéralement et sous le seul contrôle du juge, le local de référence à retenir et pouvait, de la même manière, décider d’en retenir un autre lorsque le premier subissait des modifications telles qu’il n’était plus comparable au local à évaluer, ou même lorsqu’elle s’avisait que son premier choix était, ab initio, erroné, l’évaluation des locaux professionnels repose désormais sur un élément déclaratif qui n’avait pas cours avant la révision, à savoir le classement du local dans un sous-groupe, et, au sein de celui-ci, dans une catégorie.
Nous sommes donc d’avis que le premier temps du raisonnement du tribunal est justifié. l’administration était tenue, au cas d’espèce, de mettre la société Saint-Loup à même de présentersesobservationsavantdeprocéderàunnouveauclassementcatégorieldeseslocaux et,nel’ayantpasfait,elleaentachélaprocédured’impositiond’irrégularité.
Il n’en est pas de même du second, relatif à l’office du juge quant aux conséquences à tirer d’une telle irrégularité.
Le tribunal s’est basé sur la jurisprudence qui interdit au juge de l’impôt, saisi d’une contestation portant sur la méthode d’évaluation de la valeur locative de biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qu’il estime irrégulière, de prononcer la décharge de la cotisation primitive.
Dans un tel cas, il a l’obligation de substituer à la méthode d’évaluation initialement retenue par l’administration celle qu’il juge régulière, et, notamment, s’il retient une évaluation par comparaison, d’identifier le terme de comparaison qu’il estime pertinent.
Cette solution repose sur l’office du juge de l’impôt, qui est, traditionnellement, particulièrement actif en matière de taxe foncière, ce qui s’explique par le caractère réel des impositions foncières qui implique qu’aucune propriété ne doit, en principe, demeurer non taxée.
Il n’aurait pas été injustifié de raisonner de cette manière si la contestation n’avait porté, au fond, que sur le bien-fondé du classement catégoriel opéré par l’administration.
Si le tribunal avait estimé que ce choix n’était pas pertinent, il lui aurait appartenu, alors, d’identifier la catégorie dans laquelle le local devait être classé.
Mais le tribunal a, en l’espèce, retenu un moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’imposition, faute pour l’administration d’avoir satisfait à son obligation d’information du contribuable avant de procéder à un changement catégoriel.
Dans ce cas, il n’est pas question de substituer une nouvelle méthode d’évaluation à celle retenue par l’administration, laquelle n’est pas en cause.
Selon la logique générale de votre jurisprudence, l’existence d’un vice de procédure qui porte atteinte à une garantie du contribuable ce qui est le cas d’une méconnaissance des droits de la défense doit conduire le juge à accorder la décharge de l’imposition en cause.
Vous avez néanmoins accepté, en matière de taxe foncière, de tailler des cotes contentieuses sur mesure, pour préserver le caractère réel de cet impôt tout en évitant de laisser – comme l’a fait en l’espèce le tribunal - un tel vice sans conséquence.
Dans votre décision du 26 septembre 2012, min. c/ Société Sogébail n° 340432, vous avez ainsi jugé que le défaut de saisine de la saisine de la commission communale des impôts
directs devait conduire le juge de l’impôt à écarter définitivement la valeur locative retenue par l’administration mais qu’il ne saurait avoir pour effet, en raison de la nature d’impôt réel de cette taxe, de libérer le bien de toute imposition de sorte que le juge doit fixer, au vu de l’instruction, une nouvelle valeur locative, en retenant, si elle n’est pas contestée, la valeur locative ayant servi au calcul de l’imposition de l’année précédente.
Pour ce qui concerne la méconnaissance des droits de la défense, sa conséquence se déduit plus aisément, lorsque le contribuable ne s’est pas purement et simplement abstenu de déposer une déclaration, directement des termes de votre décision Simoens, qui cible les droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments déclarés par le contribuable.
Lorsque sont en cause des cotisations de taxe foncière établies par la voie de rôles particuliers, en application de l’article 1508 du CGI, ces cotisations supplémentaires se trouvent viciées dans leur totalité, de sorte que le juge doit en accorder la décharge, sans que ne soient affectées les cotisations primitives, établies conformément aux déclarations du contribuable.
Nous pensons, à l’instar de la société requérante, que la décharge doit, de manière analogue, être accordée à hauteur de la seule fraction des droits viciée, ce qui permet de concilier la sanction de la méconnaissance de la garantie du contribuable et le maintien de la taxation du bien.
Si vous nous suivez, vous accueillerez donc le moyen d’erreur de droit soulevé par le pourvoi.
Nous ne vous proposons pas de régler au fond le litige.
Pour ce qui concerne la cotisation de l’année 2020 établie, semble-t-il, par simple reconduction des bases de l’année 2019, votre jurisprudence précitée, fait obstacle à ce que la société Saint-Loup puisse se prévaloir de la méconnaissance des droits de la défense.
La société pourra, dans le cadre du renvoi, contester au fond la pertinence du classement catégoriel opéré par l’administration.
Pour ce qui concerne l’année 2019 figurent au dossier deux décisions successives de rejet d’une réclamation préalable, dont l’examen factuel commande la recevabilité de la contestation contentieuse.
En matière de taxe professionnelle, la décharge totale est accordée lorsque l’administration assujettit à cette imposition une personne qui n’a pas souscrit de déclaration sans l’avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mise à même de présenter ses observations.
Si la rédaction de cette décision lui confère une portée générale, le caractère réel de la taxe foncière pourrait justifier de tailler une nouvelle cote contentieuse sur mesure pour ce type de configuration.
Conclusion :
Annulation du jugement attaqué, au renvoi de l’affaire au TA de Lyon et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 3000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
La synthèse de l’arrêt du Conseil d’Etat est fournie sur le site du Conseil d’Etat.
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/analyse/2025-02-28/488375
Conseil d'État, n° 488375 du 28 février 2025
19-01-03-02-01-01 : Contributions et taxes- Généralités- Règles générales d`établissement de l`impôt- Rectification (ou redressement)- Généralités- Droits de la défense-
Etablissement d'une imposition sur une base supérieure à celle déclarée - Obligation de mettre le contribuable à même de présenter ses observations (1) - 1) TFPB - Détermination de la
valeur locative de locaux professionnels - a) Administration retenant un sous-groupe ou une catégorie (art. 310 Q de l'annexe II au CGI) différente de celle déclarée - Existence - b)
Reconduction des bases retenues au titre de l'année précédente - Absence - 2) Méconnaissance
- Effet - Décharge de la seule part d'imposition affectée par l'irrégularité.
Lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le contribuable, l'administration fiscale ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.
1)
a) Il en va ainsi lorsque l'administration établit l'imposition de locaux professionnels à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en retenant, pour déterminer la valeur locative de ces locaux, un des sous-groupes ou une des catégories mentionnés à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts (CGI) différents de celui ou de celle dans lesquels le bien concerné a été régulièrement déclaré par le contribuable.
b) En revanche, l'administration n'est pas tenue de respecter cette obligation lorsque, sans remettre en cause aucun élément qu'il aurait incombé au contribuable de déclarer, elle prend en compte les bases retenues au titre de l'année précédente qu'elle reconduit sans changement.
2) Il appartient au juge de l'impôt qui constate la méconnaissance, par l'administration fiscale, de l'obligation de mettre le contribuable à même de présenter ses observations, de prononcer
la décharge de la part de l'imposition affectée par l'irrégularité, c'est-à-dire celle excédant l'imposition qui aurait résulté des éléments déclarés par le contribuable.
19-03-03-01 : Contributions et taxes- Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances- Taxes foncières- Taxe foncière sur les propriétés bâties-
Etablissement sur une base supérieure à celle déclarée - Obligation de mettre le contribuable à même de présenter ses observations (1) - 1) Détermination de la valeur locative de locaux professionnels - a) Administration retenant un sous-groupe ou une catégorie (art. 310 Q de l'annexe II au CGI) différente de celle déclarée - Existence - b) Reconduction des bases retenues au titre de l'année précédente - Absence - 2) Méconnaissance - Effet - Décharge de la seule part d'imposition affectée par l'irrégularité.
Lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le contribuable, l'administration fiscale ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.
1)
a) Il en va ainsi lorsque l'administration établit l'imposition de locaux professionnels à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en retenant, pour déterminer la valeur locative de ces locaux, un des sous-groupes ou une des catégories mentionnées à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts (CGI) différents de celui ou de celle dans lesquels le bien concerné a été régulièrement déclaré par le contribuable.
b) En revanche, l'administration n'est pas tenue de respecter cette obligation lorsque, sans remettre en cause aucun élément qu'il aurait incombé au contribuable de déclarer, elle prend en compte les bases retenues au titre de l'année précédente qu'elle reconduit sans changement.
2)
Il appartient au juge de l'impôt qui constate la méconnaissance, par l'administration fiscale, de l'obligation de mettre le contribuable à même de présenter ses observations, de prononcer la décharge de la part de l'imposition affectée par l'irrégularité, c'est-à-dire celle excédant l'imposition qui aurait résulté des éléments déclarés par le contribuable.
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