Microsoft et Abus de Position Dominante

Publié le 23/03/2010 Vu 12 419 fois 1
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Dans un arrêt du 17 septembre 2007, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes a eut à analyser la situation de Microsoft.

Dans un arrêt du 17 septembre 2007, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes a eut à

Microsoft et Abus de Position Dominante

Rappel des faits :

Tout commença avec une plainte déposée par la société Sun Microsystems en décembre 1998 auprès de la Commission européenne aux fins de voir condamner Microsoft pour abus de position dominante. Cette notion a été définie par la jurisprudence dans un arrêt CJCE 13 février 1973 Hoffmann-Laroche, comme une situation économique appartenant à une entreprise qui lui donne un pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché an cause, en lui fournissant la possibilité de comportement indépendant.

La plaignante considérait, en effet, que Microsoft ne pouvait refuser de façon licite de lui communiquer les informations sur les interfaces avec son système d'exploitation Windows. A défaut, il ne lui était pas possible d'établir des produits pouvant fonctionner correctement avec Windows. En conséquence, les concurrents de Microsoft ne disposaient pas de moyens "d'égalité" leur permettant de concurrencer cette société en situation de position dominante sur le marché.

Le 24 mars 2004, la Commission européenne considérait que Microsoft avait violé l'article 82 du TCE ou article 102 TFUE en réalisant un abus de position dominante. La société était condamnée à une amende de 497 millions d'euros (somme versée par Microsoft avant la décision du Tribunal).

Contestant le bien fondé de cette décision tant d'un point de vue juridique qu'économique, Microsoft saisissait le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE). Après une bataille lancée il y a donc près de dix ans, les juges du Tribunal de Luxembourg ont rendu leur décision le 17 septembre 2007 dans "l'affaire Microsoft" comme il est convenu de l'appeler. Si la décision rendue peut surprendre au regard des faits et du marché qui ont considérablement évolué, mais également de ses implications indirectes, elle laisse surtout à penser qu'il aurait été malvenu pour le TPICE de contrecarrer la position de la Commission qui aurait perdu en prestige et en autorité en cette matière particulièrement sensible. A l'appui de cette affirmation, plusieurs arguments.

Double problème juridique :

1.LES VENTES LIEES :

En effet, la demanderesse fait valoir l'argument selon lequel Microsoft pratique des

ventes liées en imposant aux consommateurs le logiciel WMP avec son système d'exploitation. Ainsi, la vente liée de WMP empêche une concurrence effective sur le marché des lecteurs multimédia. La situation avantageuse de WMP est compte tenu de la position quasi-monopolistique de Microsoft (+ de 90 % de part de marché mondiale) est de nature à créer des barrières à l'entrée et de limiter l'innovation au détriment des consommateurs. Sur la vente liée du lecteur multimédia Windows Media Player avec le système d’exploitation Windows pour PC, le Tribunal entérine l’analyse de la Commission selon laquelle il y a bien vente liée abusive affectant la concurrence sur le marché des lecteurs multimédias , car Microsoft l’entreprise détient une position dominante sur le marché du produit liant (le système d’exploitation) ; le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts ; les consommateurs n’ont pas le choix d’obtenir le produit liant sans le produit lié, et enfin,  la pratique restreint la concurrence.

Cet argument bien qu'admis par le TPICE doit toutefois être rapproché de son contexte car après 10 ans de procédure, les technologies avaient évoluées et Microsoft et Sun Microsystems avaient opéré un rapprochement afin de rendre compatibles leur logiciel.

De plus, suite à la décision de la Commission, Microsoft avait mis sur le marché une version sans WMP or il s'est avéré que seulement 1% des consommateurs l'auraient choisie.D'où une limite de la solution de l'arrêt.

Toutefois, le TPICE invoque un autre moyen.

2.LE REFUS D'ACCORDER L'ACCES A DES FACILITES ESSENTIELLES :

La jurisprudence communautaire a depuis un arrêt de la CJCE du 4 avril 1995 Magill réfléchit à la conciliation entre le droit de la concurrence et les droits de propriété intellectuelles ou industrielles. Elle a pu dégager un principe selon lequel l'exercice d'un droit de propriété n'est pas en soi abusif. Ainsi, le refus d'octroyer une licence ne devient abusif que si les circonstances exceptionnelles sont remplies. La CJCE définit 4 conditions :

  • une position dominante de l'entreprise qui détient le droit or en l'espèce, Microsoft est dans une position de quasi-monopole puisqu'il détient 90% des parts de marchés mondiales.
  • le refus doit porter sur un bien ou un service indispensable à l'exercice d'une activité donnée sur un marché voisin or en pratique, il n'existe pas de solutions alternatives pour les concurrents qui ont besoin de fabriquer leur serveur des données de Microsoft pour pouvoir les faire interagir avec le système d'exploitation Windows.
  • le refus doit être dépourvu de toute justification ce qui est admis en pratique ou tout du moins Microsoft n'invoque que des intérêts qui lui sont personnels. De plus, le refus doit être de nature à éliminer la concurrence. En effet, celui-ci permettait à Microsoft d'augmenter ces parts de marché de manière à être dominant sur d'autres marché que celui des systèmes d'exploitation PC. Cela risque pour le TPICE d'éliminer à terme la concurrence sur le marché concerné (diminution de l'innovation et diminution du choix des consommateurs).
  • Toutefois le TPICE omet au cas d'espèce la condition relative au fait que le refus doit faire obstacle à l'apparition d'un nouveau produit pour lequel il y a une demande potentielle. Mais cette omission ne semble pas remettre en cause la condition. Au contraire, elle doit s'entendre au regard des circonstances spécifiques dudit problème (monopole, innovation...).

La question qui se pose est alors la suivante : peut-on contraindre un auteur à divulguer les sources de son œuvre (et de son innovation) au motif d'interopérabilité ?

Outre une longue approche de la notion économique d'interopérabilité qui peut être comme la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d'autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d'accès ou de mise en œuvre, le TPICE pose une solution. Il fait prédominer les règles de concurrence que si le dommage causé à la concurrence apparaît bien plus important que le bénéfice du respect des règles de propriété industrielle. Par conséquent, Microsoft au cas présent se devait de communiquer les informations permettant l'interopérabilité des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail avec son système d'exploitation Windows PC. Ainsi, dans ce domaine particulier, les besoins d'interopérabilité peuvent justifier des atteintes aux droits de propriétés.

Par cette position, le droit communautaire impose alors aux entreprises ayant une position dominante, une responsabilité spéciale envers les autres entreprises concurrentes et notamment les petites et moyennes entreprises.

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1 Publié par Visiteur
01/09/2011 20:51

Bonsoir, merci pour cette article qui me permet d'illustrer d'exemples le cours reçu sur les pratiques anti-concurentielles dans le cadre de l'UE.

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