De la distinction entre l'agression sexuelle et le viol à la lumière de l'affaire DSK.

Publié le Modifié le 18/05/2011 Vu 23 298 fois 0
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Aujourd'hui, je vous propose un cas pratique basé sur la plainte déposée contre Dominique Strauss-Kahn. Nous tenterons de déterminer la qualification des faits reprochés, en imaginant qu'ils sont soumis à l'empire de la loi française, sans oublier que, pour l'instant, ces faits ne sont aucunement établis et ne reflètent aucune réalité judiciaire.

Aujourd'hui, je vous propose un cas pratique basé sur la plainte déposée contre Dominique Strauss-Kahn. Nou

De la distinction entre l'agression sexuelle et le viol à la lumière de l'affaire DSK.

Aujourd'hui, je vous propose un cas pratique basé sur la plainte déposée contre Dominique Strauss-Kahn. Nous tenterons de déterminer la qualification des faits reprochés, en imaginant qu'ils sont soumis à l'empire de la loi française, sans oublier que, pour l'instant, ces faits ne sont aucunement établis et ne reflètent aucune réalité judiciaire.

Le texte du cas :

« L'accusé a tenté d'avoir, par la force, une relation sexuelle anale et (sic) orale avec une autre personne ; l'accusé a tenté d'avoir des rapports vaginaux avec une autre personne ; l'accusé a forcé une autre personne à un contact sexuel ; l'accusé a séquestré une autre personne : l'accusé a obligé une autre personne à un contact sexuel sans le consentement de cette dernière ; l'accusé a de façon intentionnelle et sans raison légitime touché les parties sexuelles et autres parties intimes d'une autre personne dans le but d'avilir une autre personne et d'abuser d'elle, et dans le but d'assouvir le désir sexuel de l'accusé.

Ces attaques ont été commises dans les circonstances suivantes : le soussigné constate que le soussigné a été informé par une personne connue des services du procureur que l'accusé a…

- fermé la porte du lieu cité ci-dessus et et empêché la plaignante de quitter le lieu

- a saisi les seins de la plaignante sans son consentement

- a essayé retirer le collant de la plaignante et de toucher son sexe

- a fait entrer en contact son pénis avec la bouche de la plaignante à deux reprises

- est parvenu à réaliser les actes ci-dessus en utilisant la force physique »

 

Bien. Penchons-nous sur les textes:

L'agression sexuelle est définie par l'article 222-23 du Code pénal comme :

« Toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Les agressions sexuelles sont ensuite subdivisées entre le viol et les agressions sexuelles autres que le viol.

D'après l'article 222-23 du Code pénal, le viol s'analyse comme :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».

Il est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

Les agressions sexuelles autres que le viol, d'après l'article 222-27, sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000€ d'amende. Elles sont qualifiées de délit.

Dans les deux cas, il faut caractériser une atteinte sexuelle et un défaut de consentement. En revanche, il existe une grande différence de gravité. Le viol est un crime, l'agression sexuelle un délit. La qualification de viol sera retenue s'il y a eu pénétration sexuelle.

 

I. Sur la qualification de viol

La pénétration sexuelle est définie comme une pénétration par le sexe ou dans le sexe (si nous entendons l'anus comme un organe sexuel).

Ainsi, la pénétration buccale d'un objet de forme phallique n'est pas une pénétration sexuelle (Crim. 21 févr. 2007 : Bull. Crim. N°61 ; D. 2007. Pan. 2633 ; RSC 2007. 301 ; Dr. Pénal 2007. Comm. 68 (3ème esp) ; JCP 2007. IV. 1691). Elle n'a lieu ni par ni dans le sexe.

En l'espèce, une première lecture des faits laisse sous-entendre deux pénétrations orales, par contrainte physique. Avant la loi du 23 décembre 1980, l'infraction ne visait pas l'acte de pénétration « de quelque nature qu'il soit ». La fellation imposée était donc exclue. Tel n'est plus le cas (Crim. 22 févr. 1984 : Bull. Crim. 1984. 743 ; Crim. 9 juill. 1991 : Bull. Crim. N°294 ; RSC 1992. 755).

Le viol pourrait donc, à première vue, être retenu.

Toutefois, une relecture de la plainte indique « a fait entrer en contact son pénis avec la bouche de la plaignante à deux reprises ». Or, le contac t ne suppose pas nécessairement pénétration. Il peut ê tre superficiel. I l existe donc un doute sérieux. Ce doute doit profiter à l'accusé, selon l'expression consacrée.

La pénétration n'a donc pas eu lieu. La qualification de viol est donc exclue.

Y'a-t-il alors eu tentative de viol?

L'article 121-4 du Code pénal précise que :

« Est auteur de l'infraction la personne qui :

1° Commet les faits incriminés ;

2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit. »

Ainsi, contrairement à ce que l'on entend souvent, juridiquement il n'est pas moins grave d'avoir tenté une infraction que de l'avoir réalisée. Dans les deux cas, l'auteur des faits ou de la tentative encourt la même peine. L'auteur de la tentative est en effet assimilé à l'auteur des faits.

L'article 121-5 dispose quant à lui que :

« La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

Ayons recours à cette summa divisio.

 

A. Sur le commencement d'exécution

L'infraction n'est donc consommée qu'au-delà d'un certain seuil. Il faut que l'auteur ait manifesté ce que Sutherland appelait l'iter criminis, un cheminement vers le crime matérialisé par certains actes. La Chambre criminelle affirme que, comme la loi n'a pas déterminé précisément à partir de quel point il y a commencement d'exécution, cette appréciation appartient aux juges du fond (Crim. 2 déc. 1954 : Bull. Crim. N°367 : . 1955. 219. Crim. 15 mars 1966 : Bull. Crim. N°96).

Nos chers juges ont ainsi affirmé qu'il y a commencement d'exécution lorsque les actes commis devaient avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer l'infraction (Crim. 25 oct. 1962 (2 arrêts) : Bull. Crim. N°292 (Lacour) et 293 (Benamar et Schieb) ; D. 1963. 221 ; JCP 1963. II. 12985).

En l'espèce, la plainte fait état d'un contact avec le sexe et la bouche. Ce contact pourrait laisser sous-entendre qu'il y a eu l'intention de pénétration buccale. Cela pourrait constituer un commencement d'exécution.

 

B. Sur l'interruption involontaire

De même, l'infraction doit avoir été suspendue par des circonstances indépendantes de l'auteur. Il peut par exemple s'agir de l'intervention de la police (Crim. 2 févr. 1961 : Bull. Crim. N°71).

En l'espèce, nous n'avons aucun élément sur l'interruption volontaire. La plaignante s'est-elle débattue? A-t-elle fui? Sous toutes réserves, il est possible qu'il y ait un acte interruptif.

 

II. Sur la qualification d'agression sexuelle

La plaignante rapporte également deux actes intimes, à savoir un attouchement sexuel et un attouchement des seins.

Ces trois actes ne supposent pas de pénétration. Ils ne pourraient donc pas être qualifiés de viol, mais constitueraient des agressions sexuelles au sens de l'article 222-27 (pour des applications, voir notamment : Crim. 27 déc. 1883 : S. 1885. 1. 516 (1ère esp.) ; Crim. 1Er juill. 1959 : Bull. Crim. N°336 ; Gaz. Pal. 1959. 2. 228 ; Crim. 11 juill. 1989 : Dr. Pénal 1990. 51).

 

*     *

*

 

En conclusion, il convient d'appréhender cette affaire, comme toutes les affaires d'agression sexuelle, de viol ou de tentative, avec la plus grande prudence. Les éléments constitutifs de l'infraction, à savoir les faits et l'intention, sont le plus souvent extrêmement complexes à prouver. Cet article n'a pas pour but de proposer une qualification juridique des faits qui seraient survenus à New York: ils sont gouvernés par la loi américaine, qui n'est pas traitée ici. Il n'a pas non plus pour objectif de se prononcer sur une éventuelle culpabilité. La présomption d'innocence est un principe trop précieux.

 

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A propos de l'auteur
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Pierre Lebriquir
Avocat au barreau de Paris
Conseil à la Cour pénale internationale

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