La carence pôle emploi pour les journalistes

Publié le Modifié le 03/05/2015 Vu 20 933 fois 51
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le journaliste professionnel licencié va percevoir une indemnité de licenciement supérieure à l'indemnité légale applicable aux autres salariés. Quelle en est l'incidence sur le délai de carence pôle emploi ?

Le journaliste professionnel licencié va percevoir une indemnité de licenciement supérieure à l'indemnité

La carence pôle emploi pour les journalistes

Lorsqu'un salarié s'inscrit à pôle emploi après un licenciement, il n'est pas immédiatement indemnisé.

Un premier délai, dit d'attente, d'une durée de 7 jours va tout d'abord automatiquement lui être opposé (sauf rupture du contrat de travail dans le cadre d'un CSP).

 En outre, à ce délai d'attente, est ajouté un différé d'indemnisation.

La durée de ce report est calculée d'une part en fonction du nombre de jours de congés payés qui restaient dus au salarié au moment de son licenciement (et qui lui ont donc été payés sous forme d'indemnité compensatrice de congés payés avec son solde de tout compte) et d'autre part en fonction du montant des sommes reçues au moment de ce licenciement.

Sans rentrer dans tous les détails, on peut retenir que ce différé spécifique d'indemnisation (plus connu sous le nom de "carence") s'applique lorsque le salarié perçoit une indemnité de rupture supérieure à l'indemnité légale de licenciement, soit 1/5ème de mois par année d'ancienneté majorée de 2/15ème de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté

Cette règle est prévue à l'article 21 du règlement général annexé à la convention chômage du 14 mai 2014 selon lequel"le différé visé au § 1er est augmenté d'un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail (…) ayant donné lieu au versement d'indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l'application d'une disposition législative".

Ce différé est désormais plafonné à 180 jours (75 jours en cas de licenciement économique), ce qui signifie que le salarié doit parfois attendre plusieurs mois avant de percevoir les indemnités de chômage.

Pour les journalistes professionnels, l'application de ces règles donne souvent lieu à des difficultés.

On sait que, conformément aux dispositions de l'article 7112-3 du Code du travail, le journaliste licencié est en droit de percevoir une indemnité de licenciement égale à un mois par année ou fraction d'année d'ancienneté dans la limite de 15 mois (et sur décision de la Commission arbitrale des journalistes au-delà de 15 ans d'ancienneté).

Or, en pratique, pôle emploi va souvent appliquer un différé d'indemnisation aux journalistes en considérant que le montant de l'indemnité de licenciement qui leur a été versé est supérieur à celui de l'indemnité légale de licenciement.

Une telle pratique n'est pas conforme aux textes de l'UNEDIC.

L'article 21 du règlement général annexé à la convention chômage du 14 mai 2014 cité ci-dessus indique en effet clairement que cette carence ne s'applique que sur les sommes versées dont le montant ou les modalités de calcul "ne résultent pas directement de l'application d'une disposition législative

Sont donc visées les indemnités de rupture dont le montant, supérieur à celui prévu par la loi, résultent d'une convention collective, d'un accord d'entreprise, d'une transaction entre les parties ou encore du contrat de travail.

En revanche, tant que le montant de l'indemnité de licenciement versée au salarié résulte de la loi il ne doit pas être pris en compte pour le calcul de cette carence. 

C'est le cas de l'indemnité de licenciement due aux journalistes.

Comme le faisait déjà la circulaire UNEDIC n°2011-25 du 7 juillet 2011 sur la mise en oeuvre des règles issues de la convention du 6 mai 2011, la circulaire n°2014-26 du 30 septembre 2014 relative à l'indemnisation du chômage après avoir rappelé que "l'assiette de calcul du différé d'indemnisation spécifique est constituée de toutes les indemnités ou sommes inhérentes à la rupture du contrat, à l'exception de celles dont le montant ou les modalités de calcul résultent directement de l'application d'une disposition législative" indique clairement que  parmi les indemnités exclues de cette assiette de calcul de la carence, il y a l'indemnité de licenciement payée aux journalistes telle que prévue par l'article 7112-3 du Code du travail ainsi que celle versée en cas de clause de cession ou clause de conscience.

S'agissant des indemnités de licenciement fixées par la commission arbitrale, lorsque le journaliste a plus de 15 ans d'ancienneté, pôle emploi considère qu'il s'agit d'une somme supra légale et calculera donc un délai de carence à partir des sommes supérieures à 15 mois de salaires.

Cette pratique apparaît toutefois incohérente dès lors que la fixation de l'indemnité par la Commission arbitrale des journalistes est prévue par la loi, (article L7112-4 du Code du travail) et qu'il s'agit donc bien d'une indemnité prévue par une "disposition législative" au sens de l'article 21 du règlement général annexé à la convention chômage.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
20/06/2016 12:51

Bonjour Me,
Une clause de cession vient d'ouvrir dans mon entreprise. Des intimidations auprès des journalistes ont lieu en ce moment pour les pousser à prendre cette clause. Quant à moi, j'ai reçu en main propre une convocation qui fait référence à l'article L.1232-2. Je n'ai commis aucune faute grave, ni autre d'ailleurs. En fonction de ce qu'il me sera reproché, dois-je attendre la lettre de licenciement en AR ou bien déposer ma clause ? Dans quels délais ? Merci pour votre réponse. Cordialement.

2 Publié par vianneyferaud
20/06/2016 15:23

Difficile de répondre à ces questions de façon précise sans en savoir plus...

L'indemnité de licenciement est normalement identique à celle de la clause de cession, sauf en cas de licenciement pour faute grave et sauf si un "bonus" est prévu en cas de clause de cession.

L'indemnité de clause de cession ou de licenciement d'un journaliste qui a plus de 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise est fixée par la Commission arbitrale des journalistes. C'est également cette Commission qui fixe l'indemnité en cas de licenciement pour faute grave (quelque soit l'ancienneté). Ce n'est pas parce que l'on est convoqué à un entretien préalable à un licenciement que l'on est forcément licencié.

Si vous deviez toutefois être licencié, vous ne pourriez plus après envoi de la lettre de licenciement (au minimum 2 jours après l'entretien) invoquer la clause de cession.

3 Publié par Visiteur
03/11/2016 18:27

Bonjour Maître
J'ai quitté cet été mon employeur grâce à une clause de cession. Mais Pôle emploi et moi avons une divergence d'interprétation concernant mon ancienneté dans mon entreprise.
J'ai dix ans d'ancienneté, durant lesquels j'ai enchaîné les statuts : pigiste, puis cdd, puis re pigiste puis cdi pendant deux ans.
J'ai bien perçu de la part de mon employeur une indemnité correspondant à dix ans d'ancienneté.
Mais pour Pôle emploi, il s'agit d'une indemnité supra légale, car eux considèrent que je n'ai que deux ans d'ancienneté (CDI). Il faut dire que je me suis inscrite à Pôle emploi et ai perçu des allocations chômage durant trois mois, à la fin de mes CDD en 2013. Pour eux, il y a un hic, je n'ai pas travaillé dix ans en continu dans l'entreprise.
Du coup, ils ont décidé de m'appliquer un différé d'indemnisation.
Je ne trouve pas de référence à cette obligation de "période continue de travail" dans les textes de l'assurance chômage.
Partagez-vous mon analyse d'une "erreur" de Pôle emploi ?
Merci pour votre aide. Cordialement.

4 Publié par vianneyferaud
09/11/2016 14:09

Votre question qui relève d'une consultation dépasse le cadre de cet espace réservé aux commentaires. Pour y répondre, il faudrait de toute façon pouvoir consulter les documents relatifs à votre situation personnelle.

Cela étant, il est vrai que POLE EMPLOI fait feu de tout bois tout pour appliquer le plus souvent possible un différé d'indemnisation aux journalistes professionnels.

5 Publié par Visiteur
06/02/2017 22:37

Bonjour Maitre, pour calculer mon différé d'indemnisation/ Indemnité de licenciement, Pole Emploi prend en compte le salaire perçu au cours des 12 derniers mois et considère que le treizième mois touché, que mon employeur a coché dans la case primes exceptionnelle, est une indemnité supra-légale. En conséquence, m'est appliqué un différé d'indemnisation de 49 jours. Nous sommes bien d'accord que comme expliqué dans la convention des journaliste (article 44) et donc avec valeur légale, les indemnités légales correspondent à un mois de salaire + 1/12eme de mois par année de présence? En vous remerciant de votre réponse

6 Publié par vianneyferaud
07/02/2017 10:08

La prime d'ancienneté prévue par la convention collective des journalistes est intégrée à la base de calcul de l'indemnité légale de licenciement et ne doit effectivement pas être prise en compte pour le calcul d'un différé d'indemnisation par pôle emploi.

7 Publié par Visiteur
11/12/2017 12:51

Bonjour Maître, et merci pour ce blog.

Je suis en discussion avec Pôle Emploi sur la question du différé d'indemnisation. Après quelques échanges, mon agence a fait remonter mon dossier au service réglementaire de l'Unedic et me demande désormais de m'adresser au médiateur.

Elle a calculé la partie légale maximale de mon indemnité de licenciement en multipliant mon avant-dernier salaire brut par 15 (années d'ancienneté). Ce qui exclut le 13ème mois du calcul. De ce fait mon agence m'impose un différé spécifique d'indemnisation relatif à la partie de mon indemnité perçue qu'elle considère comme extra-légale et qui correspond à ce 13ème mois sur 15 ans.

Le fait que la CCN des journalistes prévoit d'ajouter 1/12e de mois au dernier salaire perçu, au titre du 13e mois, pour le calcul de l'indemnité de licenciement et le fait que la CCN a été étendue en font-ils bien une modalité de calcul qui "résulte directement de l’application d’une disposition législative" (au sens du règlement Unedic) ? A défaut, y-a-t'il des jurisprudences allant dans ce sens ?

Merci d'avance.
Bien cordialement.

8 Publié par vianneyferaud
11/12/2017 13:51

Pôle emploi ne manque pas d'imagination lorsqu'il s'agit d'appliquer de la carence mais si on devait suivre la logique de votre agence, un journaliste licencié en janvier ayant reçu son 13ème mois en décembre, aurait droit à une indemnité légale de licenciement de 2 mois de salaire par année d'ancienneté !

L'article L.7112-3 du Code du travail dispose que la base de calcul de l'indemnité légale d'un journaliste est celle de ses "derniers appointements".

La Cour de cassation considère que la période à laquelle fait référence ce texte est celle visée à l'article R1234-4 du Code du travail, c'est-à-dire la moyenne de la rémunération reçue au cours soit des 12 soit des 3 derniers mois, étant observé que :

- le montant d'une prime annuelle doit être divisé par 4, si cette prime a été payée au cours de cette période de référence de 3 mois ;

- la moyenne des 12 derniers mois englobe au moins celui du paiement du 13ème mois ;

9 Publié par Visiteur
13/12/2017 13:25

Merci Maître pour ces précisions éclairantes.
Cordialement.

10 Publié par Visiteur
05/02/2018 23:23

Bonsoir Maître,
Dans le cadre de la reprise d'un périodique (moins de 20 salariés) qui avait fait l'objet au préalable d'une liquidation, les journalistes qui souhaitent prendre leur clause de cession peuvent-ils bénéficier du Contrat de sécurisation professionnelle (CSP), et donc de l'ASP, ou ne peuvent-ils prétendre qu'à l'Allocation de retour de à l'emploi (ARE) ?

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.