Sur le délai déraisonnable de la période d’essai et sa sanction par le droit du travail.

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Sur le délai déraisonnable de la période d’essai et sa sanction par le droit du travail.

Dans un arrêt récent du 4 juin 2009, la cour de cassation vient indiquer qu’une période d’essai probatoire de 12 mois n'était pas compatible avec les exigences de la convention n° 158 de l'OIT, laquelle convention prévoit que les exigences liées à un motif et à une procédure de licenciement peuvent être écartées pour les salariés qui effectuent une période d'essai à condition que celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable

Dans le cas d’espèce,  un salarié devait être  engagé à condition d’effectuer une période de stage d'une durée maximum de douze mois.

Or, l'employeur avait mis fin à son stage le 2 août 2004.

Le salarié avait alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de sommes à titre notamment de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture de son contrat.

La cour d’appel déboutait le salarié, estimant la période de stage prévue par la convention collective comme équivalente à une période d'essai qui ne dépassait pas la durée nécessaire à la démonstration de ses compétences.

La cour de cassation censure les seconds juges et rappelle que si l'employeur peut mettre fin de manière discrétionnaire aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, ce droit s’applique sous la réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ;

 Elle rappelle que la durée de la période d'essai doit être proportionnée avec le temps nécessaire pour éprouver la capacité du salarié à exercer sa fonction et a estimé qu'en l'espèce, la durée d'un an  dépassait  la durée nécessaire à la démonstration des capacités de l'intéressé.

Pour plus d'informations : http://avocat-jalain.fr

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 4 juin 2009
N° de pourvoi: 08-41359
 
 

 « Sur le premier moyen :

Vu les principes posés par la convention internationale n° 158 sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990 et la dérogation prévue en son article 2 paragraphe 2 b), ensemble l'article 10 de la convention collective nationale du Crédit agricole ;

Attendu qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 février 2004 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France, en qualité de chargé d'affaires à la direction des entreprises, le contrat de travail stipulant l'obligation d'accomplir, conformément à l'article 10 de la convention collective, une période de stage d'une durée maximum de douze mois ; que l'employeur ayant mis fin à son stage le 2 août 2004, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de sommes à titre notamment de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la période de stage prévue pour les agents de catégories F à H, par l'article 10 de la convention collective du Crédit agricole, est équivalente à une période d'essai qui ne dépasse pas la durée nécessaire à la démonstration des capacités de l'intéressé, responsable de domaine d'activité, classe III, notamment à la démonstration, qui s'effectue sur une période significative, de sa capacité à s'intégrer aux équipes en place et que cette durée n'est pas déraisonnable au sens de la convention OIT ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 10 de la convention collective du Crédit agricole qui prévoit une période de stage probatoire de douze mois n'est pas compatible avec les exigences de la convention n° 158 de l'OIT, la cour d'appel a violé ladite convention internationale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la CRCAM de Paris et d'Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CRCAM de Paris et d'Ile-de-France et condamne cette caisse à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Robert X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris Ile de France au paiement des sommes de 15 007,70 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 40 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 5 000 pour licenciement irrégulier et 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE "… l'article 10 de la convention collective, visé par le contrat de travail, prévoit que "Les agents embauchés seront d'abord appelés à accomplir un stage pendant une période de 6 mois pour les agents dont les emplois relèvent des catégories A à E et d'un an pour les agents relèvent des catégories F à H… Si le stage est concluant, l'agent est titularisé et ses fonctions lui sont alors confirmées. Dans le cas contraire, la Direction met fin au contrat" ; qu'il résulte de cette disposition que la période intitulée "stage" constitue, quelle que soit sa dénomination, une période d'essai destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle en vue d'une titularisation du stagiaire, pendant laquelle les règles du licenciement ne sont pas applicables ; qu'il ne pouvait y avoir d'ambiguïté dès lors que les parties ont pris soin de préciser, dans le contrat de travail, que cette période de stage était "équivalente à une période d'essai" ;

QUE la durée de la période d'essai doit être proportionnée avec le temps nécessaire pour éprouver la capacité du salarié à exercer sa fonction ; qu'en l'espèce, la durée d'un an ne dépasse pas la durée nécessaire à la démonstration des capacités de l'intéressé, Responsable de domaine d'activités, classe III, notamment la démonstration, qui s'effectue sur une période significative, de sa capacité à s'intégrer aux équipes en place ; qu'elle n'est pas déraisonnable au sens de la Convention OIT n° 158 (…)" ;

1°) ALORS QUE n'est pas "raisonnable", ni justifiée par la nature des emplois considérés, la période d'essai d'une durée d'un an, supérieure à celles prévues par l'ensemble des conventions collectives des établissements bancaires, indifféremment applicable, aux termes de l'article 10 de la Convention collective du Crédit Agricole, à l'ensemble des "agents dont les emplois relèvent des catégories F à H", sans considération de la nature de l'emploi ni des fonctions confiées ; qu'il s'ensuit que la stipulation conventionnelle prévoyant une telle durée d'emploi doit être réputée non écrite ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2-b de la Convention OIT n° C 158 du 22 juin 1982 ;

2°) ALORS subsidiairement QU'en se déterminant au vu de motifs purement formels pris, d'une part, de l'intitulé contractuel de l'emploi du salarié ("Responsable de domaine d'activités") et, d'autre part, d'une référence générale à "sa capacité à s'intégrer aux équipes en place", susceptible de s'appliquer à n'importe quel agent la Cour d'appel, qui n'a pas justifié sa décision en considération de la nature des fonctions confiées au salarié, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-4 ancien (L.1231-1) du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris Ile de France au paiement des somme de 40 000 au titre de la rupture abusive de sa période de stage et 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE "l'employeur peut mettre fin de manière discrétionnaire aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, sous la réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ; qu'en l'espèce, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et d'Ile de France produit les feuilles d'appréciation concernant Monsieur X..., la première établie par les appréciateurs entre le 14 avril et le 5 mai, la seconde, établie les 22 et 26 juillet 2007 ; qu'il en résulte que l'attention de Monsieur X... a été attirée sur le fait qu'en raison de certaines difficultés qui y sont précisément définies, sa titularisation n'était pas acquise ; que ces appréciations ont été consignées après des entretiens qui ont eu lieu en mars et avril 2004 selon les dires non contestés de l'employeur ;

QUE de son côté, Monsieur X... ne produit aucun élément de nature à démontrer que le droit de l'employeur de mettre fin à la période d'essai avait dégénéré en abus pour n'être pas en lien avec ses capacités ; que c'est donc bien en raison d'une appréciation, par l'employeur, des aptitudes professionnelles de Monsieur X... que la rupture des relations contractuelles est intervenue ; qu'il s'ensuit que la rupture des relations au cours de la période de stage n'est pas abusive" ;

1°) ALORS QUE dans ses écritures d'appel excipant du caractère abusif de la rupture, Monsieur X... avait expressément soutenu que, contrairement aux procédures internes applicables, qui prévoyaient impérativement sa réalisation dans les trois premiers mois d'activité, l'entretien ayant abouti à la première appréciation avait eu lieu le 30 juin 2004, le document de synthèse lui ayant été transmis le 1er juillet, et qu'il avait découvert, au retour d'une période de vacances du 5 au 23 juillet 2004, qu'il était mis fin à sa période de stage, reprochant à l'employeur, qui ne l'avait ainsi averti que le 1er juillet que sa titularisation n'était pas acquise s'il ne modifiait pas son comportement, d'avoir mis fin à la période de stage un mois plus tard alors qu'il n'avait travaillé que six jours entre les deux évaluations ; qu'en énonçant que les appréciations de l'employeur avaient été portées, l'une "entre le 14 avril et le 5 mai… l'autre les 22 et 26 juillet 2007… après des entretiens qui ont eu lieu en mars et avril 2004 selon les dires non contestés de l'employeur" la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 7 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE Monsieur X..., qui avait produit aux débats plusieurs éléments objectifs, telles des fiches d'évaluation des 6 avril et 18 mai 2004, ainsi que les tableaux comparatifs de ses résultats et de ceux de ses collègues, avait en outre fait valoir que les conditions non conventionnelles dans lesquelles avaient été établies et transmises les "feuilles d'appréciation" motivant son éviction par des considérations relationnelles invérifiables, caractérisaient l'abus de l'employeur dans l'exercice de son droit de rupture ; qu'en décidant qu'il ne "produisait aucun élément de nature à démontrer que le droit de l'employeur… avait dégénéré en abus pour n'être pas en lien avec ses capacités" la Cour d'appel, qui a dénaturé par omission les éléments de preuve objectifs ainsi produits par le salarié, a violé l'article 1134 du Code civil.

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