Harcèlement moral et charge de la preuve

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Harcèlement moral et charge de la preuve

La demande de réparation d'un salarié au titre d'un harcèlement moral ne peut être rejetée au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé et la dégradation des conditions de travail.

 C'est ce qui ressort d'un récent arrêt de la cour de cassation du 30 avril 2009.

 En l'espèce, le salarié avait produit des certificats médicaux faisant mention d'un état dépressif mais ne précisait pas sa relation avec les conditions de travail. L'avis du médecin du travail ne contenait pas non plus d'élément établissant une relation entre l'inaptitude et l'existence d'un harcèlement moral.

 La Cour d'appel avait donc rejeté la demande du salarié, ce que la Haute Cour a infirmé sur le fondement de l'article L. 122-52 du Code du travail.

 

La Cour de cassation réaffirme que la charge de la preuve « repose sur l'employeur dès lors que le salarié apporte des éléments de nature à soulever la question d'un éventuel harcèlement moral ».

 

Un salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

 L'intérêt de l'arrêt réside en ce qu'il signifie que ce n'était pas sur ce fondement que la Cour d'Appel pouvait écarter le harcèlement moral. Elle devait se fonder sur les éléments apportés par l'employeur et non sur les éléments fournis par le salarié.

 

Cass. soc., 30 avril. 2009, n° 07-43.219

 

"(...)Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... été engagé en qualité de peintre compagnon professionnel le 1er octobre 2001 par la société MB Peinture ; que le 19 décembre 2003, il a informé son employeur de ce qu'il était victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique ; qu'il a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 19 janvier 2004 jusqu'au 2 février 2004 ; que, par avis du 6 février 2004 le médecin du travail a conclu à " une inaptitude à tous les postes de l'entreprise, selon l'article R. 241-51-1 du code du travail. Danger pour lui-même et pour les autres. " ; que le salarié, de nouveau en arrêt de travail pour maladie à compter du 9 février 2004, a été licencié le 20 février 2004 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

Mais sur le deuxième moyen :

 

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;

 

Attendu que selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

 

Attendu que pour décider que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes en paiement d'indemnités, l'arrêt se borne à relever que l'employeur a discuté avec un délégué du personnel du problème de reclassement de M. X... et qu'il n'a pas été trouvé de solution, et que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement trois jours après l'avis d'inaptitude ne peut établir que l'employeur n'avait pas tenté de mettre en oeuvre l'obligation de reclassement ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, le seul entretien avec un délégué du personnel ne suffisait pas à établir que l'employeur se soit conformé à ses obligations susvisées et que, d'autre part, la brièveté du délai écoulé après l'avis d'inaptitude démontrait, à lui seul, qu'il n'y avait eu aucune tentative sérieuse de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Et sur le troisième moyen :

 

Vu l'article L. 1154-1 du code du travail, applicable à l'article L. 1152-1 en matière de harcèlement moral ;

 

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts à titre de harcèlement moral, la cour d'appel, après avoir relevé que le salarié produit une attestation selon laquelle M. Y... " était constamment sur le dos de M. X... et le harcelait continuellement pour des raisons injustifiées ainsi que nous autres, contrôle permanent des heures d'arrêt et de reprise de travail, ne nous laissant même pas le temps pour se laver les mains ou aller aux toilettes le local sanitaire vestiaires et local déjeuner se trouvant à dix minutes de notre lieu de travail ", et que l'employeur produit l'attestation d'un collègue du salarié aux termes de laquelle celui-ci supportait mal les remarques de M. Y... qui semblaient justifiées et ne constituaient pas un harcèlement et l'attestation d'un délégué du propriétaire de l'immeuble où se déroulaient les travaux n'ayant à aucun moment constaté un comportement de la part de M. Y... s'apparentant à du harcèlement, retient que si les certificats médicaux font mention d'un état dépressif, ils ne précisent cependant pas sa relation avec les conditions de travail et que l'avis du médecin du travail ne contient non plus aucun élément établissant une relation entre l'inaptitude et l'existence d'un harcèlement moral ;

 

Qu'en statuant ainsi alors que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel qui ne pouvait rejeter la demande du salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé et la dégradation des conditions de travail, a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; "

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1 Publié par mitsi
28/06/2009 16:35

Bonjour,
Si j'ai bien compris les motifs de la Cour d'Appel sont insuffisamment étayés.Le seul fait d'avoir produit des certificats médicaux l'emporte sur les témoiganages favorables à Mr Y.
Ou alors l'excés de zèle(rapidité de la procédure)en relation avec le licenciement a-t-il introduit le doute auprès des magistrats de la Cour de Cassation?
Le procès doit donc être rejugé devant la Cour d'Appel.
Car la seule production de certificats médicaux seraient donc caractéristique d'un harcèlement moral.J'aimerai connaître la réponse.

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