Le soldat Ryan est sauvé par le Conseil constitutionnel : l'article 530 du CPP validé sous réserve

Publié le 13/08/2015 Vu 2 333 fois 0
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Par décision n° 2015-467 QPC du 07 mai 2015, le Conseil Constitutionnel a considéré, sous réserve, que l'article 530 du Code de procédure pénale, qui impose de produire l'avis d'amende forfaitaire majorée pour que la contestation de la dite amende majorée soit recevable, n'est pas contraire à la Constitution.

Par décision n° 2015-467 QPC du 07 mai 2015, le Conseil Constitutionnel a considéré, sous réserve, que l'

Le soldat Ryan est sauvé par le Conseil constitutionnel : l'article 530 du CPP validé sous réserve

L'article 530 du Code de procédure pénale prévoit que dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. 

Mais selon ce même texte : "La réclamation doit être accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée ainsi que, dans le cas prévu par l'article 529-10, de l'un des documents exigés par cet article, à défaut de quoi elle est irrecevable."

Cette disposition a été contestée car aucun recours au juge n'est prévue par les textes dans le cas où l'avis d'amende forfaitaire majorée ne peut être joint à la réclamation portée devant l'officier du ministère public, alors qu'il n'est pas prévu que l'administration doive justifier de l'envoi de cet avis.

Pour comprendre les enjeux, l'on rappellera que l'émission du titre exécutoire emporte retrait de points alors que, pour sa part, la contestation de l'amende forfaitaire majorée emporte annulation du titre exécutoire et donc, fort logiquement, emporte obligation pour le Ministère de l'Intérieur de restituer les points qui auraient été retirés.

La question était donc d’importance.

Le 18 février 2015, la Cour de cassation a demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce dispositif à la Constitution.

Par décision n° 2015-467 QPC du 07 mai 2015, le Conseil Constitutionnel a considéré que l'article 530 du Code de procédure pénale, qui impose de produire l'avis d'amende forfaitaire majorée pour que la contestation de la dite amende majorée soit recevable, n'est pas contraire à la Constitution, le droit à un recours juridictionnel effectif imposant "que la décision du ministère public déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale irrecevable au motif qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité, soit que le contrevenant prétende que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 530, l'avis d'amende forfaitaire majorée ne lui a pas été envoyé, soit qu'il justifie être dans l'impossibilité de le produire pour des motifs légitimes".

Le soldat Ryan est sauvé par les apparences, et l'on rapprochera cette décision de la décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, aux termes de laquelle le Conseil a considéré que « le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant la juridiction de proximité ; qu’il en va de même de la décision déclarant irrecevable une requête en exonération lorsque cette décision a pour effet de convertir la somme consignée en paiement de l’amende forfaitaire ». Sous cette réserve, le Conseil avait jugé que « le pouvoir reconnu à l’officier du ministère public de déclarer irrecevable une requête en exonération ou une réclamation ne méconnaît pas l’article 16 de la Déclaration de 1789 » et déclaré conforme à la Constitution l’article 529-10 du Code de procédure pénale.

Toutefois, cette décision n'est évidemment pas satisfaisante.

Elle procède en effet d'un pur sophisme : il n'y pas de recours prévu par les textes mais peu importe car ... il doit y en avoir un ...

Mais le Conseil perd de vue qu'il demeure un fait : aucun texte ne prévoit de recours en la matière. 

Il fallait donc déclarer le texte non conforme.

Le Conseil a-t-il donc voulu créer un nouveau recours ex nihilo pour sauver l'article 530 ?

En droit Français, ce n'est pas au juge qu'il appartient d'inventer des recours : il appartient au seul Législateur de prévoir le principe, les formes, les délais et les effets des voies de recours.

Le Conseil devient-il un juge anglo-saxon en s'arrogeant la possibilité de créer des recours de façon pragmatique lorsque cela est nécessaire au respect des droits fondamentaux ? 

Mais quel est alors le cadre procédural de ce recours "imposé" par le Conseil ? Quelles sont ses formes, ses délais et ses effets ? 

Nous n'en savons rien si ce n'est de formuler des conjectures sur l'application de l'article 530-2 du Code de procédure pénale selon lequel "Les incidents contentieux relatifs à l'exécution du titre exécutoire et à la rectification des erreurs matérielles qu'il peut comporter sont déférés à la juridiction de proximité, qui statue conformément aux dispositions de l'article 711", si l'on s'en tient à l'arrêt de la Cour de cassation du 25 mars 2014 (n°13-80170) qui statuait au visa des "articles 529-10, 530 et 530-2 du code de procédure pénale, ensemble le droit à un recours juridictionnel effectif" pour déjà indiquer, faisant elle-même oeuvre créatrice (mais sans plus de précisions pratiques ...), que « Le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant irrecevable la requête en exonération présentée par la personne destinataire d'un avis de contravention puisse être contestée devant la juridiction de proximité ».

Mais outre que c'est là appliquer un texte (l'article 530-2) à une situation pour laquelle il n'a pas été prévu, quels sont les effets d'un tel recours sur la restitution des points, s’agissant de l’amende forfaitaire majorée ?

Doit-on attendre la décision du juge ? Le simple dépôt de ce recours emporte-t-il restitution des points retirés en vertu de l'avis d'amende majorée ? 

Ces questions sont d'importance pour tous ceux qui ont vu leur permis invalidé en suite d'un ou plusieurs avis d'amende forfaitaire majorée qu'ils n'ont jamais reçu(s) ... 

Le Conseil n'était pas saisi directement de ces questions pratiques mais il fallait pourtant en tenir compte avant que de sauver le soldat Ryan par une décision qui est loin d'être satisfaisante car elle procède d'un pur sophisme, laisse des questions fondamentales en suspens, créé une incertitude et une insécurité juridique condamnables, et condamne des conducteurs à demeurer de long mois privés de leur permis pour des amendes dont ils ignoraient l'existence.

Source :

Conseil Constitutionnel, Décision QPC n° 2015-467 QPC du 07 mai 2015

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