Annulation de la déclaration de nationalité française par mariage : le gouffre juridique

Publié le 18/09/2015 Vu 60 775 fois 229
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La déclaration de nationalité française par mariage peut être contestée dans le cadre d'une procédure défavorable au justiciable en raison de l'imprécision des délais d'action et le poids de la présomption de fraude. Une amélioration des droits du déclarant s'est faite grâce à l'intervention du Conseil Constitutionnel et du contrôle par la cour de Cassation de la manière dont le juge du fond apprécie les faits.

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Annulation de la déclaration de nationalité française par mariage : le gouffre juridique

Des lois successives modifiant les conditions  d’acquisition de la nationalité française se sont multipliées ces deux dernières décennies. Malgré l’alternance et le changement  habituel de la couleur politique du gouvernement, la tendance est  vers le durcissement.

C’est ainsi que le contentieux de la nationalité s’est alimenté considérablement et s’est vu s’alourdir par des procédures  juridictionnelles longues et épineuses.

Nous allons nous intéresser au cas particulier de l’acquisition de la nationalité française par mariage, premier moyen d’accès à la nationalité française.       .

Plusieurs étrangers  mariés à des ressortissants français choisissent la voie de l’acquisition de la nationalité française par déclaration en raison de la simplicité de sa procédure et de ses conditions. Ce choix de la facilité peut s’avérer regrettable.

Et pour cause, obtenu par mariage, le bénéfice de la nationalité française risque de rester  intimement  lié au sort du dit mariage.

Or,  autant que n’importe quel couple, les époux, dont l’un a dû acquérir  la nationalité française par déclaration, sont susceptibles de se séparer et d’engager des procédures de divorce.

A l’initiative de l’époux mécontent ou de l’administration mise au courant  de la séparation du couple, une procédure d’annulation de la déclaration de nationalité en vue de la constatation de l’extranéité du déclarant pourrait être engagée.

C’est le troisième alinéa de l’article 26-4 du code civil qui traite de l’annulation de l’enregistrement après séparation des époux : «  L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude. »

Deux questions se posent :

  • Comment l’action en nullité est –elle engagée ?
  • Quelles sont les conséquences de la décision définitive de nullité sur la situation du déclarant redevenu étranger ?

  • Les enjeux de l’action en nullité de l’enregistrement de la déclaration de nationalité par mariage

L’annulation de l’enregistrement de la déclaration de nationalité sur le fondement de l’article 26-4 du code civil, pose plusieurs problèmes juridiques donnant lieu à une jurisprudence abondante :

  • le point de départ de la prescription biennale de l’action

Après des années de confusion, il est décidé définitivement que le point de départ du délai d’agir en nullité de l’enregistrement est la connaissance par le Ministère public, à l’exclusion de tout autre administration de l’Etat , de l’existence de la fraude ou du mensonge. Cette connaissance est appréciée par les juridiction au cas par cas : transcription du divorce, diligence d’une enquête.. Avec l’arrêt du 5 juillet 2012, la Cour de Cassation a nuancé sa position en faveur du justiciable : il ne s’agit plus uniquement de déterminer la date à laquelle le ministère public a eu une connaissance effective de la fraude ou du mensonge, mais d’apprécier la date à laquelle il a pu en avoir connaissance. D’ailleurs, à ce titre les juridictions de fond  n’ont plus le bénéfice de appréciation souveraine de ce point de départ.

  • La notion de mensonge et de fraude : le mensonge ou la fraude est une notion objective, indépendante de l’intention de son auteur. Constituent ainsi des cas de fraude ou de mensonge le fait d’invoquer la persistance d’une communauté de vie (Civ. 1re, 11 juin 2008, Bull. civ. I, n° 167 ; RLDC 2008/52, n° 3117, obs. Marraud des Grottes) ou encore le fait de produire un acte de naissance apocryphe (Civ. 1re, 23 juin 2010, n° 08-19.854, D. 2010. 1708  ; ibid. 2868, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot  ; Rev. crit. DIP 2010. 689, note S. Corneloup et F. Jault-Seseke ).

  • la mise en jeu de la présomption de fraude : La présomption de fraude instituée par l’article 26-4 du code civil a été  longtemps un outil déterminant pour le Ministère public dans ses procédures d’annulation. La charge de la preuve étant inversée, le juge avait pour mission d’apprécier si les éléments apportés par le déclarant étaient de nature à contrecarrer l’état de fraude préalablement établi à son encontre grâce au simple fait de la séparation de son conjoint dans les douze mois de l’enregistrement.

Or, le Conseil constitutionnel en sa décision  (n° 2012-227 QPC) du 30 mars 2012, et tout en déclarant conforme à la Constitution l'article 26-4 du code civil , il a émis une importante réserve au considérant 14, aux termes de laquelle la présomption prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de ce texte ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration et que, dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqués ;

Aussi, depuis cette décision, la Cour de Cassation sanctionne les arrêts des Cours d’appel persistants à considérer que le bénéfice de la présomption est acquis au Ministère Public malgré l’engagement de l’action plus de deux ans après l’enregistrement de la déclaration de nationalité.  Le dernier arrêt de la Cour  suprême date du 9 septembre 2015, Pourvoi 14-20410.

  • La situation administrative du déclarant après la nullité de l’enregistrement de sa déclaration de nationalité.

La décision définitive prononçant la nullité de la déclaration de nationalité française par mariage a pour effet de constater l’extranéité du déclarant. Ce dernier n’est plus  français et reprend au regard de l’Etat français son statut d’étranger.

Mais dans quelle situation administrative serait cet étranger sur le sol français ? Régulière ou irrégulière ?

La question n’a pas de réponse législative et sombre de ce fait dans le gouffre du vide juridique, pourtant assez rare de nos jours.

En effet, rien n’est prévu par les textes pour traiter des cas de ceux qui perdent la nationalité française en général et qui avaient restitué leur titres de séjour ( souvent de dix ans) à l’administration française en contre partie du « sésame » bleu.

            On pourrait tout de suite dire que le droit commun s’applique : toute nullité a pour effet de rétablir les parties dans l’état où ils étaient avant l’acte annulé. Pourtant cette solution n’est pas d’application directe et n’est guère considérée par celui à qui incombe la restitution du seul titre restant à priori valable. En effet, le déclarant, désormais étranger est sommé par tous les moyens de restituer aux services de l’Etat la carte d’identité et passeport français sans pour autant qu’il soit en mesure de se faire restituer son ancien titre de séjour.

Les préfets considèrent souvent que la personne est, depuis la perte de la nationalité française, sans titre sur le sol français comme si la décision judicaire vaut annulation de tout son parcours en France. Je me souviens du cas d’un étranger ayant vécu régulièrement en France depuis son entrée sur notre territoire et qui s’est vu annuler sa déclaration de nationalité française après 17 ans de résidence en France dont 8 ans en qualité de français. La demande de titre de séjour a été traitée comme étant une première demande de régularisation et non la restitution d’un droit  déjà acquis. Forte heureusement, le demandeur étaient le parent d’enfants français encore mineurs  (nés de l’union ayant été à l’origine de l’acquisition de la nationalité). Mais quid de ceux qui ne rentre dans aucun des cas d’obtention de plein droit de titre de séjour prévus par le CESEDA ?

En résumé, il faut que les prétendants de la nationalité française optent plutôt pour la démarche administrative de  naturalisation plutôt que de faire dépendre leur statut administratif  des aléas de la vie de coulpe.

Ceux préméditant la séparation de leurs conjoints français, doivent savoir que le risque ne se limite pas à l’annulation de la déclaration de nationalité mais peut atteindre également le droit même de demeurer en situation régulière sur le sol français. L’article 46-4 du code civil est prévu justement pour sanctionner leur fraude.

Malheureusement, le recours à un Conseil est rarement envisagé en amont. Ce n’est qu’en aval, à la réception de l’assignation en justice qu’on s’aperçoit qu’il y avait matière à se poser les bonnes questions !

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1 Publié par Visiteur
04/06/2017 12:50

Bonjour maitre:svp il faut rister 24 mois aprés l'enregistrement de naturalisation par mariage ? Ou juste 12 mois ? Merci a vous.

2 Publié par Visiteur
05/06/2017 10:27

bonjour maitre, je suis mariée depuis 9 ans et je viens de déposer ma demande de nationalité par mariage (avril 2017). Pour des raisons personnelles j'aimerai demander le divorce et bien évidemment annuler cette demande de nationalité par mariage et par la suite refaire une demande en étant seule (par naturalisation). Ayant un enfant de 8 ans ensemble j'ai peur de ne pas en avoir la garde car je travaille en CDD et j'ai peur aussi qu'on m'Oblige à quitter la France...

3 Publié par taboubi
05/06/2017 16:11

Pour Mayo : La séparation dans les 12 mois de l'ENREGISTREMENT de la déclaration est préjudiciable dans le sens où la présomption de fraude joue contre vous. Pour y échapper il faut dépasser le délai de 12 mois avant toute séparation. Le délai de 24 mois et celui offert au Ministère Public afin d'assigner en annulation et ce à partir de la découverte de la "fraude".

4 Publié par Visiteur
05/06/2017 17:04

Bonjour maitre,je reviens vers vous depuis mon déplacement en vos bureaux en Nov 2015, concernant la mise en cause de ma NAT.FR sur le fondement de l'ART 26-4, a savoir que je me suis marié en 04/2005 et obtenu la NAT FR en 12/2010 sans interruption de vie commune , me suis marié au bled en mai 2011 ,et divorcé de la 1ere épouse en 01/2015.ma question est: lors de la dépose de la demande de transcription de mon acte de mariage a Nantes, en 10/2015 j'ai reçu un courrier m'informant qu'il y a une remise en cause de ma NAT et me plaçant en situation de bigamie, car mon 1er mariage en 04/2005 dissous 01/2015 ,et le le 2eme mariage célébré en mai 2011.depuis notre dernier entretien vous m'aviez informé qu'un courrier en RC du procureur de Nantes me parviendrai aujourd'hui je suis toujours en attente de ce courrier depuis 10/2015 je vous demande de bien vouloir m'informer de ce que je dois faire en vous remerciant pour votre réponse et votre aide cordialement karim

5 Publié par Visiteur
06/06/2017 11:32

Re bonjour maître je n'ai peut-être pas été assez claire dans ma description.ma question est "est-ce qu'il y a un risque qu'on me refuse la naturalisation par décret car je suis un CDD ( sachant que je travaille pour la fonction publique hospitalière et que j'ai un courrier de ma direction qui atteste que j'ai un emploi pérenne) il n'y a pas de CDI là où je travaille au bout de 2 ans de CDD on est directement stagiaire si on a obtenu un poste (ce qui est mon cas).la direction m'a dit qu'elle attendait ma nationalité française pour que je puisse être mise en stage....

6 Publié par taboubi
06/06/2017 13:02

Pour Karim,
Je ne peux vous répondre sur le forum sans enfreidre la règle de confidentialité imposé aux avocats dans leurs rapports avec leurs clients. Je vous prie de bien vouloir prendre contact avec mon cabinet, le cas échéant . Je me permets au passage de vous corriger sur le terme Courrier RC, ce n'est pas un courrier que vous risquez d'avoir mais une assignation délivrée par le Ministère Public.

7 Publié par taboubi
06/06/2017 13:06

Pour Foufee :
Je crois que vous avez de réelles chances d'obtenir la naturalisation si vous avez bien sur dépassé les 5 ans de présence en France. Le stage et le processus d'intégration dans la fonction publique est une élément déterminant en votre faveur, il faudra le mettre en valeur.

8 Publié par Visiteur
12/06/2017 06:05

Bonjour maître,
Je voulais savoir si je me marie juste après la publication du jo de ma naturalisation avec une étrangère à l'étranger, je risque le retrait de ma nationalité ? Il faut attendre combien de temps après la publication pour me marier? Est ce que je dois attendre LA cérémonie ?

9 Publié par Visiteur
17/06/2017 10:07

Bonjour maître, je suis marié depuis 2008 j'ai deux enfants, j'ai eu la nationalité en février 2016 (la date d enregistrement) en ce moment ça va pas du tout dans mon couple ma femme dit qui elle a envoyé une lettre pour me dénoncer d avoir se marié avec elle pour avoir des papiers après 9ans de mariage et deux enfants .... Merci de votre conseil, est il possible de récupérer un titre de séjour si jamais ya annulation de nationalité ? ... Merci maître

10 Publié par Visiteur
18/06/2017 19:53

Bonjour maitre:j'ai la nationalité française depuis 17 mois: plus( je suis née en france est à l'age de 3ans je suis parti ...j'ai grandé au bled) et je veux divorcé le plutot possible est-ce que c'est vrai que je dois attendre 24 mois ?? Merci..

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