Les dernières évolutions du contentieux administratif : aperçu du droit applicable

Publié le Modifié le 25/09/2019 Vu 7 136 fois 1
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Le Droit administratif n'est pas une matière où la législation évolue tous les jours mais il faut noter tout de même que la dernière réforme de 2016 modifie considérablement le Code de Justice Administrative.

Le Droit administratif n'est pas une matière où la législation évolue tous les jours mais il faut noter to

Les dernières évolutions du contentieux administratif : aperçu du droit applicable

 

Le Code de justice administrative a fait l'objet de nombreuses modifications depuis l'adoption d'un décret n° 2016-1480 et d'un décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 dit Justice Administrative de demain (JADE) puis d'une loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 portant sur la modernisation de la Justice du XXIème siècle et ce afin d'adapter la pratique du contentieux administratif aux attentes de la société de demain tout en veillant à harmoniser l'ensemble des procédures juridictionnelles.

La Justice du XXIème siècle intéresse, en effet, à la fois la Justice civile, la Justice pénale mais aussi la Justice administrative.

Cette dernière subie une modification en profondeur tant en ce qui concerne la saisine des juridictions compétentes que de l'instruction des affaires pendantes ou du jugement de celles-ci mais aussi des voies de recours dont disposent les justificables et leurs conseils pour faire valoir leurs droits. C'est ce qu'il résulte de l'adoption des deux décret du 2 novembre.

Il s'agit en quelque sorte d'améliorer et de perfectionner la pratique du contentieux administratif à la fois en procédant à une rationalisation des procédures et à leur harmonisation tout en prévoyant des garanties permettant aux justiciables de faire valoir leurs droits à travers le respect des principes fondamentaux du procès. 

il s'agit aussi, comme le prévoit le décret, de généraliser le recours à la dématérialisation des procédures (via l'application télérecours).

En outre, il convient de mettre en avant certaines innovations procédurales apportées par la loi du 18 novembre 2016 comme la reconnaissance des actions de groupes ou le recours à la médiation qui devient obligatoire (à titre expérimental) depuis un décret du 16 février 2018 en matière de litige concernant le droit de la fonction publique ou des litiges sociaux (exemple en matière de contestation concernant l'octroi de prestations comme RSA).

 

I. En ce qui concerne l'amélioration du droit procédural existant : 

Le recours préalable s'impose avant tout recours contentieux (quel que soit le type de contentieux) que ce soit en matière indemnitaire où le requérant devra attendre soit une décision explicite de rejet soit une décision implicite de rejet pour agir en plein contentieux ou en matière de travaux public dont l'absence de recours préalable est purement supprimée et s'en trouve sanctionné. Le requérant devant désormais transiger d'abord avec l'Administration pour voir son recours contentieux recevable.

L'article R. 421-1 du CJA précise : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. Les mesures prises pour l'exécution d'un contrat ne constituent pas des décisions au sens du présent article".

L'article R. 421-3 du CJA ajoute : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ; 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative".

La liaison du contentieux se fait donc automatiquement par le recours préalable et ceux afin d'éviter l'encombrement des juridictions mais aussi afin de favoriser le réglement à l'amiable de certain litiges avec l'Administration.

Nous pouvons constater au regard de cette réforme que la décision préalable s'applique aussi bien en matière de recours pour excès de pouvoir contre un acte unilatéral qu'en matière de recours de plein contentieux contre des dispositions de nature contractuelle.

Parallélement la présence du ministère d'avocat est étendue à l'ensemble des contentieux concernant :

- les particuliers qu'ils soient en demande ou en défense,

- l'Administration (collectivité locale ou établissement public) sauf si cette dernière est en défense.

Cette extension est prévue par les articles R. 431-2 et R. 431-3 du CJA.

L'extension du rôle de l'Avocat s'accompagne dès lors d'un contrôle plus important du Président de la formation de jugement sur les écritures produites par les parties et leurs conseils et sur le déroulement de la phase d'instruction.

En effet, ce dernier peut désormais imposer un délai à tout avocat ayant produit plusieurs écritures afin qu'il lui fournisse des conclusions récapitulatives sous peine de radiation de l'affaire.

Par ailleurs, les parties peuvent après la clôture de l'instruction communiquer des pièces complétant leurs demandes sans que cela ne conduise à réouvrir l'instruction.

En outre, il est possible pour les parties de produire un mémoire après la clôture de l'instruction de l'affaire. Ce dernier sera examiné par la juridiction saisie qui pourra ensuite décider, en fonction des éléments, de réouvrir l'instruction du dossier afin d'en assurer la communication aux parties dans le strict respect du principe du contradictoire.

Cette évolution résulte d'une jurisprudence du Conseil d'Etat imposant aux TA et CAA d'examiner les écritures produites postérieurement à la clôture de l'instruction.

Si la phase d'instruction donne aux parties la possibilité de faire valoir plus librement leurs arguments quant aux prétentions dont elles entendent se prévaloir, en revanche, la phase de jugement, laisse au juge administratif le pouvoir souverain de rejeter toute requête en première instance dont l'objet aurait déjà était tranché par un précédent arrêt rendu par la Cour administrative d'appel et devenu irrévocable.

En outre, les magistrats des Cours administratives d'appel peuvent aussi rejeter, par ordonnance, toute requête qui apparaitrait comme dépourvue de fondement juridique.

Les voies de recours devenant ainsi de plus en plus difficiles à exploiter pour l'avocat, cela conduira sans nul doute à une plus grande vigilance dans l'élaboration des requêtes et la construction de l'argumentaire juridique.

 

II. En ce qui concerne les innovations procédurales :

Comme cela a été rappelé plus haut, les innovations  procédurales mises en place par la réforme issue de la loi de novembre 2016 portent d'abord sur la reconnaissance de l'action de groupe qui est codifiée par les articles L. 77-10-3 et L. 77-10-4 du CJA.

Article L77-10-3 :

" Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur. Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l'engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d'obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins ".

Article L77-10-4 :

" Seules les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins et dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte peuvent exercer l'action mentionnée à l'article L. 77-10-3 ".

Cette action de groupe est ouverte à toute association dont le but est de défendre les intérêts de particuliers subissant un dommage résultant des activités de l'Administration, personne publique ou de toute personne privée investie de prérogatives de puissance publique ou exerçant une mission de service public.

Cette action de groupe existe déjà en matière civile et en matière pénale. Il s'agit en somme de la transcription du modèle américain des "class action".

Autre mesure innovante qui se rapproche de la précédente, il s'agit de l'action en reconnaissance de droits permettant à un groupement de faire reconnaitre des droits individuels en faveur d'un groupe de personnes.

Cette nouveauté est prévue par l'article L77-12-1 du CJA :

" L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice.Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. L'action collective est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre ".

Enfin, l'article 5 de la loi du 18 novembre 2016 complété par un décret récent du 16 février 2018 prévoit l'expérimentation de mesures de médiation obligatoires en matière de litiges portant sur les droits et obligations des fonctionnaires prévus par la loi du 13 juillet 1983 mais aussi concernant les litiges intéressant l'octroi de prestations sociales délivrées par des organismes sociaux.

La médiation est déjà prégnante en contentieux administratif puisque prévue par les articles L. 213-1 et suivants du CJA.

Elle fait partie des modes alternatifs de réglement des conflits qui se généralisent dans de nombreuses procédures que ce soit en matière civile (médiation, conciliation, arbitrage) ou en matière pénale avec les mesures alternatives aux poursuites (médiation, rappel à la loi, composition pénale). 

Elle se définit comme : « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».

L'aspect novateur de la réforme repose sur le fait que la médiation peut se faire en dehors de toute procédure contentieuse ce qui a pour effet de suspendre les délais de prescription et interrompre les délais de recours contentieux qui recommenceront à courrir dès lors que la mesure de médiation entre les parties aura échoué.

Par ailleurs, la réforme vise à intégrer le processus de médiation durant la procédure contentieuse où celle-ci peut être mise en oeuvre à la fois par les parties à l'instance mais aussi par le juge administratif lui même.

 

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1 Publié par jurislaw83
18/06/2019 00:10

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Me Laurent Jourdaa.
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A propos de l'auteur
Blog de Maître Laurent Jourdaa - Cabinet Laudicé

Maître Laurent Jourdaa
Avocat au Barreau de Toulon

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