Afin d'envisager ce qui se passe après la garde à vue, il apparaît essentiel de bien comprendre cette mesure, tout le moins dans les grandes lignes.
Les conditions du placement en garde à vue :
Succinctement, la garde à vue est définie aux articles 62-2 et suivant du Code de procédure pénale.
" La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. [..] "
Au terme de cet article, deux conditions doivent être remplies avant tout placement en garde à vue :
- L'existence d'indices : Il doit exister des indices, des soupçons, laissant vraisemblablement penser que la personne suspectée a commis, ou tenté de commettre, une infraction ;
- L'infraction doit être punie d'une peine d'emprisonnement : L'infraction pour laquelle l'individu est suspecté et motivant le placement en garde à vue doit lui faire encourir au minimum une peine d'emprisonnement ;
À ces conditions s'en ajoute une troisième, à savoir que la garde à vue doit être l'unique moyen de parvenir à l'un des 6 objectifs décrits par l'article 62-2 du Code de procédure pénale (ex : Permettre le bon déroulement des investigations, assurer que l'individu soit présent tout au long de la procédure, empêcher toutes concertations frauduleuses, les pressions sur les témoins, les modifications de preuve ou encore faire cesser l'infraction).
Au regard de ces trois critères, il convient d'observer que les conditions du placement en garde à vue sont particulièrement souples permettant aux services de police d'y recourir aisément.
La durée de la garde à vue :
Contrairement au placement, le déroulement de la garde à vue est lui strictement encadré par le Code de procédure pénale et notamment la garde à vue est limitée dans le temps.
L'article 63 II du Code de procédure pénale dispose que " la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures " avant de préciser que, si l'infraction justifiant le placement en garde à vue est punie d'au moins un an d'emprisonnement, elle " peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus ".
En principe, la garde à vue ne saurait excéder 48 heures, et ce seulement pour les infractions dont la peine encourue est supérieure ou égale à une année d'emprisonnement (sinon 24 heures).
Précisons tout de même qu'il existe des dérogations légales à ce principe pour certains types d'infraction, la garde à vue pouvant durer 96 heures si l'infraction en cause est visée à l'article 706-73 du Code de procédure pénale (ex : Trafic de stupéfiants) ou même 144 heures en matière de terrorisme (article 706-88-1).
Au terme de la garde à vue que se passe-t-il ? Deux hypothèses, soit le gardé à vue sort libre à la fin de la mesure, soit il reste entre les mains de la justice.
I/ Le gardé à vue retrouve la liberté à la fin de la mesure : Qu'est-ce que cela signifie ?
Si le gardé à vue quitte la garde à vue libre, c'est à dire sans être entre les mains de la justice, principalement trois suites peuvent être données à la procédure :
- Le classement sans suite ;
- La Convocation par Officier de Police Judiciaire (COPJ) ;
- La Convocation à une médiation pénale, une composition pénale, ou à une audience dite de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) ;
A/ Le classement sans suite :
Le classement sans suite est l’hypothèse la meilleure au terme de la garde à vue.
Cela signifie que le Procureur de la République, qui a l’opportunité des poursuites (possibilité de faire comparaître une personne pour qu’elle soit jugée devant les juridictions pénales), n’a pas considéré qu’il y avait matière à poursuivre.
Cette décision peut trouver à se justifier de plusieurs manières et notamment dans l’absence de preuve démontrant la culpabilité du gardé à vue.
Dans ce cas, outre un nouvel élément apporté à l’enquête, le gardé à vue n’est plus inquiété par la procédure.
B/ La Convocation par Officier de Police Judiciaire (COPJ) :
La COPJ signifie que le Procureur de la République a considéré qu’il existait des charges suffisantes à l’encontre du gardé à vue justifiant la poursuite par-devant les tribunaux pénaux.
Dès lors, le gardé à vue va être convoqué directement devant la juridiction de jugement afin d’y être jugé.
Il sera convoqué à ladite audience par une convocation qui lui sera directement remise par un Officier de Police Judiciaire comme le préconise l’article 390-1 du Code de procédure pénale.
Au cours de cette audience, le prévenu devra se défendre des accusations portées à son endroit par le Ministère Public. Pour cela, il pourra être assisté d’un Avocat.
C/ La médiation pénale, la composition pénale et la Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité :
Concernant ces trois types de procédures, elles sont relativement récentes et permettent une forme de « contractualisation » du procès pénal. Ce faisant, elles ne concernent que les infractions les moins graves.
Concernant la médiation pénale (article 41-1 du Code de procédure pénale) : Son objet premier est de trouver un point d’accord entre le prévenu et la partie civile afin notamment que le préjudice de cette dernière puisse être réparé.
Cette procédure doit être acceptée par la partie civile et est mise en œuvre par un médiateur pénal désigné par le Procureur de la République.
Si la médiation aboutit, les parties formaliseront l’accord avec le médiateur, lequel s’assurera de sa bonne exécution.
Si l’accord est exécuté, la procédure est terminée.
Dans le cas contraire, ou si la médiation n’aboutit pas, le Procureur de la République pourra soit renvoyer l’affaire devant la juridiction de jugement, soit la classer sans suite.
Concernant la composition pénale (article 41-2 du Code de procédure pénale) : La composition pénale ne concerne que les infractions dont la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement, étant précisé que certaines infractions sont également exclues de son champ d’application (ex : les délits de presse).
Il s’agit en somme d’une « transaction » passée entre le Procureur de la République et le prévenu :
- Le prévenu doit nécessairement reconnaître la réalité de l’infraction et le fait qu’il en soit l’auteur, le coauteur ou le complice ;
- Le Procureur propose une peine : Précisons que l’article 41-2 du Code de procédure pénale envisage les peines applicables à pareille procédure, sans qu'une peine d'emprisonnement ne soit possible ;
Lorsque la proposition lui est faite, le prévenu à 10 jours pour l’accepter ou la refuser, étant précisé que le silence équivaut à un refus.
Si la composition est acceptée, le Procureur de la République saisira le Tribunal de police ou le Tribunal correctionnel afin de la faire homologuer.
Si la composition est refusée par le prévenu, ou si elle n’est pas validée par Tribunal de police ou le Tribunal correctionnel, le Procureur de la République pourra soit renvoyer l’affaire devant la juridiction de jugement pour que le prévenu y soit jugé, soit la classer sans suite.
Concernant la CRPC (Article 495-7 et suivants du Code de procédure pénale) : Cette procédure est bien souvent assimilée à la procédure du « plaider-coupable » que l’on peut retrouver aux États-Unis.
Elle n’est applicable qu’en matière de délit, excluant de facto les contraventions (contrairement à la composition pénale) et les crimes, étant précisé que certains délits sont eux aussi expressément exclus (article 495-7 du Code de procédure pénale).
Cette procédure permet d’éviter la lourdeur d’un procès à celui qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés et de transiger quant à sa peine.
Il est important de préciser qu’en matière de CRPC, l’assistance d’un Avocat est obligatoire.
À l’instar de la composition pénale, le Procureur de la République va proposer une peine qui peut être une peine d’amende ou, contrairement à la composition pénale, une peine d'emprisonnement.
Précisons que la peine de prison ne peut excéder une année.
Le prévenu pourra accepter ou refuser la proposition de peine qui lui est faite ou demander un délai de réflexion de 10 jours.
S’il accepte la proposition, celle-ci devra être homologuée par le Président du Tribunal correctionnel.
Dans le cas contraire, le Procureur de la République saisira le Tribunal correctionnel.
Viennent d’être envisagées les hypothèses ou le gardé à vue ressort libre de la mesure. Envisageons désormais les cas où le gardé à vue reste aux mains de la Justice.
II/ Le gardé à vue reste retenu par la Justice : Qu'est-ce que cela signifie ?
Au terme de la garde à vue, l’individu soupçonné peut faire l’objet d’un déferrement soit devant le Procureur de la République, soit devant un magistrat Instructeur.
À titre préliminaire, il doit être précisé que le déferrement doit se faire le « jour même » de la fin de la mesure de garde à vue comme le précise l’article 803-2 du Code de procédure pénale :
« Toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt. »
A/ Le déferrement devant le Procureur de la République :
À l’occasion du déferrement, le Procureur de la République conserve l’opportunité des poursuites. Cela signifie que le déferrement n’implique pas nécessairement que celui qui en fait l’objet soit dans une situation difficile.
En effet, le Procureur de la République peut tout à fait, au terme du déferrement, classer l’affaire sans suite, ce qui signifie que le gardé à vue n’est plus inquiété par la procédure sauf élément nouveau.
Le Procureur de la République peut également, comme lorsque le gardé à vue sort libre de la mesure, orienter la procédure vers les modes alternatifs (Médiation pénale, composition pénale ou CRPC).
Enfin, le Procureur de la République peut également décider de poursuivre le gardé à vue par-devant les juridictions de jugement.
Pour ce faire, deux modes de poursuite s’offrent à lui :
- La procédure de comparution immédiate : Cette procédure n’est applicable que pour les délits punis d’au moins 2 ans d’emprisonnement (6 mois en cas de flagrance). Immédiatement après le déferrement, le Prévenu comparaît devant le Tribunal correctionnel le jour même. En cas d’impossibilité, des mesures privatives de liberté pourront être envisagées. Il peut demander un délai de droit pour préparer sa défense. Dans ce cas, le juge statuera seulement sur les mesures provisoires. S’il accepte d’être jugé immédiatement, le procès se déroulera selon les règles communes de procédure.
- Renvoyer le prévenu pour qu’il soit jugé entre 2 et 6 semaines : Le prévenu est renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour y être jugé selon les règles communes de procédure.
En tout état de cause, lors de la garde à vue, du déferrement ou de l’audience de jugement, tout individu a le droit de se faire assister par un Avocat.
B/ Le déferrement devant le Juge d’Instruction :
À tous moments et notamment au terme de la garde à vue, le Procureur de la République peut décider d’ouvrir une information judiciaire par réquisitoire introductif (l’instruction est obligatoire en matière de crime, facultative en matière de délit et exceptionnelle en matière de contravention).
Un tel acte met un terme à l’enquête et saisit un Juge d’Instruction qui devra alors instruire l’affaire à charge et à décharge.
À la fin de la garde à vue, toujours en respectant les conditions posées par l’article 803-2 du Code de procédure pénale, le Magistrat instructeur peut déferrer le gardé à vue aux fins de procéder à un interrogatoire de première comparution (ICP).
Précisons que c’est au terme de l’IPC que le l’individu pourra être placé sous le statut de mis en examen ou de témoin assisté.
La mise en examen est conditionnée par l’existence « d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable » la participation aux faits, soit en qualité d’auteur, soit en qualité de complice (article 80-1 du Code de procédure pénale).
Toute personne mise en examen peut, au cours de l’instruction, faire l’objet de mesure provisoire restrictive de liberté :
- Contrôle judiciaire ;
- L’assignation à résidence sous surveillance électronique ;
- La détention provisoire ;
À la fin de l’instruction, le magistrat instructeur pourra soit :
- Rendre une Ordonnance de non-lieu : Cette ordonnance peut sommairement être assimilée au classement sans suite du Procureur de la République. Le mis en examen ne sera pas poursuivi devant les juridictions de jugement ;
- Rendre une Ordonnance dite de « renvoi » : Il s’agira d’une ordonnance de renvoi devant le Tribunal de police s’agissant des contraventions, devant le Tribunal correctionnel pour les délits ou d'une Ordonnance de mise en accusation concernant les crimes ;
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