1- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Un salarié a été engagé par une société en qualité de commercial par un contrat à durée déterminée.
La société a procédé à la rupture anticipée de son contrat, en invoquant une faute grave commise par le salarié.
Par jugement, le conseil de prud’hommes a considéré que la rupture anticipée du contrat pour faute grave était justifiée et a rejeté les demandes du salarié.
Celui-ci a interjeté appel de la décision prud’homale. Il conteste la faute qui lui est reprochée. Parmi les arguments, il soutient :
- qu’en vertu de l’article 4 de son contrat de travail, il disposait « de toute latitude dans l’organisation de son travail » et pouvait « déterminer à sa guise les dates et amplitudes de ses journées de travail »,
- que l’employeur n’aurait pas eu un comportement loyal pour avoir fait installer à son insu un « mouchard » sur le véhicule de fonction qui lui avait été confié, l’illégalité du procédé rendant irrecevable le grief établi par ce moyen.
2- LA DECISION DE LA COUR D’APPEL
La Cour d’appel rappelle que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La société produit les relevés de géolocalisation du véhicule mis à la disposition du salarié, comme preuve de la faute grave.
A ce titre, et avant d’aborder le fond, la Cour d’appel s’est prononcée sur la recevabilité de la preuve des faits fautifs apportée par l’employeur, constituée de relevés de géolocalisation.
1- En effet, les juges du fond ont vérifié tout d’abord si le salarié était informé de la mise en place du système de géolocalisation.
Ce qui était le cas en l’espèce. Car, le salarié avait contresigné un document l’informant que son véhicule était équipé d’un système de géolocalisation qui permet de localiser le véhicule en temps réel.
2- Puis, les juges ont vérifié si le système de géolocalisation a bien été préalablement déclaré à la CNIL.
Ils ont pu ainsi constaté, par le récépissé de déclaration à la CNIL, que le système avait bien été déclaré à la CNIL et que les formalités préalables exigées par la CNIL avaient été respectées.
3- Et enfin, ils ont vérifié si le système de géolocalisation a bien été utilisé conformément aux finalités déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance du salarié.
En effet, la Cour d’appel rappelle: »(…) qu’un système de géolocalisation ne peut cependant être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés. »
Selon les juges du fond, l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut être fait par un autre moyen.
Elle n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.
Or, les juges ont relevé que l’unique finalité du système de géolocalisation mis en place par la société déclarée à la CNIL, était la suivante : « Géolocalisation des véhicules utilisés par les employés ».
Il avait été précisé au salarié que ce système permettait de localiser le véhicule en temps réel sans que soit évoqué l’exercice d’un pouvoir de contrôle de l’employeur.
Ainsi, l’article 4 du contrat de travail du salarié était rédigé en ces termes dépourvus de tout caractère équivoque : « Monsieur X dispose de toute latitude dans l’organisation de son travail et pouvant déterminer à sa guise les dates et amplitudes de ses journées de travail et ce, dans le respect des règles définies par la convention collective mentionnée à l’article 1 du présent contrat. Compte tenu des fonctions de M.X et de son autonomie (…) ».
Par conséquent, dans ces conditions, la Cour d’appel a clairement écarté des débats la pièce produite par la société, constituée par les rapports de géolocalisation utilisés de manière illicite à des fins de contrôle du salarié non déclarées à la CNIL et dont l’utilisation n’était, de plus, pas justifiée dès lors que le salarié disposait de toute liberté dans l’organisation de son travail.
L’employeur ne rapportant pas la preuve de la falsification des rapports reprochée au salarié, la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse.
En somme, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 4 novembre 2014, ne fait que confirmer les précédentes décisions relatives à la licéité et la loyauté de la preuve en matière civile.
Ce qu’il faut retenir de cet arrêt est que, les entreprises devront être plus vigilantes lors des déclarations faites auprès de la CNIL, quant aux dispositions de contrôle et leur finalité, et ce, sans omettre d’en informer leurs salariés et de consulter préalablement le comité d’entreprise (l’article L. 2323-32 du Code du travail).
(Cour d’appel Paris Pôle 6 Chambre 10 n°11/09352)
Dalila MADJID, Avocat au Barreau de Paris