Le lanceur d’alerte à l’aune de la loi dite Sapin II du 9 décembre 2016

Publié le Modifié le 19/09/2017 Vu 1 817 fois 0
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Dans une époque qui apparaît dans un « état d’alerte permanent », en effet, de nombreuses affaires liées aux lanceurs d’alerte ont ponctué l’actualité, les révélations des Panama papers, le procès LuxLeaks qui s’est tenu au Luxembourg, l’affaire avait révélé les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales installées au Luxembourg, il devient indispensable que les acteurs de ces alertes bénéficient d’une législation unifiée et renforcée.

Dans une époque qui apparaît dans un « état d’alerte permanent », en effet, de nombreuses affaires lié

Le lanceur d’alerte à l’aune de la loi dite Sapin II du 9 décembre 2016

Dans une époque qui apparaît dans un « état d’alerte permanent », en effet, de nombreuses affaires liées aux lanceurs d’alerte ont ponctué l’actualité, les révélations des Panama papers, le procès LuxLeaks qui s’est tenu au Luxembourg, l’affaire avait révélé les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales installées au Luxembourg, il devient indispensable que les acteurs de ces alertes bénéficient d’une législation unifiée et renforcée.

En France, le droit d’alerte est une extension de la liberté d’expression et relève historiquement du droit du travail.

En effet, la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière avait inséré dans le Code du travail un article L. 1132-3-3 relatif aux lanceurs d’alerte.

Bien que ne définissant pas le lanceur d’alerte, l’alinéa premier de ce texte lui offrait une protection en ce qu’ « (…) aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié (…) pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».

 Toutefois, pour certains, la législation française en matière du droit d’alerte ressemble « à un millefeuille paradoxal, lacunaire, aux injonctions contradictoires ».

Les dispositions relatives aux lanceurs d’alertes ont ainsi été profondément modifiées par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie politique, dite loi Sapin 2, publiée au journal officiel le 10 décembre 2016, qui définit dorénavant le lanceur d’alerte, qui lui consacre un statut unifié et une procédure d’alerte.

Le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la Constitution, les dispositions précisant la définition du lanceur d’alerte et organisant la procédure de signalement de l’alerte – tout en précisant qu’elle ne s’applique pas aux lanceurs d’alertes « externes » – ainsi que celles mettant en place un dispositif anti-corruption au sein des grandes entreprises et celles créant un répertoire numérique des représentants d’intérêts, sous la responsabilité de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

  • La définition du lanceur d’alerte par la loi

La loi définit à l’article 6, le lanceur d’alerte comme :

« (…) une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

 La loi exclut néanmoins de son champs d’application les informations couvertes par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.

  • La procédure de signalement par la loi

 La loi du 9 décembre 2016 repose sur une structure en trois temps à l’instar de l’ancienne loi. En effet, en droit du travail, la protection du lanceur d’alerte salarié était soumise à la réunion de trois conditions : une dénonciation de bonne foi, d’actes constitutifs d’un crime ou d’un délit, dont le salarié devait avoir eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Toutefois, le nouveau texte comporte quelques disparités avec l’ancienne rédaction de l’article L. 1132-3-3 alinéa 1er :

1- Le lanceur d’alerte ne doit plus seulement être de bonne foi, il doit également agir de manière désintéressée. (Article 6 de la loi)

Ce nouveau critère « d’agir de manière désintéressée », ne devrait en principe porter que sur la question de la contrepartie financière, afin d’éviter des décisions arbitraires.

En effet, comme l’ont relevé justement certains, « l’objectif du lanceur d’alerte étant de mettre fin à une pratique « néfaste » constatée dans l’entreprise, peut-on dire que son action n’est pas toujours intéressée (…) par la disparition de cette pratique ? ».

2- Le champs d’alerte n’est plus limité à la dénonciation de crime ou de délit, et il n’est plus nécessaire que le salarié ait eu connaissance des faits fondant l’alerte dans l’exercice de ses fonctions, mais il suffit dorénavant qu’il en ait eu personnellement connaissance. (Article 6 de la loi)

3- L’article 7 de la loi Sapin 2 consacre une nouvelle cause d’irresponsabilité pénale : le nouvel article 122-9 du Code pénal dispose que :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi (art 8)et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

Concernant les procédures de signalement définies par l’article 8 de la loi, elles se font également en trois temps :

Dans un premier temps, le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci. Et ce pour préserver les intérêts de l’entreprise.

Dans un deuxième temps, si aucune suite n’est donnée dans un délai raisonnable, le lanceur d’alerte peut saisir l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative ou les ordres professionnels (Agence française anti-corruption, AMF etc).

En dernier ressort, à défaut de traitement du signalement par les autorités ou ordres professionnels dans un délai de trois mois, le lanceur d’alerte peut révéler les informations ou fait à l’opinion publique.

Cependant, s’il existe un danger ou un risque de dommages irréversibles ou s’il n’existe pas de dispositif de recueil des signalements dans l’entreprise, l’alerte peut être donnée directement auprès de l’autorité judiciaire, de l’autorité administrative, ou de l’opinion publique.

Il est également précisé que toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte.

Par ailleurs, la loi Sapin 2 est également exigée par la nouvelle rédaction de l’article 6 ter A de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portants droits et obligations des fonctionnaires.

  • Le régime commun de protection consacré par la loi

La nouvelle loi instaure un régime commun de protection, portant sur l’interdiction des mesures de représailles à l’encontre du lanceur d’alerte.

L’article 12 de la loi nouvelle précise qu’en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte au sens de l’article 6, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes.

Aussi, conformément aux dispositions de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail, le lanceur d’alerte ne peut pas être écarté d’une procédure de recrutement, ou bien même d’une formation professionnelle. Il ne peut non plus être sanctionné ou licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, qu’il s’agisse de la rémunération, de la qualification ou de la promotion professionnelle. Dès lors, tout acte pris par l’employeur en violation de ces dispositions encourt la nullité (article L. 1132-4 du Code du travail).

En cas de litige, notamment de licenciement ou d’une mesure discriminatoire prononcée à l’encontre du lanceur d’alerte, il appartiendra à ce dernier de présenter les éléments de fait qui laissent présumer qu’il a signalé une alerte dans le respect de la loi. Il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement de l’alerte. Et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (l’article L. 1132-3-3 du Code du travail).

Par ailleurs, la nouvelle loi consacre un délit d’entrave à l’alerte.

En effet, toute personne faisant obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement (supérieur hiérarchique, référent de l’employeur, ou employeur) est sanctionnée d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 13 loi Sapin 2).

Aussi, les peines encourues en cas de plainte abusive pour diffamation émanant de l’entreprise à l’encontre du lanceur d’alerte sont aggravées : l’amende civile est de 30 000 euros au lieu de 15 000 euros.

En somme, certains commentateurs ont justement relevé que les dispositions de la loi dite Sapin 2, laissent présager des débats judiciaires houleux sur l’appréciation de la protection qu’elle institue.

Pour certains, la loi Sapin 2 risque de permettre aux juges de dénier la qualité de lanceur d’alerte au salarié, par l’instauration d’un régime plus favorable pour les prévenus. En ce qu’une telle disposition est conditionnée au strict respect des procédures de signalement de l’alerte définies par la nouvelle loi.

Dalila MADJID, Avocat au Barreau de Paris

Blog: https://dalilamadjid.blog

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