Portée de l'usage de la marque sous une forme modifiée

Publié le Modifié le 09/01/2013 Vu 5 712 fois 0
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La marque doit en principe être obligatoirement utilisée au moins 5 ans après sa publication, sous la forme qui à fait l’objet de son dépôt. Si les jurisprudences Françaises et communautaires ont interprété strictement ce principe, elles semblent aujourd’hui prêtes à admettre que l’usage d’une marque sous une forme modifiée, enregistrée ou non, permet de sauver la marque non exploitée de la déchéance.

La marque doit en principe être obligatoirement utilisée au moins 5 ans après sa publication, sous la forme

Portée de l'usage de la marque sous une forme modifiée

L’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle fait obligation au titulaire d’une marque d’en faire un usage sérieux pour les produits et services visés pendant une période interrompue de 5ans sous risque d’encourir la déchéance de cette marque pour défaut d’exploitation.

La marque doit donc en principe être obligatoirement utilisée au moins 5 ans après sa publication, sous la forme qui à fait l’objet de son dépôt.

 Si les jurisprudences Françaises et communautaires ont interprété strictement ce principe, elles semblent aujourd’hui prêtes à admettre que l’usage d’une marque sous une forme modifiée, enregistrée ou non, permet de sauver la marque non exploitée de la déchéance.

a) Usage de la marque sous une forme modifiée

D’abord, les textes prévoient un premier assouplissement au principe susvisé puisque l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle précité et l’article 15, paragraphe 1, a) du Règlement sur la Marque Communautaire (RMC) permettent l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif sans encourir la déchéance.

Ainsi, l’utilisation de la forme modifiée d’une marque lui permet d’échapper à la déchéance pour peu qu’elle n’en ait pas altéré le caractère distinctif, ce que les juges du fond sont souvent amenés à apprécier.

Par exemple, ils ont considéré pour accueillir une action en déchéance que l’utilisation du nombre 86 pour désigner des vêtements n’était pas très distinctif à l’origine et avait perdu de sa distinctivité puisqu’il « avait fait l'objet de nombreuses et différentes déclinaisons, au fil des années, en ce qu'il est soit agrémenté de dessins les plus divers ou déstructuré dans sa représentation, soit accompagné d'une dénomination telle que BABY, MOTO CROSS, RW86, DP86, LUCKY ou encore présenté dans des cartouches de différentes formes[1] ».

b) Usage d’une marque différant peu de la marque vulnérable à l’action en déchéance.

Il convient cependant de distinguer l’usage de la marque sous une forme modifiée précédemment évoqué de l’usage d’une autre marque enregistrée présentant une forme modifiée légèrement différente de la marque non exploitée. C’est dans le cadre des « familles de marques[2] » que la jurisprudence a eu à se prononcer récemment quant à la déchéance encourue par cette dernière.

La jurisprudence française a d’abord estimé que le dépôt et l’enregistrement de plusieurs marques proches traduisait de la part de leur titulaire la conscience de ce que ces marques ne sont pas assimilables et requièrent une protection et une exploitation autonome[3].

La Cour de cassation va pourtant admettre par 3 arrêts en date du 14 mars 2006[4] que si la marque exploitée ne diffère de la marque enregistrée et non exploitée que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif, la deuxième ne doit pas subir la déchéance, selon une lecture innovante de l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Cette jurisprudence sera vite battue en brèche par l’arrêt de la Cour de Justice de la Communauté Européenne en date du 13 septembre 2007[5] selon lequel les dispositions précitées « ne permettent pas d’étendre, par la preuve de son usage, la protection dont  bénéficie une marque enregistrée à une autre marque enregistrée, dont l’usage n’a pas été démontré, au motif que cette dernière ne serait qu’une légère variante de la première ».

La jurisprudence française jusqu’alors s’était alignée sur cette jurisprudence communautaire en revenant à une lecture stricte de l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Cependant la CJUE par un arrêt récent en date du 25 Octobre 2012[6] rouvre la voix à la jurisprudence Française antérieure considérant que le titulaire d’une marque enregistrée peut « aux fins d’établir l’usage de celle-ci (…) se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque à été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque ».

Si un revirement de la jurisprudence Française est donc attendu, reste certaines questions en suspend. Elles sont en effet l’objet de plusieurs questions préjudicielles aujourd’hui pendantes devant la CJUE.

La CJUE devra se prononcer sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1 du RMC[7] susvisé équivalent de l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. Doit-il être  interprété en ce sens –qu’une marque qui constitue un des éléments d’une marque complexe et qui n’a acquis de caractère distinctif que par suite de l’usage d’une marque complexe peut faire l’objet d’un usage propre à assurer le maintien des droits de son titulaire lorsque seule la marque complexe est utilisée (Première question) et qu’une marque fait l’objet d’un usage propre à assurer le maintien des droits de son titulaire, alors qu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, que le public considère les deux marques comme des signes distinctifs indépendant, et que la combinaison des deux marques est de surcroît, elle-même enregistrée comme marque (seconde question)?

Ces deux questions indissociables sont d’un enjeu d’une extrême importance pour les titulaires de marques complexe dont les différents éléments, s’ils ne sont pas enregistrés et utilisés seuls, sont vulnérables à une action en déchéance.

Dire que ces éléments sont utilisés sous une forme modifiée au sein de la marque complexe permet une meilleure défense de celle-ci et semble tout à fait justifié si tant est que ces éléments possèdent un caractère distinctif qui leur est propre, ce qui concrètement sera très difficile à prouver et ne pourrait en définitive bénéficier qu’a certaines marques renommées complexes dont les éléments, même séparés, pourraient être identifiés par le consommateur.

La Cour de Justice est en outre saisie d’une question similaire en ce qui concerne une marque complexe spécifiquement composée d’un élément verbal et d’un élément figuratif[8].

Les réponses attendues de la Cour de Justice permettrons de fixer enfin les jurisprudences nationales quant à l’usage d’une marque valant usage de l’autre.

 

 



[1] CA Paris, 12 Novembre 2008, n°07-10715.

[2] Les marques appartenant à une famille de marques jouissent d’une protection supérieure dès lors que le consommateur est capable de reconnaître leur élément commun et que plusieurs d’entre elles ont une présence effective sur le marché. Dans ces conditions, le risque de confusion avec une marque similaire qui comprend le risque d’association est accru.

[3] Arrêt « Lotus », Cass. Ass. Plén. 16 juillet 1992.

[4] Cass.com.14 mars 2006 n°04-10.971, n°03-20.198, n°03-18.732.

[5] CJCE (devenue CJUE) 13 Septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHIM – F.M.G Textiles, C-234/06 P, Point 86.

[6] CJUE C-553-11, 25 Octobre 2012, Bernard Rintisch C/ Klaus Eder.

[7] Question préjudicielle : Affaire C-12/12, Colloseum Holding AG / Levi Strauss.

[8] Question préjudicielle : Affaire C-252/12, Specsavers International Healthcare Ltd e. a. / Asda Stores Ltd.

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