Commentaire de l’article 1315 du Code civil de 1804 : La charge de la preuve

Publié le Modifié le 19/03/2020 Vu 39 742 fois 0
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Cette fiche explique avec rigueur et clarté la méthodologie du commentaire d’article de loi et montre comment l’appliquer, notamment avec un commentaire de l’article 1315 du Code civil français de 1804.

Cette fiche explique avec rigueur et clarté la méthodologie du commentaire d’article de loi et montre comm

Commentaire de l’article 1315 du Code civil de 1804 : La charge de la preuve

Article 1315 du Code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »

Travail préliminaire

Pour l'introduction de votre commentaire d'article, il est primordial de retenir les étapes à respecter. Ainsi, il vous faudra d'abord mettre une accroche indiquant le thème que vous allez évoquer ; exposer l'article en lui-même (vous pouvez tout à fait le citer s’il n’est pas trop long) ; présenter l'article : donner son origine ; exposer la problématique à laquelle il répond ; et enfin annoncer le plan s'y afférant. Rien de bien méchant, mais il faut bien respecter ces étapes pour bâtir une bonne introduction.

Concernant l'article 1315 du Code civil qui nous intéresse ici, voici un exemple non exhaustif d'introduction :

« C’est la même chose que de ne pas être ou de ne pas être prouvé » : idem est non esse et non probari. Cette maxime romaine sert dans notre droit de fondement à rappeler à toute personne qui invoque devant un juge l’existence d’un droit à son profit, d’en apporter la preuve. C’est ainsi que l’article 1315 du Code civil dispose : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Inscrit dans le Code civil de 1804, au sein du Titre troisième « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général », Chapitre sixième « De la preuve des obligations et de celle du paiement », l'article 1315 du Code civil soumis à notre commentaire énonce dans ses deux alinéas les règles d’attribution de la charge de la preuve, notamment lorsque rien ne peut être établi ni par l’une, ni par l’autre des deux parties au procès. A noter que depuis l’Ordonnance n°2016-131 portant réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations, l’article 1315 est devenu article 1353 du Code civil, désormais logé dans le titre IV Bis du Code civil français intitulé : « De la preuve des obligations ». Cela dit, il convient de se demander qui doit prouver ? mieux dire sur qui repose ou à qui incombe la charge de la preuve ? A cette fin, il résulte que l’article 1315 du Code civil prévoit non seulement le principe de la charge de la preuve (I), mais aussi le renversement de la charge de la preuve (II).

Qu'en est-il maintenant du développement du commentaire d'article ?

N’écrivez pas développement sur la copie, un espacement raisonnable entre l’introduction et le début du développement suffit.

Comment avoir un plan ? Il conviendra :

·         Soit de suivre le déroulement naturel de l'article. Dans ce sens, la structure grammaticale et logique de l’article doit être passée au peigne fin : notez les conjonctions de coordination, les liaisons, les verbes, etc…cela renseigne suffisamment sur le raisonnement ou plan adopté dans l’article.

·         Soit de procéder à un plan thématique (si bien sûr l'article s'y prête). Un plan thématique ? Pensez aux principes et exceptions, le sens et la portée (etc.), pour ne citer qu'eux.

Nb : Comme pour le commentaire d'arrêt, concernant le commentaire d'article : ne dissertez pas ! Donc, reportez-vous souvent, mais surtout utilement à l'article !

 

I. La charge de la preuve

(On aurait pu avoir également ici :  I- La preuve, une charge pour le demandeur)

Chapeau : le chapeau est important, car il introduit vos deux sous-parties. Ne l'oubliez pas au risque de perdre des points inutilement.

L’article 1315 du Code civil pose en principe que le demandeur est tenu de prouver ses prétentions (A). Toutefois, il peut en être dispensé (B).

 

A. La nécessité pour le demandeur de prouver ses prétentions

L'article 1315 du Code civil prévoit que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » ce qui sous-entend alors que la charge de la preuve pèse sur le demandeur, entendu comme le demandeur de la prétention, laquelle se définit comme l’« affirmation en justice tendant à réclamer quelque chose »[1].

Ce dernier allègue un fait à l’appui de sa prétention et si le défendeur le conteste par une simple dénégation, il revient au premier de faire la preuve de son allégation, en application de l’adage actori incumbit probatio. C’est l’expression du principe de bon sens de la justice : il appartient à celui qui entend rompre le statu quo de justifier sa démarche[2]. Dans ce sens d’ailleurs, l’alinéa 1er de l’article 1315 du Code civil soumis à notre commentaire se rapproche peu ou prou de l’article 9 du Code de procédure civile français aux termes duquel : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires aux succès de sa prétention ».    

Sur le fondement de cette règle, la Cour de cassation française a dégagé, en s’inspirant de la doctrine, un ensemble cohérent de solutions. Il est désormais de jurisprudence constante que « la charge de la preuve de l’existence d’un contrat incombe à celui qui s’en prévaut »[3]. De même, l’entrepreneur qui réclame le paiement du solde de travaux qu’il a prétendument effectués a seul la charge de prouver leur réalisation, son client n’ayant pas tant que cette preuve n’a pas été rapportée, à justifier son refus de paiement[4].

Ne sous-estimez pas non plus les références à la jurisprudence de la Cour de cassation (le plus souvent) ou des cours d'appel, car elles illustrent vos propos et ceux de l'article.

Transition : Si donc le fardeau de preuve pèse sur le demandeur, il y’a bien des cas dans lesquels, le titulaire de la charge de la preuve peut être dispensé de prouver.

Vous pouvez aussi tenter de bonifier une phrase de transition entre vos sous-parties, mais retenez qu'elle n'est pas obligatoire, elle vise à fluidifier la lecture.

B. Les dispenses de preuve

Vous pouvez aussi procéder par questions, mais elles doivent impérativement se reporter au contenu de l'article afin de ne pas disserter inutilement, au risque d'être hors sujet.

Le demandeur est-il toujours tenu de rapporter la preuve de ses prétentions ? l’article 1315 objet de notre commentaire ne le dit pas expressément. Pourtant, dans certains cas, le demandeur peut ne pas avoir à apporter la preuve de ses affirmations, car celles-ci sont supposées exactes à priori : ce sont les présomptions dites légales. Cette dernière, entendue comme « une conséquence que la loi... tire d’un fait connu à un fait inconnu » dispense le demandeur d’apporter la preuve de l’existence de son droit.

Dans la pratique, il faut distingue selon que la présomption est dite irréfragable ou simple. Si la présomption est irréfragable, la preuve qui en résulte est définitive puisque celui à qui on l’oppose ne peut pas la renverser ; tel est le cas de l’ancien article 1282 du Code civil selon laquelle « la remise volontaire du titre original sous signature privée, par le créancier au débiteur, fait preuve de la libération » ; En revanche, lorsque la présomption est simple, la preuve qui en résulte n’est que provisoire puisque l’adversaire peut la renverser. Logiquement, la charge de la preuve incombe à ce dernier, car il va combattre la présomption en alléguant des faits nouveaux, tendant à justifier une prétention nouvelle, ce qui revient à soutenir que le passage de faits connus à un fait inconnu, opéré par la loi, n’est pas fondé en l’espèce.

N'hésitez pas à tirer des conséquences de vos propos toujours par rapport aux dispositions de l'article.

À tout le moins, qu’elle soit irréfragable ou simple, les présomptions légales ne modifient pas la charge de la preuve puisque le plaideur qui bénéficie d’une telle présomption a l’obligation de prouver le « fait connu » dont la loi tire l’existence du fait inconnu. Ce déplacement du fait à prouver constitue juste un avantage pour le plaideur ou un moyen de faciliter l’administration de la preuve, car la preuve du « fait connu » est plus aisée.

Ici, ayant terminé la première partie relative à la charge de la preuve, il faut procéder à une transition vers la seconde partie relative au renversement de la charge de la preuve.

Transition : Si, c’est à celui qui réclame, c’est-à-dire le demandeur de prouver, il convient toutefois de retenir que la charge de la preuve peut, au cours du procès, passer alternativement d’une partie à l’autre, d’où le renversement.

 

II. Le renversement de la charge de la preuve

(On aurait pu avoir également ici :  II- La preuve, une voie de défense pour le défendeur).

C’est au défendeur de renverser la charge de la preuve, soit pour prouver l’exception qu’il oppose à la demande du demandeur (A), soit le plus souvent pour justifier de sa libération (B).

A. La preuve de l’exception opposées à la demande

 

L’article 1315 du code civil soumis à notre analyse dispose clairement en son alinéa 2 que le défendeur a la charge de prouver l’exception qu’il oppose à la demande de son adversaire. A supposer que le demandeur ait rapporté la preuve qui lui incombait, par exemple l’existence d’un préjudice consécutif à une faute, le défendeur peut lui opposer une exception, comme une cause étrangère à l’origine du dommage invoqué par le demandeur ; si ce dernier la conteste, le second doit prouver les faits sur lesquels il la fonde, conformément à l’adage reus in excipiendo fit actor[5].

 

Ainsi en est-il quand l’acheteur prétend ne pas avoir à exécuter son obligation de payer le prix parce que les marchandises livrées ne sont pas conformes à celles qu’il avait commandées[6] ; quand le maître de l’ouvrage, actionné en paiement du solde du prix des travaux, allègue des malfaçons[7] ;  quand un acquéreur assigné en restitution de la somme à valoir sur le prix d’une vente non réalisée, tente d’échapper à l’obligation de remboursement en prétendant que le versement a été fait à titre de dédit[8] ; quand le débiteur d’une obligation de résultat prétend être exonéré par la survenance d’un événement de force majeure[9]; quand le gardien d’une chose inanimée tente de démontrer qu’il est libéré par l’existence d’une cause étrangère qui peut consister dans le comportement fautif de la victime[10] ; quand le preneur d’un fonds rural conteste l’aptitude du bailleur exerçant le droit de reprise à exploiter personnellement le fonds loué[11].

Au travers ces multiples jurisprudences, on comprend aisément le sens de la réciprocité de la charge de la preuve énoncée par l’article 1315, alinéa 2 du Code civil : le demandeur en premier invoque l’existence d’un droit et doit le prouver ; et le défendeur en réponse doit justifier le fait qu’il ne doive plus exécuter l’obligation invoquée par le demandeur.

B. La preuve de la libération du débiteur

L’article 1315, alinéa 2, du Code civil objet de notre commentaire règle la question de la libération du débiteur : « celui qui se prétend libéré doit établir le paiement ou le fait qui a provoqué l’extinction de l’obligation ». C’est pourquoi, si une employée réclame à son employeur le paiement d’indemnités de transport qu’il prétend lui avoir toujours versées, le juge du fond ne peut pas la débouter au motif qu’elle ne fournit pas de justifications à l’appui de sa demande, car c’est à l’employeur qui se disait libéré de cette dette d’en prouver le paiement[12].

Il en va de même de la partie condamnée à faire cesser des troubles de voisinage et à payer aux demandeurs une somme déterminée par jour de retard : pour être déchargé du versement de cette indemnité, ce plaideur doit établir qu’il a mis fin au trouble litigieux et qu’il a ainsi entraîné l’extinction de l’obligation que le tribunal avait fait peser sur lui jusqu’à la cessation du trouble[13]. De la même façon, lorsqu’une convention autorise le créancier à prélever d’office, à chaque échéance, les sommes dues sur le compte bancaire du débiteur, c’est à dernier, s’il prétend sa dette éteinte, de justifier de sa libération et non au créancier de prouver que sa créance ne peut pas être honorée faute de provision[14]. Enfin, il résulte de l’article 1315, alinéa 2, du code civil que, pour être déchargé du paiement de l’indemnité compensatrice d’une clause de non-concurrence, l’employeur doit prouver qu’il a régulièrement libéré le salarié du respect de cette clause[15].

 

Qu'en serait-il d'une éventuelle conclusion ?
Si elle est facultative, elle peut être bonifiée si compter que vous ne rappeliez pas « bêtement » ce qui aura déjà été préalablement développé. Votre correcteur aura compris l'article suite à la lecture de votre développement. Donc, abstenez-vous ! En plus de cela, vous gagnerez du temps.

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

ESSIE TRESOR WELCOME                     

Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).

 



[1] Assoc. H. Capitant, Vocabulaire juridique

[2] Henri CAPITANT, François TERRE et Yves LEQUETTE, GAJC, n°17, p. 121

[3] Caas. Civ., 18 févr. 1981, Bull. civ,III, n°36

[4] Civ. 3eme, 1er Juin 2017, n° 14-14. 932

[5] Le défendeur joue le rôle de demandeur chaque fois qu’il invoque une exception

[6] Cass. com. 27 avr. 1966, Bull. civ. III, n°206; 14 Oct. 1969, ibid. IV, n°294

[7] Cass. com. 21 juin 1965, Bull. civ. III, n°385

[8] Cass. 3e civ. 21 juin 1968, Bull. civ. III, n°296

[9] Cass. 1re civ. 3 Oct. 1967, Bull. civ. I, n° 272

[10] Cass. 2e civ. 3 Oct. 1974, Bull. civ. II. n°252

[11] Cass. Soc. 4 févr. 1965, Bull. civ. IV, n° 106 ; Cass. 3e civ. 6 nov. 1973, JCP 1974.II.17885, note Dupichot et Ph. de Juglart ; autre arrêt de la même date, Bull. civ. III, n°564 ; 12 déc. 1973, ibid. III, n°627 ; 18 déc. 1973, ibid. III, n°636 ; 20 mai 1974, ibid. III, n°210 ; autre arrêt de la même date, D. 1976.45, note Albala ; 31 mars 1978, Bull. civ. III, n°141 ; V. cep. Cass. civ. 18 juin 1974, JCP 1975.II.17993, note Dupichot et Ph. de Juglart

[12] Cass. soc. 4 mai 1966, Bull. civ. IV, n°406

[13] Cass. 3e civ. 15 déc. 1971, Bull. civ. III, n°632

[14] Cass. com. 26 oct. 1976, Bull. civ. IV, n°272, D. 1977.490, note M. Cabrillac, JCP 1978.II.18832, note Lucas de Layssac

[15] Cass. soc. 17 déc. 1991, D. 1993, somm. 159, obs. Y. Serra

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Maître essie de kéllé (Essie trésor welcome), étudiant chercheur à la faculté de droit de brazzaville.

Master II, droit privé, recherche fondamentale. 

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