- Cas pratique:
Marcel MAMPASSI, avec le ménage MADZOU, accompagne à la gare de Brazzaville sa femme Jeanne qui part en vacances à Pointe noire et l’installe dans le train. Le soir, de retour chez lui, il apprend par la radio que ce train vient précisément d’avoir un accident dans le Mayombe. Des décombres du wagon où Jeanne MAMPASSI avait pris place on retire des corps qui ne peuvent être identifiés.
1- Marcel MAMPASSI pourrait-il obtenir un acte de décès de sa femme et obtenir la liquidation de leur régime matrimonial ? Peut-il se remarier ?
2- Quelques années après, Jeanne MAMPASSI réapparait et révèle qu’elle avait quitté le train à Dolisie pour rejoindre son amant
Que va-t-il se passer ?
Solution:
En droit civil congolais, il est bien admis que seul le décès d’une personne peut, en principe, marquer la fin de sa personnalité juridique. Seulement, il y’ a des cas où l’existence même de l’individu est incertaine au point de s’interroger sur les conséquences de sa disparition et réapparition. C’est ce qu’illustre le présent cas pratique. En l’espèce, Marcel MAMPASSI, après avoir accompagné sa femme Jeanne à la gare de Brazzaville à destination de Pointe Noire, apprend le soir à la radio que le train dans lequel se trouvait sa femme a eu un accident et que les victimes ne peuvent être identifiés. Des années après pourtant, Jeanne MAMPASSI réapparait, d'où les multiples interrogations de son époux. Au regard de celles-ci, le problème de droit qui se pose est alors le suivant : quel est le régime juridique applicable à la disparition ou mieux quelles sont les conséquences, en droit positif, de la disparition ou réapparition d’une personne physique ? pour ce faire, nous montrerons d’une part que Marcel MAMPASSI peut obtenir l’acte de décès de sa femme (I) et d’autre part, les conséquences de la réapparition de Jeanne MAMPASSI (II).
I- La possibilité d’obtenir l’acte de décès de jeanne MAMPASSI
Marcel MAMPASSI peut obtenir l’acte de décès de sa femme. A cet effet, il se doit d’observer une certaine procédure dite de déclaration de la disparition (A) qui n’est pas sans effets (B), notamment sur leur régime ou lien matrimonial.
A- La procédure de déclaration de la disparition de Jeanne MAMPASSI
Lorsqu’une personne disparait dans les circonstances prévues par l’article 108, alinéa 2 du Code de la famille congolaise, une procédure plus ou moins rapide est ouverte pour faire prononcer la déclaration de décès. Cette procédure est engagée, suivant l’article 117, alinéa 1er du même Code par le Procureur la République ou à la demande de tout intéressé, devant le tribunal compétent, instruit en chambre de conseil, qui, après enquête, rend un jugement déclaratif de décès.
Partant du cas d’espèce, les circonstances dans lesquelles Monsieur Marcel MAMPASSI n’a plus les nouvelles de sa femme : catastrophe ferroviaire, corps non identifié, caractérisent bel et bien la disparition en droit. De ce fait, ce dernier peut valablement engager cette procédure, étant donné qu’au moment des faits ils sont mariés légalement. L’article 118 du Code de la famille nous renseigne d’ailleurs davantage que le jugement déclaratif du décès du disparu a la « même valeur probante que les actes de décès ». Ceci pour dire que le jugement déclaratif de décès du disparu vaut acte de décès. Toutefois, la constatation du décès de Jeanne MAMPASSI n’est pas sans incidents sur leur lien matrimonial.
B- Les incidents du jugement déclaratif du décès de Janne MPASSI sur son lien matrimonial
Le jugement déclaratif tenant pour décédé le disparu, dissout également son mariage et donne droit au conjoint survivant de procéder à la liquidation du régime matrimonial. Mais sous quel régime était marié Marcel et Jeanne ?
En l’absence de précision dans le cas d’espèce, il y’a lieu de croire qu’il s’agit du régime de la communauté réduite aux acquêts[1]. A cet effet, l’article 220 du Code de la famille dispose : « le régime de la communauté réduite aux acquêts entre en vigueur dès la date de la célébration du mariage et prend fin par le décès (…) » de l’un des époux. Conséquemment, MARCEL MAPASSI peut obtenir la liquidation du régime matrimonial.
Le plus souvent, le partage des biens aura lieu à l’amiable entre le conjoint survivant et les héritiers, faute de quoi la partie la plus diligente pourra saisir le Président du tribunal pour y procéder. A cette fin, le Président du tribunal désignera un notaire ou tout agent habilité à procéder à l’inventaire des biens au jour du décès.
Ce n’est qu’à partir de cet instant qu’on déduira les dettes, charges et obligations en instance et la masse restante à repartir entre les intéressés[2]. Or, partant de l’espèce, rien ne nous renseigne sur l’existence des potentiels autres héritiers. Il ne s’agit là que d’un raisonnement purement hypothétique.
Dans le même ordre d’idée, le mariage étant dissout, Monsieur Marcel MAMPASSI est en droit de se remarier. Cependant, que se passerait il en cas de réapparition de Jeanne MAMPASSI ?
II- Les effets de la réapparition de Jeanne MAMPASSI
Les effets de la réapparition tardive Jeanne MAMPASSI, postérieure à son jugement déclaratif de décès doivent être envisagés à la fois sur le plan patrimonial (A) et extrapatrimonial (B).
A- Les effets patrimoniaux de la réapparition de Jeanne MAMPASSI
Les effets patrimoniaux de la réapparition du disparu sont à envisager selon qu’il revient ou non après le jugement déclaratif de décès. Dans notre cas d’espèce, Jeanne MAMPASSI réapparait quelques années après l’accident du train, et éventuellement après son jugement déclaratif de décès. Dans ce sens, l’article 119, 2 du Code de la famille congolaise dispose : « si l’absent ou le disparu réapparait après le jugement déclaratif de décès, il reprend ses biens dans l’état où ils se trouvent sans pouvoir prétendre à la restitution des biens aliénés ».
Appliqué à notre cas d’espèce, Jeanne MAMPASSI, après avoir demandé au tribunal qui l’a déclaré disparu de prononcer un jugement d’annulation, reprendrait ses biens, mais uniquement dans l’état où ils se trouvaient au jour de sa réapparition. S’ils ont été régulièrement vendus ou aliénés, elle ne pourra prétendre à une restitution.
Quid des effets extrapatrimoniaux?
B- Les effets extrapatrimoniaux de la réapparition de Jeanne MAMPASSI
Contrairement aux effets patrimoniaux, les effets extrapatrimoniaux n’ont pas de valeur pécuniaire, ne font pas partie du patrimoine et ne sont pas des biens. Il s’agit donc, dans le cas d’espèce de savoir si Jeanne MAMPASSI pourrait remettre en cause le nouveau mariage de Marcel, dans l’hypothèse où ce dernier se serait marié.
Le Code de la famille congolais n’est pas assez clair à ce propos. L’article 120, alinéa 1 du Code de la famille se contente d’énoncer : « (…) Dans le cas de divorce ou de remariage opposable au conjoint qui réapparait, le juge statuera sur la garde des enfants au mieux de leur intérêt ».
Cette disposition laisse entendre que c’est au juge de déclarer si le nouveau mariage est ou non opposable. Partant du cas d’espèce, il semble évident que le nouveau mariage de Marcel MAPASSI lui serait bien opposable. Cela se justifie sous deux angles : d’une part, au vu du jugement déclaratif de la disparition de Jeanne MAMPASSI, celle-ci est considérée comme morte. Par conséquent, son mariage reste bel et bien dissous et l’éventuel nouveau mariage de Marcel MAMPASSI lui est opposable. D’autre part, il ressort du cas d’espèce que Jeanne MAMPASSI avait quitté le train à Dolisie pour rejoindre son amant, pareil détail ne joue aucunement à son avantage.
Tout compte fait, le nouveau mariage de Marcel MAMPASSI serait bien opposable à Jeanne. Dans l’hypothèse où ils auraient des enfants, ce serait au juge de statuer « sur la garde des enfants au mieux de leur intérêt ».
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
ESSIE Trésor Welcome
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville (UMNG)