AFFAIRE MOKAMANEDE/ INTEGRALITE DE LA DECISION

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AFFAIRE MOKAMANEDE/ INTEGRALITE DE LA DECISION

ARRÊT N°011/2011 du 24 mars 2011, Affaire MOKAMANEDE John Wilfrid C/ 1- E.I.E.D 2 - Commission CEMAC (Requête aux fins de liquidation des droits légaux et paiement de dommages - intérêts)

La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à N’Djaména (République du Tchad) le vingt quatre mars deux mille onze (…)

A RENDU L’ARRET SUIVANT ENTRE

MOKAMANEDE John Wilfrid, Informaticien et ex-formateur permanent à l’Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC, domicilié à Bangui, en République Centrafricaine, ayant pour conseil Maître Thomas DINGAMGOTO, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 1003 N’Djaména, Demandeur, d’une part ;

Et

1. L’Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC, BP. 991 Bangui, en République Centrafricaine,

2. La Commission de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), BP. 969 Bangui, en République Centrafricaine, Ayant pour conseil Maître MAHAMAT HASSAN ABAKAR, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 2065, Ndjamena ; Défenderesses, D’autre part ;

La Cour

Vu la requête aux fins de liquidation de droits légaux et paiement de dommages-intérêts de Monsieur MOKAMANEDE John Wilfrid reçue au greffe de la Chambre Judiciaire le 31 mai 2010 contre l’Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC et la Commission CEMAC ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le Traité instituant la CEMAC et l’Additif audit Traité relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté ;

Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CE- MAC ;

Vu l’Acte Additionnel n° 006/CEMAC/041-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement portant Statuts de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;

Vu l’Acte Additionnel n° 004/CEMAC/041 - CCE - CJ - 02 du 14 décembre 2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement portant Règlement de procédures de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;

Vu les Actes Additionnels n° 10/06/CEMAC/CJ/CCE du 13/07/2006, n° 11/06/CEMAC/CJ/CEE du 07/08/2006 et n° 14/07-CEMAC-008-CJ-CCE-08 du 25/04/2007 portant nomination des membres de la Cour de Justice de la CEMAC ; Oui Monsieur JUSTO ASUMU MOKUY, Juge Rapporteur en son rapport ;

Oui les parties en leurs observations tant écrites qu’orales ;

Après en avoir délibéré ;

Par requête en date du 21/05/10 reçue au greffe le 31/05/10 sous le n° 011, sieur MOKAMANEDE John Wilfrid de nationalité Centrafricaine, informaticien et ex-formateur permanent à l’Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC, domicilié à Bangui en République Centrafricaine, B.P : 991, ayant pour conseil Maître Thomas DINGAMGOTO, Avocat au Barreau du Tchad, B.P 1003 à N’djamena, a introduit un recours aux fins de liquidation des droits légaux et paiement des dommages et intérêts contre l’Ecole Inter Etats des Douanes et la Commission de la CEMAC. Dans sa requête introductive il expose :

Qu’ayant été embauché le 18/04/02 par l’Ecole Inter - Etats des Douanes en qualité de formateur permanent et élevé au rang d’Expert principal, il fut promu Chef de service informatique, mais qu’après six ans de service il a fait brutalement l’objet d’un licenciement par son ex-employeur. Il signale qu’après avoir attaqué ladite décision devant la Cour de Justice de la CEMAC qui, par arrêt n° 02/CJ/CEMAC/06 rendu le 31/11/06 avait déclaré nulle et de nul effet cette décision du 17/11/05 portant son licenciement.

Qu’en exécution de l’arrêt de la Cour, le Conseil d’administration de l’Ecole, lors de ses travaux à N’Djamena le 10/03/07, avait recommandé au Directeur de l’Ecole la réintégration du requérant dans ses fonctions et les négociations avec lui des modalités pratiques de paiement de ses arriérés de salaires.

Qu’à cet effet, une équipe a été mise en place pour prendre contact avec lui mais, alors que le requérant attendait l’exécution des recommandations faites par le Conseil d’administration, une autre décision prise par le Conseil des Ministres de la CEMAC opte pour son exclusion pure et simple de l’effectif des fonctionnaires de l’Ecole. Le Directeur de l’Ecole choisit en date de 18/04 /07, l’exécution de la décision du Conseil des ministres au mépris de l’arrêt de la Cour et des recommandations faites pour le Conseil d’administration ; à cet effet, il donnera des instructions au service comptable et financier de préparer et de procéder au paiement des arriérés et droits sociaux de Monsieur MOKAMANEDE John Wilfrid ; ainsi donc, un avis de crédit d’un montant global de 55.716.385 FCFA représentant ses arriérés de salaires et autres droits sociaux était émis en son nom sur son compte auprès de la SCBC. Selon le requérant, conformément à l’esprit de l’arrêt de la cour du 31/11/06, la décision sur son licenciement est censée n’avoir jamais existé, donc le Directeur de l’école en choisissant l’application de la Décision du Conseil des ministres au mépris de l’arrêt de la Cour, a montré bel et bien sa volonté de le faire partir à tout prix. Le requérant souligne par ailleurs qu’il a par requête datée du 10/10/07, saisi la Cour de justice pour demander l’annulation de la Décision du Conseil de ministres du 19/03/07 ;

Que le 20/11/08, la Cour a déclaré l’incompétence du Conseil des ministres à prendre la Décision attaquée, et a annulé ladite Décision et demandé que le requérant soit réintégré dans ses fonctions. Le requérant souligne que cette Décision a été notifiée au Président de la Commission et au Directeur de l’Ecole, qui a décidé de la soumettre à l’appréciation du Conseil d’administration de l’Ecole, lequel avait, à son tour, décidé de la renvoyer devant le Conseil des ministres tenu à Bangui le 19/12/08 ; le Conseil de ministres a, par une recommandation, invité la Cour de Justice et la Commission à trouver une issue à ce problème. Le requérant souligne qu’après des échanges de correspondances entre le Président de la Commission, le Premier Président de la Cour et la Direction de l’Ecole Inter-Etats des Douanes, en vue de résoudre définitivement le problème, le Président de la Commission a par lettre datée du 10/09/09 instruit le Directeur administratif et financier et l’Agent comptable de la Commission aux fins de prendre attache avec le Directeur de l’Ecole en vue de proposer une piste indemnitaire de règlement du requérant, étant donné que l’organigramme actuel de l’école ne permet pas la réintégration du requérant comme l’avait demandé l’arrêt de la Cour. Le requérant dénonce le fait que depuis le prononcé de l’arrêt de la Cour portant annulation de la Décision du Conseil de ministres à ce jour, aucune volonté d’exécution de cet arrêt n’a été manifestée ni par l’Ecole ni par la Commission ; par ailleurs, il considère que les agissements de la Commission constitue un fait dommageable justifiant sa condamnation en réparation du préjudice qu’il subit et demande par conséquent que la Commission soit condamnée à lui verser : - à titre de provision la somme de 76.520.000 FCFA, - et 900.000.000 FCFA, à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus. En date du 08/06/2010 le greffe de la Chambre Judicaire a communiqué cette requête introductive d’instance à Monsieur le Directeur Général de l’EIED d’une part et à Monsieur le Président de la Commission de la CEMAC d’autre part ;

Dans son mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 02/08/10 sous le n° 083, l’EIED, par la voix de son conseil Maître Sylvie CHANTAL OUANGOLO LOUNGOULAH, fait valoir ce qui suit :

Que la décision de licenciement du requérant a été prise au terme d’une procédure disciplinaire menée conformément aux textes internes et que la Décision du Conseil de Ministres constituait une confirmation de l’exclusion du requérant du rang des fonctionnaires de l’EIED. que s’il est bien vrai que, sur action en contestation-du requérant, la Cour a prononcé d’une part l’arrêt n° 002/CJ/CEMAC/06 du 31 novembre 2006 en déclarant « nulle et de nul effet la décision de licenciement» et d’autre par l’arrêt n° 003/CJ/CEMAC/08 du 21 novembre 2008 déclarant l’incompétence du Conseil des ministres à prendre la décision litigieuse, la même Cour a demandé également que le requérant soit réintégré dans ses fonctions, alors qu’il a accepté de signer le 29 mai 2007, un «solde de tout compte » proposé par l’EIED en guise de règlement définitif du litige qui les oppose ;

qu’à cette occasion il a encaissé la somme totale de 55.716.385 FCFA au titre de tous ses droits ;

Que c’est pour s’en remettre à la sagesse du Conseil des ministres que la Direction de l’Ecole a opté pour l’application de la Décision dudit organe ; Il soutient que la recommandation faite par le Conseil des ministres du 19 décembre 2008 invitant la Cour de Justice et la Commission à trouver une issue au litige, s’explique par la suppression du poste qu’occupait anciennement le requérant dans l’organigramme de l’Ecole ;

Qu’alors que la Cour de Justice, la Commission, et la Direction de l’Ecole avaient entamé de façon concertée l’étude des voies et issues possibles sur la base de recommandations faites par le Conseil de ministres, le requérant a saisi avant que cette étude n’aboutisse, la Cour d’une demande de paiement de droit légaux et de dommages et intérêts ;

Que le fait que le requérant fasse valoir dans sa requête introductive d’instance que son ex-employeur ne lui a ni versé ses droits légaux, ni exécuté l’injonction de la Cour de Justice relative à sa réintégration au sein de l’établissement, n’a pas de fondement , dans la mesure où l’EIED lui a déjà fait signer en guise de règlement définitif du présent litige, un solde de tout compte que le requérant a accepté de décharger librement à la date du 29 mai 2007 ;

Que le requérant, en encaissant cinquante cinq millions sept cent seize mille trois cent quatre vingt cinq (55.716385 F CFA) dont quelques vingt et un millions (21.000.000 F CFA) à titre de prime de départ, et en choisissant d’émettre rien que des réserves quant à ces primes, a démontré avoir agi en toute connaissance de cause. Par conséquent affirme le conseil de la défenderesse, il y a dès lors eu transaction en la cause ; Il soutient que le fait que le requérant saisisse la Cour de justice pour demander l’annulation de la Décision du Conseil de ministres sans signaler l’accord intervenu entre l’EIED et lui, a pour seul objectif d’induire en erreur ladite Cour. En poursuivant son mémoire en défense, le conseil de la défenderesse soutient entre autres que les deux arrêts rendus par la Cour se sont contentés de faire le constat du non respect de textes communautaires et que l’option de l’annulation retenue n’était que la logique juridique et non le triomphe d’une quelconque vérité sur les événements ;

que le fait que la Cour ait jugé inopportun d’examiner le fond du dossier n’a pas permis à cet institution de connaître le motif de rupture de liens de travail en tout état de cause. Il signale que les droits légaux que le requérant demande lui ont déjà été versés dans le solde de tout compte du 29 mai 2007 que celui-ci a signé avec l’EIED ;

que sa demande de dommages et intérêts n’a pas de sens étant donné que dans le cas d’espèce il n’y a pas eu un préjudice certain subi du fait de l’abus ou d’une faute de la part de son auteur, que c’est une faute lourde commise par le requérant qui est à l’origine de la rupture de son contrat avec l’EIED, et qu’en plus, puisqu’il y a eu transaction en la cause, l’arrêt de la Cour du 21 novembre 2008 est entaché d’erreur judicaire. Il conclut son mémoire en défense en demandant à la cour :

- de prendre acte, de ce que le requérant et l’EIED, en signant le solde de tout compte le 29 mai 2007, ont entrepris de transiger en la cause,

- tirer de cet acte toutes les conséquences et reconnaître que l’arrêt de la Cour du 21/11/2008 est entaché d’erreur judiciaire,

- et subsidiairement que la Cour dise et juge que le requérant a d’ores et déjà perçu ses droits légaux lors de la signature du solde de tout compte,

- connaître du fond de l’affaire pour statuer en toute connaissance de cause sur sa demande en réparation,

- mettre les dépens à la charge du requérant. Le greffe de la Chambre Judiciaire a notifié ce mémoire en défense au conseil du requérant en date du 02/08/10 ;

Dans son mémoire en réplique enregistré au greffe le 02/09/10 sous le n°097, le requérant, par la voix de son conseil, après avoir repris les faits exposés dans sa requête introductive, soulève d’abord le défaut d’élection de domicile au siège de la Cour tel que prévu par les dispositions des articles 8 et 19 de l’Acte Additionnel portant Règles de procédure devant la Chambre Judiciaire, invoque le caractère d’ordre public des règles de procédure et demande à la Cour de tirer toutes les conséquences face à ce défaut d’élection de domicile de la part de la défense. Réagissant sur les exceptions présentées par les défenderesses par la voix de leur conseil, selon lesquelles le sieur MOKAMANEDE John Wilfrid aurait recouvré ses droits en acceptant de décharger le décompte de droits sociaux et primes de départ, que cet acte qui a une valeur de transaction et autorité de la chose jugée en dernier ressort ne peut être attaqué ni pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion et que les simples réserves émises par le demandeur relatives aux primes de départ, ne peuvent entacher sa valeur juridique, le requérant, par la voix de son conseil, conteste cette version des faits en affirmant que son client n’avait jamais été associé aux démarches engagées par la Direction de l’Ecole pour les paiements de ses droits et indemnités de départ ;

que son client a été surpris par un avis de crédit correspondant non seulement au paiement de ses arriérés de salaires et autres avantages dus, mais surtout aux primes de départ, raison pour laquelle il avait émis des réserves quant au montant représentant les primes de départ. Selon le requérant, la transaction est un contrat par lequel les parties règlent ou préviennent une contestation en consentant des concessions réciproques ;

que c’est donc la réciprocité qui conditionne la valeur juridique de la transaction et que le défaut de cette réciprocité porte atteinte à la validité de ses effets. Le requérant soutient que le défaut de réciprocité rend la transaction inexistante.

Sur les motifs de rupture de contrat, le requérant soutient que contrairement à ce que la défense prétend en le qualifiant comme faute lourde qui est à l’origine du licenciement de son client, la Cour dans ses deux arrêts a successivement annulé la décision de licenciement, qui doit par conséquent être considérée comme n’avoir jamais existé. Toujours selon le requérant, l’opinion des défenderesses selon laquelle l’arrêt de la Cour du 20/11/08 annulant la Décision du Conseil de ministres est entaché d’erreur judiciaire pouvant donner lieu à révision, ne lie pas l’intéressé du fait que le délai imparti par les dispositions des articles 96 et suivants de l’Acte Additionnel portant Règles de procédure devant la Chambre judiciaire, en ce qui concerne l’exercice du recours en révision sont claires. Étant entendu qu’une décision judiciaire ne saurait faire infiniment l’objet de contestation, que cette décision n’ayant jamais été frappée de recours dans le délai prévu, est revêtue de l’autorité de la chose jugée conformément à l’article 88 des Règles de procédure devant la Chambre Judiciaire. Il soutient que contrairement aux allégations des défenderesses, la demande de paiement d’une part, des droits légaux de 76.520.000 FCFA et d’autre part de 900.000.000 FCFA en réparation des préjudices subis par son client, est fon- dée dans la mesure où il ne résulte pas de la fameuse transaction évoquée, des concessions réciproques des parties, que celle-ci est donc non valable. Il signale que sont erronées les allégations de la défense selon lesquelles, les dommages et intérêts ont pour objectif de réparer un préjudice certain subi du fait de l’abus ou de la faute de la part de son auteur et qu’il résulte des faits de l’espèce que le demandeur a commis une faute occasionnant ainsi la rupture de son contrat, que la faute imputable à son client n’a jamais été démontrée, l’acte le sanctionnant n’étant pas présenté à ce jour ;

Que depuis la notification de l’arrêt, les défenderesses multiplient des subterfuges tendant à faire croire au demandeur la possibilité d’une éventuelle solution, la résistance abusive des contradictrices sous prétexte d’un possible recours en révision constitue une rébellion contre les décisions de la Cour et est constitutive d’acte dommageable au préjudice de son client, alors qu’étant un père de famille, la perte de son emploi le contraint à s’endetter pour subvenir aux besoins de sa famille ;

Que les défenderesses s’exposent à des frais irrépétibles, des frais de voyages aller-retour Bangui - N’Djamena, de voir échapper la chance du demandeur de continuer sa carrière dans l’Institution, tout cela du fait de la mauvaise foi de son ex-employeur. Le requérant conclut son mémoire en réplique en demandant à la Cour :

Sur la forme de :

- déclarer irrecevable le mémoire en défense pour défaut d’élection de domicile au siège de la cour,

Au fond de :

- dire et juger qu’il n’y a pas eu transaction,

- dire et juger que le moyen tiré des motifs de la rupture au contrat de travail est périmé ;

- dire et juger qu’il ya autorité de la chose jugée ;

- dire et juger son action fondée en tous ses chefs de demandes ; Statuer ce que de droit sur les dépens.

Appréciations de la Cour

En la forme :

a) Sur la compétence de la Cour

Considérant que le requérant MOKAMANEDE John Wilfrid était au moment de son licenciement fonctionnaire en service à l’Ecole Inter-Etats des Douanes, une institution spécialisée de la CEMAC,

Que « la Chambre Judiciaire connaît en premier et dernier ressort les litiges entre la Communauté et ses agents », conformément aux dispositions de l’article 21 de la Convention régissant la Cour de Justice,

Qu’il échet de la déclarer compétente pour connaître du litige né de la rupture de son contrat de travail,

b) Sur les exceptions d’irrecevabilité

1. Sur l’irrecevabilité de la requête introductive d’instance

Considérant que par deux arrêts n°02/CJ/CEMAC/CJ/06 du 30/11/2006 et n°003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20/11/2008, la Cour a déclaré nulle et de nul effet les décisions n° 072/CEMAC/EIED et n° 01/07-UEAC-CM-15 des 17/11/2005 et19/03/2007 prises respectivement par le Directeur de l’Ecole Inter-Etats des Douanes et le Conseil des Ministres de l’UEAC, et portant licenciement du requérant,

Que dans une correspondance du 10 septembre 2009, le Président de la Com- mission CEMAC a demandé au Directeur des Affaires Administratives et Financières ainsi qu’à l’Agent Comptable, ses collaborateurs, de lui proposer « une piste indemnitaire» pour le règlement définitif de la situation professionnelle litigieuse, faute de pouvoir réintégrer le requérant dans le corps des enseignants de l’Ecole Inter - Etats des Douanes,

Que M. MOKAMANEDE John Wilfrid a saisi la Cour dès qu’il a eu connaissance du contenu de cette lettre du Président de la Commission dont il n’était du reste pas destinataire,

2. Sur la non production de l’acte attaqué

Considérant que la Cour est saisie d’un recours en indemnisation et non d’un recours en annulation, qu’au demeurant il a été produit au dossier un document intitulé « solde de tout compte» portant «liquidation» des droits, qu’il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité tirée de l’article 16 des Règles de procédure,

3. Sur l’irrecevabilité de la requête du 27 mai 2010 pour forclusion

Considérant que la requête dont s’agit est «un mémoire en réplique» enregistré au greffe le 02 septembre 2010 et non un «mémoire ampliatif» au sens de l’article 17 de l’Acte additionnel portant Règles de procédure,

Que la forclusion alléguée n’est pas fondée,

4. Sur l’élection de domicile

Considérant que dans sa réplique du 02 septembre 2010 précitée, le conseil du requérant a prétendu que la défenderesse « n’a pas fait mention d’une élection de domicile au siège de la Cour » comme le prescrivent les dispositions des articles 8 et 19 de l’Acte additionnel précité portant Règles de procédure, Mais considérant que par correspondance du 22 juillet 2010, le Président de la Commission de la CEMAC a notifié à la Cour la constitution de Maître MAHAMAT HASSAN ABAKAR pour assurer la défense de la Communauté, que cette notification vaut élection de domicile,

5. Sur l’exception d’irrecevabilité tirée de l’autorité de la chose jugée

Considérant que le conseil de la défenderesse affirme que par l’arrêt n°02/CJ/ CEMAC/CJ/2006 rendu le 30/11/2006, la Cour a déclaré nulle la décision de li- cenciement du requérant signé du Directeur de l’Ecole Inter-Etats des Douanes, sans se prononcer ni sur les dommages et intérêts ni sur les primes sollicitées,

Que cet arrêt définitif ayant acquis autorité de la chose jugée, le requérant ne peut plus pour le même objet et entre les mêmes parties « introduire une nouvelle requête comme celle du 27 mai 2010 », Mais considérant que pour n’avoir pas été réintégré au rang des effectifs des enseignants en poste à l’Ecole Inter-Etats des Douanes après l’annulation des décisions portant son licenciement, le requérant demande au principal la liqui- dation de ses droits et subsidiairement la réparation du préjudice subi du fait de sa non réintégration,

Que l’exception de l’autorité de chose jugée n’est pas fondée,

Que la requête introductive d’instance a été faite dans les forme et délai de loi, qu’il échet de la déclarer recevable, Sur le fond Considérant qu’après l’annulation le 30/11/2006 de la décision du Directeur de l’E.I.E.D portant licenciement du requérant, le Conseil d’administration de ladite Ecole a prescrit sa réintégration le 10 mars 2007, mais que quelques jours plus tard le Conseil des Ministres de l’UEAC a, par décision du 19 mars 2007, prononcé le licenciement du requérant, que le 29 mai 2007 ce dernier a perçu au titre de rappel des arriérés de salaire, d’avancement, de préavis et de prime de départ la somme de 54.716.385 francs pour « solde de tout compte », déduction faite de remboursement sur salaire et autres dettes de l’Institution,

Qu’en signant le document de décharge il a émis des réserves en ces termes : «Bon pour acceptation exclusivement pour arriérés salaires. Cependant j’émets (de) fermes réserves quant aux primes de départ qui ne sont pas dans l’arrêt de la Cour de Justice du 30/11/06»,

Qu’il espérait encore être réintégré comme avait décidé le Conseil d’Administration de l’Ecole le 10/03/2007,

Que c’est pour cette raison qu’il a encore saisi la Cour le 10 octobre 2007 et obtenu l’annulation de la décision de licenciement du Conseil des Ministres par l’arrêt rendu le 20/11/2008,

Que ressaisi du différend qui oppose le requérant à l’E.I.E.D, le Conseil des Ministres a prescrit une résolution amiable du différend à la Commission CEMAC ensemble et de concert avec le Premier Président de la Cour de Justice, que las d’attendre cette issue heureuse, le requérant est revenu devant la Cour pour solliciter la condamnation de la Commission CEMAC au paiement de 76.520.000 F de provision et 900.000.000 F de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues,

Considérant que les deux arrêts précités ont acquis autorité de chose jugée, consacrant dès lors l’incompétence tant du Directeur de l’E.I.E.D. que du Conseil des Ministres de l’UEAC à prononcer le licenciement du requérant, alors surtout que le Conseil d’Administration, organe compétent, avait prescrit sa réintégration,

Qu’à la Commission CEMAC qui envisageait cette réintégration même sous « un nouveau contrat », le nouveau Directeur de l’Ecole Inter - Etats des Douanes a opposé l’absence de poste vacant,

Que c’est alors le Président de la Commission a prescrit la recherche d’une « piste indemnitaire » à ses proches collaborateurs comme solution amiable du règlement du litige, Considérant que la somme payée au requérant le 29 mai 2007 représentait pour l’essentiel les arriérés de salaire du 1er décembre 2005 au 30 avril 2007, la prime de départ correspondant à huit mois de salaire et le préavis de 03 mois, Que la liquidation de ses droits est régulière,

Mais considérant que le principe du respect de la chose jugée allié à la bonne dis- position du Conseil d’Administration a nourri depuis l’arrêt du 20/11/2008 l’espoir légitime de la réintégration du requérant, que cet espoir déçu du fait de la résistance abusive à l’exécution des arrêts définitifs a généré un préjudice qui s’analyse pour le requérant en perte d’une chance de faire carrière dans une institution internationale de son rêve, que la Cour dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour évaluer ce préjudice à 07 mois de salaire perçu au moment du licenciement, soit 1.913.000 F x 7 = 13.391.000 F CFA, Qu’il y a lieu de condamner la Communauté au paiement de cette somme à M. MOKAMANEDE John Wilfrid, de débouter le requérant du surplus de sa demande et de laisser ses dépens à la charge de la Communauté, conformément aux dispositions de l’article 23 des Règles de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit communautaire ;

En la forme :

Reçoit le recours ;

Au fond : Constate que les droits légaux ont été liquidés ; Dit et juge que la résistance abusive à l’exécution de l’arrêt devenu définitif a causé un préjudice au requérant ; Condamne la Commission de la CEMAC et l’Ecole Inter-Etats des Douanes à payer à M. MOKAMANEDE John Wilfrid la somme de treize millions trois cent quatre vingt onze mille (13.391.000) francs CFA toutes causes de préjudices confondues ; Ordonne la notification du présent arrêt à la Commission de la CEMAC et à l’Ecole Inter-Etats des Douanes ; met les dépens à la charge de la Communauté.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’Djamena, le vingt quatre mars deux mille onze.

Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.

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