Â
Cour Suprême. Arrêt n° 008/civ. du 07 février 2019 - Affaire SABC c/. M. F.
Voici un prototype d’affaire impliquant un consommateur, un vendeur de bière et le producteur de la bière. M.F. avait acquis auprès du boutiquier M. une bouteille de boisson dans laquelle il avait constaté des particules. Il assigna le producteur en réparation. Dès l’ouverture de la procédure, le producteur SABC sollicita sa mise hors de cause, sans succès, devant les juridictions inférieures. Au contraire, le vice caché plaidé en appel fut retenu, la Cour ayant jugé « qu’étant producteur de ces boissons, la responsabilité des Brasseries du Cameroun est établie en cas de découverte des vices cachés pouvant nuire à la santé de l’homme comme dans le cas d’espèce ». On retiendra, en la saluant, la position de la Cour d’appel, dans l’espoir que cette jurisprudence emporte l’adhésion de la Cour Suprême pour les cas à venir. Car, en l’espèce, les questions procédurales ont totalement gouverné les débats pour finalement déterminer la décision finalement prise.
Ainsi donc, SABC se pourvut en cassation. Elle s’appuyait sur des principes juridiques acquis du droit des contrats. Selon lui, n’ayant jamais conclu de contrat avec l’acheteur, le principe de l’effet relatif de l’article 1165 du code civil devait lui profiter. M.F. ayant affirmé avoir vu les particules, les vices semblaient plutôt apparents, aucune réparation n’était donc envisageable au sens de l’article 1642 du même code. Mais comment SABC avait-t-il présenté son unique moyen de cassation à l’illustre Cour ? Selon la Cour en effet, le demandeur en cassation n’avait pas respecté quant à la procédure l’article 53 (2) de la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême.
Le procès se gagne d’abord sur la forme. La Cour relève que « tel que présenté, le moyen soulevé en ses trois branches n’indique pas le texte afférent au cas d’ouverture à pourvoi qu’il vise ». A la lecture du mémoire ampliatif fourni l’opposant, le juge apprécie la conformité des écritures aux prescriptions de l’article 53 de la loi du 29 décembre 2006. Cette appréciation s’est avérée infructueuse en l’espèce. SABC aurait dû, à tout le moins, viser expressément l’un des 9 cas de pourvoi de l’article 35 de la loi du 29 décembre 2006, non mentionné dans l’arrêt. La sanction d’irrecevabilité sera prononcée, au constat par ailleurs de la régularité de l’arrêt de la Cour d’appel. L’intérêt de ce consommateur sera donc sauf…
Â
Marie-Colette KAMWE MOUAFFO épse KENGNE, Maitre de conférence/ Université de N'Gaoundéré/Cameroun.
Â
Texte :
Â
COUR SUPREME - CHAMBRE JUDICIAIRE - SECTION CIVILE - DOSSIER n° 302CIV012 - POURVOI n° 02GCAADNG du 23 Février 2012 - A R R E T n° 008/CIV du 07 Février 2019 - AFFAIRE La Société Anonyme des Brasseries du Cameroun C MOUSSA FALAMA
Â
Â
Â
DOSSIER n° 302/CIV/012
POURVOI n° 02/GCA/AD/NG du 23 Février 2012
Â
AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS
Â
L’an deux mille dix neuf et le sept du mois de Février ;
Â
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Section Civile ;
Â
En audience publique ordinaire, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Â
ENTRE :
Â
La Société Anonyme des Brasseries du Cameroun, demanderesse en cassation, ayant pour conseil Maître NANA PATYSWITT, Avocat à Garoua ; D’UNE PART
Â
Et,
Â
MOUSSA FALAMA, défendeur à la cassation ayant pour Conseil Maître WOUNTANA Josué, Avocat à Soa ; D’AUTRE PART
En présence de Monsieur OUMAROU BAMANGA Avocat Général près la Cour Suprême ;
Â
Statuant sur le pourvoi formé suivant déclaration faite le 23 Février 2012 au Greffe de la Cour d’Appel de l’Adamaoua, par Maître NANA PATYSWITT Viviane, Avocat au Barreau du Cameroun, agissant au nom et pour le compte de la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun, en cassation contre l’arrêt n°04/CIV rendu le 21 Février 2012 par la susdite juridiction statuant en matière civile dans l’instance opposant sa cliente au sieur MOUSSA FALAMA ;
Â
LA COUR ;
Après avoir entendu en la lecture de son rapport Madame DJAM DOUDOU DAOUDA, Conseiller à la Cour Suprême ;
Vu les conclusions de Monsieur Luc NDJODO, Procureur Général près la Cour Suprême ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Le mémoire ampliatif déposé 02 Décembre 2016 par Maître NANA PATYSWITT Viviane, Avocat à Garoua, agissant pour le compte de la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun ;
Sur le moyen unique de cassation ainsi présenté :
« A- VIOLATION DE LA LOI
Première branche : violation de l’article 7 de la loi n°2006/015 du 29 Décembre 2006 sur l’organisation judiciaire modifiée par la loi n°2011/027 du 14 Décembre 2011, non réponse aux conclusions des parties : défaut de motifs, violation de l’article 1165 du Code Civil
Attendu que l’article 2 de la loi n°2006/015 du 29 Décembre 2006 sur l’organisation judiciaire dispose :
« Toute décision judiciaire est modifiée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public » ;
Attendu que cette disposition a été violée par les Juges d’Appel en ce que :
La Société requérante avait sollicité sa mise hors de cause à l’entame de la procédure et même en appel ainsi que cela ressortait de l’arrêt attaqué (1er rôle in fine) ainsi qu’il suit :
« S’entendre mettre la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun hors de cause en vertu du principe de l’effet relatif des contrats de l’article 1165 du code civil » ;
Qu’elle avait notamment expliqué que le cocontractant de MOUSSA FALAMA était plutôt le vendeur MOHAMADOU DANLADI, boutiquier à Tcholliré chez qui la bouteille querellée avait été achetée ;
Que les articles 1165 et 1146 du code civil, devaient s’appliquer en lieu et place de l’article 1149 du code civil utilisé inexactement par le premier Juge ;
Attendu que l’arrêt querellé a omis de répondre à ces chefs précis des conclusions, ce qui équivaut à un défaut de motifs ;
Attendu que la cassation est encourue pour ce motif ;
Attendu que la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun était tiers à la convention conclue entre MOHAMADOU le boutiquier et le sieur MOUSSA FALAMA ;
Que lui seul était tenu en vertu de l’article 1146 du Code civil à restituer le prix ou à rembourser les frais occasionnés par la vente ;
Que c’est à tort que la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun a été mise en cause ce faisant en violation des dispositions précitées 1165 et 1146 du code civil ;
A- VIOLATION DE LA LOI
Deuxième branche : violation de la loi, violation de l’article 1642 du code civil
Attendu que pour conclure à la responsabilité des Brasseries du Cameroun, le Juge d’appel a dit :
« Qu’étant producteur de ces boissons, la responsabilité des Brasseries du Cameroun est établie en cas de découverte des vices cachés pouvant nuire à la santé de l’homme comme dans le cas d’espèce » ;
Attendu qu’une pareille affirmation a été faite en violation de l’article 1642 du code civil qui indique ;
« Le vendeur n’est tenu des vices apparents et donc l’acheteur a pu se convaincre lui-même » ;
Attendu que MOUSSA FALAMA n’avait ni décapsulé la bouteille, no consommer le liquide y contenu ;
Attendu qu’il a toujours affirmé que c’est à vue d’œil qu’il a constaté l’existence de particules dans la bouteille qu’il venait d’acheter ;
Que dès lors, il ne s’agissait en l’espèce que de vice apparent ;
Attendu que le liquide contenu dans la bouteille n’ayant jamais fait l’objet d’une expertise, c’est en violation des dispositions de l’article 1642 que le Juge d’appel a rendu sa décision ;
B- VIOLATION DE LA LOI
Troisième branche : violation de l’article 1146 du code civil
Attendu qu’il appert de l’article 1146 du code civil que :
« Les dommages intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation… » ;
Attendu que la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun tiers à la convention n’a jamais été mise en demeure d’avoir à remplir quelconque obligation ;
Attendu que c’est en violation de cette disposition légale que sa responsabilité contractuelle a été retenue ;
Attendu que l’arrêt encourt cassation pour ce motif » ;
Attendu qu’en vertu de l’article 53 (2) de la loi n°2006/016 du 29 Décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, le moyen invoqué à l’appui du pourvoi, doit à peine d’irrecevabilité, être articulé et développé ;
Qu’il en résulte que non seulement le moyen de cassation doit contenir l’indication complète et non erronée du texte de loi ou du principe de droit prétendument violé ou faussement appliqué, les dispositions du texte visé, mais qu’il doit montrer en quoi ledit texte ou ledit principe de droit a été violé ou faussement appliqué ;
Attendu qu’en l’espèce, tel que présenté, le moyen soulevé en ses trois branches n’indique pas le texte afférent au cas d’ouverture à pourvoi qu’il vise :
Que ce faisant, il n’est pas conforme à l’article 53(2) ci-dessus spécifié ;
D’où il suit qu’il est irrecevable et que le pourvoi encourt le rejet, l’arrêt attaqué étant par ailleurs régulier ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ordonne qu’à la diligence du Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour d’Appel de l’Adamaoua et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour pour mention dans leurs registres respectifs ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire du sept Février deux mille dix neuf, en la salle ordinaire des audiences de la Cour où siégeaient :
MM.
EPULI Mathias ALOH, Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT ;
MINKO MINKO Abel, Conseiller ;
MOUKOURY Francis Claude Michel, Conseiller ;
Membres ;
En présence de Monsieur OUMAROU BAMANGA, Avocat Général, occupant le banc du Ministère Public ;
Et avec l’assistance de Maître NJINDA Mercy, Greffier audiencier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, les Membres et le Greffier ;
Â
LE PRESIDENT, LES MEMBRES et LE GREFFIER.
Â
Origine de la décision
Â
Pays : Cameroun
Juridiction : Cour suprême
Formation : Chambre judiciaire, section civile
Date de la décision : 07/02/2019