CEMAC: LE CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Publié le 30/06/2014 Vu 8 092 fois 2
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

De plus en plus récurrents sont les cas de saisine du juge communautaire par les fonctionnaires de la CEMAC. Les règles régissant ce contentieux gagnent à être connues, tant il est vrai que le procès se gagne d'abord sur la procédure. L'article présente de manière succincte les règles concernant les personnes visées, la nature des recours, la procédure et l'office du juge.

De plus en plus récurrents sont les cas de saisine du juge communautaire par les fonctionnaires de la CEMAC.

CEMAC: LE CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Dans le cadre du contentieux de la fonction publique communautaire, le fonctionnaire peut être soit demandeur, soit défendeur. Cependant, du fait des procédures administratives internes, spécialement en matière disciplinaire, la saisine contentieuse de la Communauté contre son agent fonctionnaire est rare, s’il ne relève pas d’une procédure particulière, par exemple, celle qui est prévue devant la Chambre des comptes en cas de mauvaise gestion par le fonctionnaire comptable. La jurisprudence communautaire, explorée à l’occasion de la préparation de cet article, ne contient, sous toutes réserves, aucun cas de recours de la Communauté contre son agent, tout au plus des recours en révision contre des arrêts annulant l’acte d’une institution communautaire.

Par ailleurs, la responsabilité contractuelle de la Communauté est engagée devant le juge national du lieu de conclusion du contrat litigieux (article 35 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la CEMAC).

Pour ces raisons, nous avons limité l’étude du contentieux de la fonction publique communautaire à l’hypothèse dans laquelle le fonctionnaire est demandeur dans l’action principale. Seront donc examinés successivement:

I - LES FONDEMENTS DE LA COMPETENCE DE LA COUR

II- LES PERSONNES CONCERNEES

III- LA NATURE DES RECOURS

IV- LES CONDITIONS DE RECEVABILITE

V- L’OFFICE DU JUGE COMMUNAUTAIRE


 

I – FONDEMENTS DE LA COMPETENCE DE LA COUR

Le contentieux de la fonction publique communautaire peut être défini comme tout contentieux ayant pour but la résolution des litiges nés entre le fonctionnaire de Communauté et son employeur, la Communauté, litige issue de la relation professionnelle.

Ce contentieux est prévu dans les textes communautaires de base portant Statut des fonctionnaires :

  • Le règlement n° 08/99/UEAC-007 -CM-02 du 18 août 1999 portant Statut des Fonctionnaires du Secrétariat Exécutif.

  • Le règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 11 décembre 2009. Ce règlement n’abroge que les dispositions antérieures contraires (V. article 122). On est donc admis à penser que le règlement n° 08 continuer de s’appliquer dans ses dispositions conformes.

Article 113 du statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la CEMAC (la Commission): « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant le Secrétariat Exécutif à l'un de ses fonctionnaires, à l'exception de ceux régis par le contrat de droit local ».

Article 119 du statut des fonctionnaires de la Communauté : « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant la Communauté à l’un de ses fonctionnaires ». 

Les textes régissant le système juridictionnel de la Communauté rappelle expressément cette compétence d’attribution de la CJ-CEMAC :

Article 4 de la Convention régissant la CJ-CEMAC : « (…)  La Cour est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la C.E.M.A.C. et les Agents des Institutions de la Communauté, à l’exception de ceux régis par des contrats de droit local ».

Compétence de la chambre judiciaire :

Article 21 de la Convention régissant la CJ-CEMAC : « La Chambre Judiciaire connaît en premier et dernier ressort des litiges entre la Communauté et ses agents ».

EXCEPTION

Certaines institutions comme la BDEAC ont prévu dans leur statut une clause compromissoire qui impose le recours à l’arbitrage comme moyen de règlement des litiges de travail. Ce statut semble ainsi exclure la procédure juridictionnelle de la CJ-CEMAC. Admettant implicitement la validité d’une telle clause, la Cour a cependant affirmé sa compétence dès lors qu’il apparaît que les parties ont renoncé à la clause compromissoire (ARRÊT N° 003/CJ/CEMAC/CJ/09 Du 25/06/2009, Affaire: GUEREZEBANGA Gabriel Gaétan CI La BDEAC (Recours contre la Décision n° C - 401 DRA/54 du 20/06/2006 du Président de la BDEAC).

II- PERSONNES CONCERNEES

  • QUALITE POUR AGIR : Etre un fonctionnaire de la Communauté.


DEFINITION DU FONCTIONNAIRE DE LA COMMUNAUTE :

Article premier du statut des fonctionnaires du secrétariat exécutif de la CEMAC : « A le statut de Fonctionnaire du Secrétariat Exécutif de la Communauté : « toute personne nommée et titularisée dans l'un des emplois permanents ouverts dans les services du Secrétariat Exécutif de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ».   

Article 2 du statut des fonctionnaires de la CEMAC : «  Il s’agit de toute personne nommé et titularisée dans l’un des emplois permanents ouverts dans les services d’une Institution, d’un Organe ou d’une Institution de la CEMAC ».

EXCEPTION:

PERSONNES EXCLUES DU CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Les fonctionnaires du régime Local : les fonctionnaires et agents liés à la communauté par un contrat de droit local (Article 113 du statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Article 4 de la Convention régissant la CJ-CEMAC).


La situation des hauts responsables des institutions et organes communautaires

lL’article 2 du tout nouveau Statut des fonctionnaires de la Communauté (2009) les exclut de son champ d’application. Mais ceci ne devrait pas, en principe, remettre en cause leur droit de saisine de la Cour de justice de la CEMAC sur le fondement de l’article 4 de la Convention régissant la Cour de justice Communautaire. (V. AFF. THOMAS DAKAYI KAMGA du 17 juillet 2003). Il s’agit :

Des Président et Vice-Président et Commissaires de la Commission ;

  • des Juges membres de la Cour de justice communautaire, juges judiciaires et juges des comptes ;

  • Des députés, membres du Parlement communautaire ;

  • Des premiers responsables des institutions, Organes et Institutions spécialisées de la Communauté.

  • INTERET A AGIR : Etre un fonctionnaire de la Communauté ayant un intérêt certain et légitime, comme le prévoit la règle générale l’article 14 de la Convention régissant la CJ CEMAC, qui s’applique également à ces derniers.

Article 14 – « La Chambre Judiciaire connaît, sur recours de tout Etat membre, de tout Organe de la C.E.M.A.C. ou de toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt certain et légitime, de tous les cas de violation des dispositions des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions subséquentes ».

En considération de la source de ces exactions et suivant une observation de la jurisprudence de la CJ CEMAC après dix ans de fonctionnement, on peut classer le contentieux de la fonction publique communautaire en trois catégories :

  • Le contentieux juridictionnel relatif à une procédure disciplinaire ;

  • Le contentieux juridictionnel relatif à la gestion de la carrière du fonctionnaire ;

  • Le contentieux juridictionnel en réparation du préjudice causé à un fonctionnaire par la Communauté.

III/NATURE DU RECOURS

En principe, citoyen communautaire, le fonctionnaire communautaire dispose des mêmes recours que les autres requérants devant la CJ-CEMAC. Cependant, dans le cadre du contentieux de la fonction publique communautaire, deux types de recours s’imposent au regard de l’intérêt à agir : le recours en annulation classique et le recours en indemnisation.

RECOURS EN ANNULATION

Le fonctionnaire communautaire peut demander l’annulation d’un acte lui portant préjudice sur le fondement générique de l’article 14 de la Convention régissant la CJ CEMAC. Ce texte concerne « (…) toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt certain et légitime » dès lors qu’il estime ce texte est pris en de violation des dispositions des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions subséquentes. Une requête en annulation peut être fondée sur :

  • l’exception d’illégalité d’un Acte juridique d’un Etat membre ou d’un Organe de la C.E.M.A.C, que le juge peut censurer (article 14 Convention régissant la CJ-CEMAC). 

  • Le vice de forme, d’incompétence, de détournement de pouvoir ou de violation des règles de droit découlant de la présente Convention ou pris en application de celle-ci (article 15 de la Convention régissant la CJ CEMAC) 

V. ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20/11/2008, Affaire: MOKAMANEDE John
Wilfrid C/ Commission CEMAC : Annulation d’une décision du Conseil des ministres de l’UEAC excluant un fonctionnaire du corps des fonctionnaires de l’EIED, pour incompétence de ce Conseil.

RECOURS EN INDEMNISATION

Le fonctionnaire de la Communauté peut demander réparation d’un dommage issue de la relation de travail, au titre de l’article 20.

(Article 20 – La Chambre Judiciaire connaît, en dernier ressort, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les Organes et Institutions de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions(…) ».

    Le contentieux en responsabilité contractuelle devant le juge communautaire les mêmes conditions que celle qui existe devant le juge administratif.

Il convient de préciser que l’action en indemnisation évoquée ici se rapporte à celle qui émane d’un fonctionnaire communautaire contre une institution communautaire en réparation d’un dommage issue de la relation professionnelle. Une observation de la jurisprudence de la Cour rend compte de la combinaison des deux actions dans les requêtes émanant des fonctionnaires, la demande en annulation constituant la demande principale. Cependant, les actions en indemnisation en demande principale sont rares (V. en exemple, un arrêt dans lequel la demande n’a pas d’ailleurs prospérée (ARRÊT N°002/CJ/CEMACICJ/09 Du 27/03/2009, Affaire Enoch DERANT LAKOUE C/ BEAC un fonctionnaire conteste sa mise à la retraite alors qu’il atteint la limite d’âge, il demande réparation du préjudice de ce qu’il considère qu’il s’agit d’une révocation déguisée).


IV- CONDITIONS DE RECEVABILITE

  • LES RECLAMATIONS PREALABLES (RECOURS GRACIEUX)

Les conditions de recevabilité des requêtes dans le cadre du contentieux de la fonction publique communautaire sont précisées par l’article 119 du statut des fonctionnaires de la Communauté. Cet article impose, avant la saisine du juge, deux réclamations préalables :

1° La première, adressée au Comité Consultatif de Discipline qui doit, au sens de l’article 77 du statut des fonctionnaires de 2009, doit être créé dans chacune des institutions communautaires au sens large.

2° La seconde, adressée à l’autorité compétente selon le statut en vigueur dans l’Institution concerné (à la lecture de certains statuts, il s’agit de l’autorité hiérarchique) en cas de rejet partiel ou total, implicite ou explicite, de la réclamation adressée au Comité consultatif de discipline.

L’article 113 du statut des fonctionnaires de la Commission impose une procédure identique.

Ces recours gracieux ont été jugés par la CJ-CEMAC comme étant d’ordre public : ARRÊT N° 001/CJ/CEMAC/CJ/04 Du 18/03/2004 ; Affaire: GALBERT A. ETOUA C/ CEMAC, Défaut de saisine préalable du Comité consultatif de discipline : requête en annulation irrecevable), ARRET N°009/CJ/CEMAC/CJ/07 du 14 juin 2007. Affaire madame Jeanne Lucie LACOT C/ L’EIED, Saisine du sans saisine préalable de l’autorité hiérarchique : requête en annulation irrecevable.

JURISPRUDENCE CONTRAIRE : V. : ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/08 Du 20/11/2008, Affaire: MOKAMANEDE John Wilfrid C/ Commission CEMAC, Recours gracieux impossible du fait même de l’autorité hiérarchique : requête en annulation recevable). 

  • LE DELAI DE RECOURS

Article 119 du statut des fonctionnaires de la Communauté/L’article 110 du Statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif.

La saisine du juge dans le cadre du contentieux de la fonction publique communautaire s’effectue dans un délai de (3) trois mois à compter :

  • de la date de publication de la décision prise dans le cadre du recours préalable adressé à l’autorité compétente ou ;

  • de la date de sa notification au fonctionnaire ou ;

  • du jour où l’intéressée en a eu connaissance ;

  • ou de la date d’expiration du délai de réponse attendue de l’autorité compétence lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet.

NB/ Ce délai de trois mois est propre au contentieux de la fonction publique communautaire. En principe, le délai de recevabilité des recours contre un acte est de deux mois (V. L’article 12 de l’acte additionnel portant règles de procédure de La chambre judiciaire : « le délai de recours contre les actes est de deux (2) mois, sauf s'il en est décidé autrement par des textes communautaires spéciaux ».

Le respect du délai de 3 mois constitue également une condition d’ordre public : V. Arrêt n° 004/CJ/CEMAC/CJ/07 du 22 mars 2007 AFF. DIEUDONNE NANG EKO ET AUTRES C/ INSTITUT SOUS REGIONAL MULTISECTORIEL DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE, DE PLANIFICATION ET D’EVALUATION DES PROJETS (ISTA). Recours en annulation des Statuts révisés de l’Ista, jugé irrecevable pour non observation du délai de 3 mois de l’article 113 du statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif).


V - L’OFFICE DU JUGE


Dans le cadre du contentieux en annulation

Le juge peut rejeter la demande, si l’illégalité n’est pas fondée. Dans le cas contraire, il prononce l’annulation de l’acte. Cette annulation a un effet rétroactif. Elle peut être totale ou partielle.

Selon une jurisprudence constante de la jurisprudence européenne que le juge de la CEMAC a repris à son compte sans sa pratique, le juge communautaire ne saurait donner des injonctions aux institutions communautaires, par, en ordonnant la mise en service d’un fonctionnaire de la Communauté, illégalement licencié. Il revient à l’Institution en cause de recréer les conditions antérieures du fonctionnaire qui a obtenu devant la Cour l’annulation d’un acte qui lui fait grief.

L'article 16 de la Convention régissant la CJ-CEMAC dispose qu'en cas de non exécution de l'arrêt de la Cour, « l'Etat membre ou l'organe dont l'acte a été jugé non conforme au droit communautaire est tenu de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt de la Chambre Judiciaire. En cas de refus de se conformer, tout Etat ou organe de la CEMAC en saisi la Conférence des Chefs d'Etats ».

Ceci peut constituer le point de départ d’un recours en manquement.

  • Dans le cadre du contentieux en indemnisation.

En principe, lorsque les conditions sont réunies, le juge prononce l’indemnisation du fonctionnaire pour faute de la Communauté. Mais, une observation de la jurisprudence de la Cour ne donne pas pour acquis cette condamnation. L’arrêt N° 02/CJ/CEMAC/CJ/06 du 30/11/2006, AFFAIRE MOKAMANEDE JOHN WILFRID C/ L'Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC (Recours en annulation de la Décision n° 072/CEMAC/EIED) est symptomatique à cet égard. Après avoir annulé la décision illégale qui rétrogradait le demandeur, la Cour n’a pas jugé bon de se prononcer sur sa demande en réparation, marquant cet arrêt d’un véritable déni de justice.


 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
01/06/2016 16:12

un article qui m'a enlevé la trouille de ma tête pour traiter ma fiche de TD.

2 Publié par Dr KAMWE
01/06/2016 16:16

A ce point?

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.