LE PEUPLE CAMEROUNAIS, FIER DE SA DIVERSITE LINGUISTIQUE … ET DE SA RECENTE LOI BILINGUISME

Publié le Modifié le 25/04/2020 Vu 2 897 fois 0
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La question du bilinguisme a fait partie des problématiques en débat pendant le Grand Dialogue National d'octobre 2019. En écho, la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun a été adoptée.

La question du bilinguisme a fait partie des problématiques en débat pendant le Grand Dialogue National d'oc

LE PEUPLE CAMEROUNAIS, FIER DE SA DIVERSITE LINGUISTIQUE … ET DE SA RECENTE LOI BILINGUISME

 

La question du bilinguisme a fait partie des problématiques en débat pendant le Grand Dialogue National ayant réuni les forces vives de l’Etat du Cameroun du 30 septembre au 4 octobre 2019. En écho, la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun a été adoptée. Appelée Loi Bilinguisme, elle est porteuse de belles promesses quant à la cohabitation usuelle du français et de l’anglais, à inscrire désormais dans l’effectivité. C’est une démonstration forte d’une volonté politique désormais acquise, qui devrait conforter au moins dans sa logique, le Décret n° 2017/013 du 23 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme.

L’article 1er alinéa 3 de la Constitution du Cameroun était déjà assez précis sur le statut des deux langues issues du mandat et de la tutelle Français et Anglaise respectivement. Il dispose précisément que « La République du Cameroun adopte l’anglais et le français comme langues officielles d’égale valeur. Elle garantit la promotion du bilinguisme sur toute l’étendue du territoire ». Que manquait-il à cet acquis constitutionnel pour justifier la loi du 24 décembre 2019 ?  On observa pourtant dans la pratique une prévalence de la langue française sur la langue anglaise, au grand désespoir des locuteurs de cette dernière langue, notamment devant le service public, mais aussi à leur préjudice. Pour une seule mais sensible illustration, de nombreux textes juridiques, et particulièrement les textes internationaux comme l’exemple des textes de l’OHADA en fit la révélation, n’étaient pas toujours traduits en anglais. Ainsi, à cet égard, la violation de la Constitution était-elle quasi institutionnelle.  

Il est donc déjà possible de relever que l’adoption de la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun est d’abord un grand mea culpa, accompagné d’un renouvellement des vœux contenus dans l’article 1er de la Constitution : «  l’Etat garantit l’égalité de l’anglais et du français dans l’ensemble du français et de l’anglais dans l’ensemble des secteurs de l’activité administrative, économique, sociale et politique » (article 8). Elle voudrait rafraichir l’obligation de l’Etat de garantir le respect de cette prescription par l’ensemble de ses entités à travers la République. Elle oblige également l’Etat à définir et à garantir les moyens à cette fin.

I – GARANTIE DU RESPECT DU BILINGUISME PAR L’ADMINISTRATION

Selon la loi en son article 7a, le bilinguisme doit être compris comme «  la pratique courante des deux langues officielles par les citoyens du Cameroun ». En tirant toutes les conclusions de l’article 3 sus cité, il faut réitérer que l’Etat et ses démembremen sont les premiers destinataires de la loi. A cet effet, on note son objet clairement défini par l’article 5 alinéa 1: «  La présente loi a pour objet d’assurer l’égalité de l’usage de l’anglais et du français dans les administrations publiques et organismes publics, et d’inciter les citoyens camerounais à s’exprimer en anglais et en français ». L’alinéa 2 est  une liste des cadres et hypothèses d’effectivité de cette prescription. Avant de les relever, on notera la volonté affichée par le législateur d’imposer une forme au moins harmonisée au cours de la mise en œuvre des supports du bilinguisme. Aucune langue ne devrait, par une apparence soit plus grande, soit plus avenante, gagner en supériorité.  

Ainsi donc, les expressions quotidiennes des administrations publiques doivent refléter l’«usage systématique » des deux langues, comme langues de travail. Devant ces instances, l’usager devrait pouvoir solliciter tout service en usant soit de l’anglais, soit du français, selon son choix. Il donc essentiel de noter que le choix de la langue d’expression entre l’administration et l’usager revient à ce dernier, lecture que conforte l’article 13 de la loi. L’administration s’impose, désormais «  la publication et la diffusion simultanées » des textes législatifs et règlementaires dans les deux langues, chacune faisant foi. Pour une généralisation de cette pratique, l’Etat devra promouvoir l’enseignement de ces deux langues à partir du système éducatif. Le bilinguisme a vocation à être généralisé dans toutes les adresses publiques. Les discours, tout comme les articles et dossiers de presse, seront donc pourvus dans les deux langues. De même, les enseignes, les logos, les pancartes, et les annonces émanant des entités publiques doivent être « produits » en anglais et en français.  

Déjà effective autrement, la loi rappelle l’établissement des actes d’état civil et d’identification tout comme les diplômes et autres attestations « dans les deux langues officielles ». On devrait tout de même revoir leur présentation physique actuelle afin d’assurer une égale présentation formelle des éléments traduits, à moins que la nouvelle loi invite désormais à délivrer à l’usager deux actes distincts, l’un en français, et le second en anglais.  

Enfin, On notera cette incursion dans le secteur privé avec l’article 10 qui confère indirectement des obligations aux producteurs, de présenter les informations contenues sur les produits manufacturés destinés au public dans les deux langues, en appelant l’Etat à s’assurer du respect de cette prescription. En réalité cette prescription en direction du privé est plutôt minimale, approche pouvant se justifier par la lourdeur des moyens de la généralisation du bilinguisme.      

II -  DEFINITION DES MOYENS DU BILINGUISME DE L’ADMINISTRATION

Par ricochet, le respect du bilinguisme par l’administration selon les approches définies par la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun devrait activer un processus d’apprentissage informel des deux langues par les populations. Mais, les moyens concrets les plus forts de l’effectivité de cette loi sont ceux de l’article 12, et spécialement en ses troisième et quatrième tirets : le renforcement des capacités des agents publics en français et en anglais et l’incitation à la pratique du bilinguisme, certainement par tous. De manière pratique, la garantie du bilinguisme passera par l’obligation de traduction, d’interprétariat et d’enseignement des langues, selon les cas.   

Le législateur aurait dû prévoir une obligation générale de production des documents administratifs à la fois en anglais et en français. Mais ceci ne concerne que les textes législatifs et règlementaires. Autrement, les moyens de la garantie du bilinguisme par l’Etat sont plutôt contextualisés.

Au cours des débats oraux dans les « organes constitutionnels », le législateur exige l’interprétation des propos d’une langue à l’autre. Mais, la transcription documentaire finale sera faite dans la langue du locuteur. Au cours des travaux s’appuyant sur une documentation écrite, ceux-ci doivent être servis dans les deux langues officielles par le moyen de la traduction.  On le voit, des infrastructures nouvelles et multiples tout comme des ressources humaines en traduction et en interprétariat seront nécessaires. Ainsi, l’article 25 de la loi exige-t-il que les collectivités territoriales disposent d’une structure de traduction et d’interprétation.

 La traduction comme l’interprétation semblent être réservées aux débats et travaux dans les « organes constitutionnels » et des collectivités territoriales décentralisées, au sens des articles 22, 23 et 25 de la loi. Il faudra encore préciser ces organes car devant les juridictions, le législateur est resté minimal. Chacun devra s’efforcer personnellement à accéder à la langue de l’autre. L’article 26 prévoit en effet que « l’anglais et le français sont indifféremment utilisées devant les juridictions de droit commun et spéciales ». On notera cependant que les décisions de justice seront rendues dans la « langue de préférence » du justiciable. On aurait pu cependant obliger à une traduction de la décision dans « la langue de préférence » de toutes les parties, ce qui en faciliterait par ailleurs les procédures d’exécution.  

En tout état de cause, la loi n° 2019/019 du 24 décembre 2019 portant promotion des langues officielles au Cameroun marque la volonté de l’Etat à prendre en compte effectivement les deux langues officielles dans le service public, centralisé et décentralisé. Ses structures et ses démembrements devront en synthèse satisfaire aux sollicitations des usagers, qu’elles soient présentées en anglais ou en français. Si on reconsidère l’environnement social qui a justifié cette loi, les prochaines étapes réglementaires devront avoir pour objet de définir un cadre légal pour un bilinguisme effectif des Administrés. Le but n’est pas d’être servi, mais d’être servi avec satisfaction.

 Ainsi, les activités de la Journée nationale du bilinguisme désormais instituée par l’article 12 in fine devraient-elles favoriser à terme l’appropriation citoyenne de cette nouvelle donne sociale. Cependant, comment amener les Camerounais à devenir tous locuteurs de leurs deux langues officielles ? La loi de 2019 contient deux ébauches à cet égard. La première est manifestement déficitaire en volontarisme. Prévue à l’article 4, il s’agit des « encouragements » de l’Etat envers les entités privées, les organisations patronales et syndicales, les organisations de la société civile et les organisations bénévoles pour la promotion des langues officielles. La seconde part contre, mérite d’être soutenue : il s’agit de la promotion de l’enseignement à la fois de l’anglais et du français à partir du système éducatif de l’article 5. Reste à trouver un moyen accessible aux populations hors du circuit scolaire et universitaire.

 

 

 

 

 

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