Alors qu’autrefois, les affaires de diffamation prenaient naissance au détour d’une rue, en sortant d’un commerce ou encore au café du coin, le développement d’internet et des réseaux sociaux a littéralement bouleversé les méthodes de communication.
Exemple des plateformes d’avis sur internet (Google MyBusiness, TripAdvisor…)
Le développement des plateformes d’avis sur internet permet aujourd’hui à n’importe qui de pouvoir s’exprimer sur la qualité d’une prestation, sur son ressenti à l’égard d’un professionnel et toute la question réside dans la subtile nuance entre le droit à la libre critique (CA, Paris, Pôle 1, chambre 2, 21 Novembre 2013, n° 12/23396) et l’abus de liberté d’expression.
Les affaires sont légion et la jurisprudence abondante, notamment en ce qui concerne les avis formulés sur la plateforme « Google My Business » qui permet aux professionnels de mettre en avant les avis de leurs clients, et même de pouvoir y répondre.
Néanmoins, et cela est assez fréquent, un professionnel ne saurait attaquer tous les auteurs de commentaires déplaisants en diffamation ou dénigrement.
Il a ainsi pu être retenu que, pour déplaisantes que lui apparaissent les informations publiées ou les commentaires postés dans les avis, les propos tenus à l'égard d’un commerçant ne sont pas insultants, ni ne comportent d'allégations mensongères, de sorte qu’aucune action n’est possible (CA, Paris, Pôle 1, chambre 8, 22 mars 2019, n° 18/17204).
En l’espèce, un des commentaires litigieux était le suivant :
Homme désagréable, hautain, antipathique, pas à l'écoute ni disponible pour le patient, il donne l'impression qu'il a qu'une envie c'est qu'on lui donne son argent et qu'on s'en aille, ça doit être un bon chirurgien mais aucune envie d'être opérer par un homme comme lui.
Un tel avis a été jugé comme procédant « à un constat relatif à la vie du site du professionnel » et donc ni diffamatoire, ni dénigrant.
S’agissant de l’action en dénigrement, basée sur l’article 1240 du Code civil posant le principe de la responsabilité civile délictuelle, la jurisprudence se montre particulièrement exigeante quant à la démonstration d’un préjudice subi.
En effet, des propos uniquement dénigrants qui n’emporterait aucune conséquence ne saurait trouver réparation.
En ce sens, la société de location qui expose qu’un seul locataire a relevé un commentaire négatif publié, auquel la société n’a pas répondu, et qui ne démontre pas l’existence d’un préjudice financier à la suite de cet avis, n’est pas légitime à agir contre des propos dénigrants.
En revanche, le caractère diffamant d’un commentaire sera retenu lorsque la mauvaise foi de son auteur est indéniable.
Tel est le cas lorsqu’un « journaliste professionnel du voyage », « chroniqueur et informateur de la gastronomie du vin », qui prétend, sur le site TRIPADVISOR, qu’un restaurant étoilé a été fermé après la vente de l’établissement par son ancien propriétaire alors qu’il n’en est rien.
Le mis en cause ne pouvait pas ignorer que, du fait de son statut professionnel visible sur la page TRIPADVISOR, son commentaire était « de nature à porter atteinte à la position professionnelle de son exploitant et à attenter à l'idée que les autres ont pu se faire de la personne diffamée dont ils ont pu croire qu'elle avait cessé son activité » (CA Amiens, 1ère chambre civile, 13 Septembre 2018 – n° 17/00340).
Exemples sur les différents réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, Instagram…)
Constitue par exemple une diffamation publique envers un particulier le fait d’avoir publié sur Facebook un cliché présentant un individu faisant un salut nazi en identifiant un autre individu sans que la confusion entre les deux ne soit possible (Cass. Crim. 7 Janvier 2020, n° 19-80.377.)
Constitue encore une diffamation à l’égard d’une société le fait de publier sur LinkedIn un article à charge contre ladite société intitulé « La machine à pourriture » (CA Lyon, 8ème Chambre, 18 décembre 2018, n° 18/01859)
Enfin, ne constitue pas un jugement de valeur mais bien une diffamation le fait de publier sur Instagram une version déformée de la photographie d’un artiste islandais, dont les poursuites pour viol ont été abandonnées, accompagnée de la mention « va te faire foutre, sale violeur » (CEDH, 2ème section, 7 Novembre 2017, n° 24703/15)
Quelle juridiction saisir ?
En effet, aux termes de l’article R211-3-26, 13°, le tribunal judiciaire a compétence exclusive pour les actions civiles pour diffamation ou injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites, quel que soit le montant de la valeur en litige.
A l’inverse, l’action en dénigrement sera tantôt reçue par le tribunal de proximité, lorsque la valeur en litige ne dépasse pas 10 000 €, tantôt par le tribunal judiciaire au-delà de 10 000 €.
Enfin, la dénonciation calomnieuse étant un délit pénal, il appartiendra au tribunal correctionnel de juger d’une telle infraction.
Il conviendra donc de saisir la bonne juridiction afin d’éviter de se voir opposer une exception d’incompétence qui mettrait un terme à l’action.
Je suis disposé à vous accompagner dans de telles procédures en demande et en défense.