Le manquement du banquier prêteur à ses obligations et la déchéance du droit aux intérêts

Publié le 22/07/2021 Vu 3 950 fois 0
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Il est indéniable que l’accès aux crédits est facilité en France et en Europe depuis ces dernières années et il est aujourd’hui possible de se voir accorder un prêt en quelques minutes.

Il est indéniable que l’accès aux crédits est facilité en France et en Europe depuis ces dernières annÃ

Le manquement du banquier prêteur à ses obligations et la déchéance du droit aux intérêts

Cette simplicité ne signifie pas pour autant que le consommateur doit relâcher sa vigilance concernant ses obligations de remboursement, mais également sur les obligations du banquier dont le manquement peut lui être favorable.

D’après la Banque de France, au cours du premier trimestre 2021, les encours de crédit à la consommation aux particuliers ont atteint un montant total de 190 milliards d’euros, ce chiffre étant en augmentation chaque année (Statistiques Banque de France Crédit à la consommation 2021T1).

Dans le même temps, l’association de consommateurs UFC QUE CHOISIR alertait en fin d’année 2020 sur le niveau d’endettement croissant des ménages français et ce chiffre de 12 milliards d’euros qui pourrait représenter le montant des crédits impayés en 2021. Principal responsable d’après l’association, le manquement de certains établissements bancaires dans leur publicité, leur devoir de vigilance et d’information.

En effet, le banquier qui accorde un crédit est tenu d’un devoir d’information et de mise en garde à l’égard de son client, en particulier lorsque celui-ci est un consommateur.

Le devoir d’information est régi par l’article L313-11 du Code de la consommation qui prévoit que:

Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit gratuitement à l'emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière.

Parmi ces informations figurent notamment une fiche d’information standardisée européenne, les principales caractéristiques des produits proposés, les effets de ceux-ci, y compris les conséquences en cas défaut de paiement, ou encore la possibilité de résiliation accompagnant les accessoires du crédit.

Toute cette documentation doit être obligatoirement fournie à l’emprunteur avant toute souscription du contrat de prêt.

Le devoir de mise en garde est, quant à lui, instauré par l’article L313-12 du Code de la consommation :

Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l'emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui.

L’article L313-16 du Code de la consommation ajoute encore qu’avant de conclure le contrat de crédit :

Le prêteur procède à une étude vigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette évaluation prend en compte de manière appropriée les facteurs pertinents permettant d'apprécier la capacité de l'emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit.

Le banquier, avant de dispenser un crédit, doit donc s’assurer que l’emprunteur pourra est en capacité financière d’assumer un tel encourt.

Pour s’en assurer, il doit procéder à une « étude vigoureuse » du profil de son client et le mettre en garde sur les risques apparents compte tenu de sa situation personnelle.

La transposition de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 en droit français est par ailleurs venu effacer la distinction qui existait auparavant entre les consommateurs avertis et non avertis.

Dorénavant, la banque ne saurait justifier son défaut de mise en garde au motif que son client possédait, ou semblait posséder, les compétences pour être conscients des risques liés à la souscription d’un prêt.

Il est en outre établi de manière constante que l’établissement bancaire doit baser son analyse des capacités de l’emprunteur « à la date de conclusion du contrat » (Cass. Ch. Mixte, 29 juin 2007, n° 05-21.104).

Le client emprunteur dispose enfin d’une faculté de rétraction dans un délai de 14 jours à compter de la conclusion du contrat de prêt (article L312-19 du Code de la consommation).

A cet effet, le prêteur doit obligatoirement remettre à l’emprunteur « un formulaire détachable joint à son exemplaire du contrat de crédit » aussi appelé bordereau de rétractation (article L312-21 du Code de la consommation).

En terme de sanction, l’établissement bancaire qui aurait manqué à l’une des obligations précitées, se voit déchu de son droit aux intérêts, aux termes de l’article L341-27 du Code de la consommation, dans la limite de 30 % du montant total des intérêts et plafonné à 30 000 €.

La sanction est encore plus lourde lorsque le banquier n’a pas réalisé l’étude de solvabilité de son client puisque la déchéance des intérêts dus à la banque peut être, sur décision souveraine du juge, partielle ou totale sans plafonnement.

La jurisprudence est à cet égard particulièrement sévère puisqu’elle impose à l’établissement bancaire d’apporter la preuve qu’il a bien rempli ses obligations d’information et de mise en garde en cas de contestation du client.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation va même très loin puisqu’elle estime que « la signature de l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnait que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation ne constitue qu’un indice » et non pas une preuve (Civ. 1ère 21 octobre 2020, n° 19-18.971).

Dans le même sens, il appartient également à la banque de prouver le respect de son obligation de mise en garde (Cass. Com. 11 décembre 2007, n° 03-20.747).

Autant dire que la preuve que doit rapporter la banque est une véritable probatio diabolica, la preuve du diable, ou plus simplement une preuve très souvent impossible à rapporter qui peut faire économiser plusieurs milliers d’euros aux emprunteurs.

 

Je me tiens à votre disposition pour étudier tout contrat de prêt litigieux, et vous assister dans le cadre d’une éventuelle procédure.

 

Mathieu WEYGAND,
Avocat



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