Cette responsabilité est d’autant plus importante lorsque la société se retrouve sous le coup d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Le principe de la responsabilité au sein d’une société
Selon l’INSEE, en 2021, près de 280.000 nouvelles sociétés ont été créées, dont parmi elles 65 % de sociétés par actions simplifiée (SAS/SASU) et 28 % de sociétés à responsabilité limitée (SARL).
Ainsi, 93 % des nouvelles structures offrent une « protection » aux associés qui se limitent à leurs apports en capital.
Autrement dit, en principe, les associés d’une société ne peuvent pas perdre plus que ce qu’ils ont apporté à la société en cas de faillite (l’éventuel cautionnement mis à part).
Du côté des dirigeants, qu’il s’agisse d’une SAS ou d’une SARL, leur responsabilité est plus importante puisqu’elle peut être engagée en cas :
- De violation des statuts de la société ;
- D’infraction aux dispositions légales imposées aux sociétés ;
- De faute de gestion.
La responsabilité du dirigeant de la société peut donc être engagée à plusieurs égards : par la société elle-même, par l’intermédiaire des associés, mais aussi par les tiers (partenaires commerciaux, clients, concurrent) et le ministère public (en cas d’infraction pénale).
Encore, la responsabilité du dirigeant peut être également recherchée par les organes de la procédure collective lorsqu’il s’avère qu’il a commis des fautes de gestion et que son comportement peu diligent – voire parfois malhonnête – a conduit la société à un état de cessation des paiements.
Les fautes de gestion du dirigeant d’entreprise en difficulté
La notion de faute de gestion n’est pas définie par la loi et est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.
De manière générale, on pourra considérer que constitue une faute de gestion tout manquement du dirigeant à l’une de ses obligations légales qui ont conduit à une aggravation du passif de la société.
Alors que le dirigeant peut voir sa responsabilité engagée pour de tels manquements, des sanctions particulières sont prévues par le Livre VI du Code de commerce lorsque ses errances ont conduit la société à se retrouver en état de cessation des paiements.
Pour mémoire, l’état de cessation des paiements est caractérisé par l’impossibilité pour une société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, situation très souvent provoquée par un manque d’expérience et de réactivité du chef d’entreprise.
Parmi les fautes les plus fréquentes on retrouve la déclaration tardive de l’état de cessation des paiements et le défaut de comptabilité.
En effet, l’état de cessation des paiements doit être déclaré à la juridiction commerciale moins de 45 jours avant sa survenance et la tenue d’une comptabilité régulière est une obligation pour toute société.
L’engagement de ressources nettement supérieures aux capacités de l’entreprise, un taux d’endettement excessif, la poursuite d’une activité déficitaire ou le non-paiement des salaires ou des cotisations sociales font partie des autres fautes de gestion qui sont régulièrement relevées dans le cadre d’une procédure collective.
Enfin, des sanctions pénales spécifiques aux procédures collectives sont prévues pour les fautes de gestion les plus graves et sont énumérées à l’article L. 654-2 du Code de commerce sous la qualification de banqueroute.
De telles fautes sont passible d’une peine d’emprisonnent de 5 ans et de 75.000 € d’amende, voire jusqu’à 7 ans et 100.000 € d’amende lorsque l’auteur ou le complice de la banqueroute est une société prestataire de service d’investissement.
Des peines complémentaires sont également prévues aux articles L. 654-5 et L. 654-6 du Code de commerce.
Les sanctions du dirigeant coupable de fautes de gestion
De manière systématique, les organes de la procédure collective vont spontanément signaler au ministère public les fautes de gestion du dirigeant lorsque celles-ci ont conduit à l’aggravation du passif de la société.
En ce sens, le régime de la responsabilité est comparable au régime commun puisqu’il faudra démontrer un lien de causalité entre la faute du dirigeant, fait générateur de la responsabilité, et l’aggravation du passif, qui est le préjudice.
Une fois le lien de causalité démontré, la responsabilité du dirigeant peut être recherchée pour cause d’insuffisance d’actifs.
Les sanctions civiles, prévues aux articles L651-1 à L653-11 du Code du commerce, sont variables selon le nombre et la gravité des fautes reprochées au dirigeant.
D’une part, le dirigeant peut être interdit de gérer toute société pendant une durée pouvant atteindre quinze ans (article L653-11).
Il est important de noter que cette interdiction concerne la gestion, en droit ou en fait de toute société, mais également l’exercice d’une activité sous la forme d’une micro-entreprise / auto-entrepreneur.
D’autre part, cette sanction peut s’accompagner d’une obligation du dirigeant à combler le passif de la société sur ses deniers propres, c’est-à-dire rembourser les dettes avec ses propres fonds.
Néanmoins, la loi Macron du 6 août 2015 assouplit le régime de sanctions du dirigeant en précisant que l’interdiction de gérer ne peut être prononcée contre le dirigeant que s’il a « sciemment » commis des fautes de gestion.
Dans une décision récente rendue par le Tribunal de commerce d’Angers (TC ANGERS, 17 mai 2022, RG 2021 002871 et 2021 00338), notre Cabinet est parvenu à faire échapper le dirigeant d’une entreprise à une action du liquidateur judiciaire en comblement d’un passif supérieur à 150.000 €, et ce alors même que le Tribunal relevait que le dirigeant « a fait preuve de beaucoup de légèreté et de négligence dans la gestion de sa société ».
Malgré ces négligences, nous sommes parvenus à démontrer la bonne foi du dirigeant qui n’a jamais exprimé de « volonté de s’enrichir ou de tricher ».
En effet, depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016, l’article L651-2 du Code de commerce prévoit :
En cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
Le liquidateur a donc été débouté de sa demande, et le dirigeant n’aura pas à combler, sur ses deniers personnels, le passif de son ancienne société.
Nous nous tenons à votre disposition pour vous accompagner dans la défense de vos intérêts ou ceux de votre entreprise dans toute procédure similaire.
Noui LECHEHEB,
Juriste titulaire du CAPA