EXECUTION IMMEDIATE DES ARRETS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE CONGOLAISE

Publié le Modifié le 24/09/2021 Vu 4 330 fois 0
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Les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle s’exécutent dès leur prononcé par cette haute juridiction. A cet effet, ils sont opposables à tous. Aucune autre formalité n’est exigée pour qu’ils soient opposables à tous.

Les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle s’exécutent dès leur prononcé par cette haute juridictio

EXECUTION IMMEDIATE DES ARRETS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE CONGOLAISE

LE CARACTERE ERGA OMNES DES ARRETS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE  ET LEUR EXECUTION IMMEDIATE : cas de l’arrêt en réhabilitation du Gouverneur de l’Equateur

 

En date du 18 août 2021, son Excellence  BOBO BOLOKO BOLUMBU, Gouverneur de la Province de l’Equateur a été réhabilité par la Cour constitutionnelle qui, a déclaré inconstitutionnelle la résolution votée en date du 06 juillet 2021 où il a été déchu par treize députés provinciaux sur les vingt un que compte l’organe délibérant de l’Equateur.

D’après certains ténors de la politique équatorienne, majoritairement dominés du camp du G13 de l’Assemblée Provinciale, le Gouverneur ne peut assumer ses fonctions de l’autorité exécutive qu’après la notification par la Cour constitutionnelle de cet  arrêt. Ceci a été maladroitement soutenu par l’agent causal de la motion, en l’occurrence l’Honorable Jean-Pierre ILOKO ENGOMBELE qui a soutenu dans une des radios locales que, jusqu’à ce jour, cet arrêt n’existe pas car l’Assemblée Provinciale n’a pas été notifiée, et que le Chef de l’exécutif provincial ne peut poser aucun acte au sein des banques dans les comptes ouverts au nom de la Province.

Ainsi, la question de l’exécution des décisions de la Cour constitutionnelle est résolue par l’article 168 de la Constitution qui dispose que « les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoire. Ils sont obligatoires et s’imposent au pouvoir publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles, militaire ainsi qu’aux particuliers. Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ». Cette disposition constitutionnelle est renforcée par l’article 95 alinéa 2 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation de la Cour constitutionnelle ainsi que l’article 94 de la même loi qui prône que les arrêts de cette juridiction sont immédiatement exécutoire et le Procureur en poursuit l’exécution.

L’économie de l’article 168 de la Constitution congolaise entend dégager le sens exact de ladite disposition : pas de recours contre les arrêts de la Cour constitutionnelle et l’autorité de la chose jugée attachée (une autorité absolue de chose jugée avec effet erga omnes) (RENAUX, Le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs, répertoire Dalloz du contentieux administratif, Paris, Dalloz, 1991).

1. Insusceptibilité de recours

Ceci ne fait pas l’objet de notre analyse car la disposition basique sus-évoquée indique clairement que les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.

2. L’exécution obligatoire, immédiate et l’opposabilité à tous (erga omnes)

Le fait pour les arrêts de la Cour constitutionnelle d’être insusceptibles de tout recours implique leur caractère exécutoire, et ce, obligatoirement et immédiatement. Ce qui a également comme conséquence logique, qu’ils soient obligatoires et qu’ils s’imposent non seulement aux pouvoirs publics mais aussi qu’à toutes autorités publiques et les particuliers (Genèse BIBI EKOMENE et RENIA BINAKI BAMANANGA, Article 168 de la Constitution de la RDC du 18/02/2006, in www.creeda-rdc.org).

Les particuliers auxquels les arrêts de la Cour sont également obligatoires et imposables sont toutes personnes physique ou morale, comme la société, les ASBL ou ONG, Banque commerciale… de droit congolais ou étranger.

Le Professeur Dieudonné KABULA DIBWA , actuel Président de la Cour Constitutionnelle précise que l’exécution se déroule à l’égard des parties au procès constitutionnel avant d’examiner les mêmes effets à l’égard des tiers et des pouvoirs publics (Dieudonné KALUBA DIBWA, Du contentieux en RDC : contribution à l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice constitutionnelle, Thèse de doctorat en droit, UNIKIN, 2021, in www.mémoireonline.com).

Comme on peut l’observer, les caractères obligatoires et imposables  vont de pair. En ce sens, un acte obligatoire est celui qui s’impose aux sujets de droit. Il les lie et les oblige à adopter des comportements qui lui soient conformes, nous précisent Genèse BIBI et Renia BINAKI.

Il faut souligner ici que, cette obligation ou ce qui est ainsi rendu obligatoire est le contenu du dispositif de l’arrêt ou acte de justice, qui prescrit une formalité ou un devoir à accomplir ou encore prescrit un comportement.

Par ailleurs, en disposant que les arrêts de la Cour constitutionnelle sont obligatoires et s’imposent à toutes les catégories précitées, la Constitution ainsi que la loi organique précitée enjoignent sans atermoient les destinateurs (parties au procès) de ces décisions à observer des attitudes, à poser certains actes ou à s’abstenir d’agir selon le cas, pour donner effet à cette décision (Genèse BIBI et Renia BINAKI, Op.cit.).

En clair, acune personne ne peut y échapper, moins encore s’y opposer, en alléguant ses sentiments, ses opinions, ses considérations politiques ou personnes et/ou partisanes pour s’y soustraire, ni même obstruer ou entraver son exécution. Ce caractère obligatoire implique l’OPPOSABILITE des arrêts de la Cour constitutionnelle à tous et montre qu’ils sont CONTRAIGNANTS.

De tout le moins, à l’égard des parties à l’instance de constitutionnalité, il est plus que patent que l’arrêt a effectivement autorité immédiate de chose jugée. En effet, dès le prononcé, l’ARRET EST EXECUTOIRE SANS AUTRES FORMALITES (Dieudonné KALUBA DIBWA, Op.cit.).

D’après Joseph CIHUNDA HONGELELA, Docteur à l’UNIKIN et Chercheur au Centre de Recherche et d’Etudes sur l’Etat de droit en Afrique (CREEDA), les arrêts de la Cour constitutionnelle sont revêtus d’une autorité suivant la volonté du constituant du 18 février 2006. Cette autorité a été absolue car aucun recours substantiel n’est autorisé contre les arrêts de cette juridiction. Il s’agit là de la présomption de l’infaillibilité du juge constitutionnel (Joseph CIHUANDA HONGELELA, Fondements de l’autorité des arrêts de la Cour constitutionnelle de la RDC, 2017).

3. L’exécution immédiate de l’arrêt de la Cour constitutionnelle par l’Assemblée Provinciale de l’Equateur

 Genèse BIBI et Renia BINAKI soulignent sans errer ci et là qu’en tant qu’autorités publiques, les décisions de la Cour constitutionnelle sont opposables et elles doivent les exécuter immédiatement dès leur prononcé.

A cet effet, dans une interview de la radio okapi qui date du 18 août 2021, le Président de l’Assemblée Provinciale avait souligné que « ….on le confirme, la Cour vient de le réhabiliter dans ses fonctions. Et c’est la haute Cour, nous n’avons pas à faire des commentaires, nous nous inclinons à la décision de la haute Cour » (Claude BUKA LOMPULO, propos recueillis par la radio okapi à 15h02’, in www.radiokapi.net).

Pour ainsi dire que, l’Assemblée Provinciale de l’Equateur n’a pas a demandé à la Cour de lui notifier l’arrêt rendu dans l’instance qui a réhabilité le Gouverneur de l’Equateur car cette décision s’exécute dès le prononcé et est opposable à tous.

Aucune autorité ni banque commerciale ne peut demander au Gouverneur réhabilité de produire un arrêt et/ou que ce dernier lui soit notifié avant d’en prendre acte, ceci est une aberration coupable et tronquée.

4. Conclusion

Les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle s’exécutent dès leur prononcé par cette haute juridiction. A cet effet, ils sont opposables à tous (parties au procès, pouvoirs publics et les particuliers). Aucune autre formalité n’est exigée pour qu’ils soient opposables à tous. C’est le cas de l’arrêt qui avait réhabilité le 18 août 2021, le Gouverneur de l’Equateur après qu’il ait été visé par une motion de défiance.

Cette décision judiciaire a produit ses effets et a replacé le Gouverneur dans ses fonctions à la même seconde ou minute de son prononcé. Aucune personne ou autorité publique ne peut s’y opposer ni demander au bénéficiaire de l’arrêt de produire un acte de réhabilitation.

L’argumentaire imprimé par l’Honorable Jean-Pierre ILOKO ENGOMBELE, initiateur de la motion précipitée et dont la procédure a été non conforme à la Constitution n’a aucun soubassement juridique où il demande au Gouverneur de produire un acte lui réhabilitant.

5. Notes bibliographiques

-       Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour.

-       Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation de la Cour constitutionnelle.

-       BIBI EKOMENE (G.) et BINAKI BAMANANGA (R.), Article 168 de la Constitution de la RDC du 18/02/2006, in www.creeda-rdc.org

-        BUKA LOMPULO (C.), propos recueillis par la radio okapi le 18 août 2021 à 15h02’, in www.radiokapi.net

-       CIHUANDA HONGELELA (J.), Fondements de l’autorité des arrêts de la Cour constitutionnelle de la RDC, 2017.

-       KALUBA DIBWA (D.), Du contentieux en RDC : contribution à l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice constitutionnelle, Thèse de doctorat en droit, UNIKIN, 2021, in www.mémoireonline.com

-       RENAUX, Le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs, répertoire Dalloz du contentieux administratif, Paris, Dalloz, 199.

 

Me MBOKOLO ELIMA Edmond

Chercheur en droit à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa (3ème cycle)

Assistant de 2ème mandat à la Fac de Droit de l’Université de Mbandaka

Avocat au Barreau de l’Equateur

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A propos de l'auteur
Blog de MBOKOLO ELIMA Edmond

MBOKOLO ELIMA Edmond, nommé Magistrat au grade de Substitut du Procureur de la République par l'Ordonnance présidentielle n°23/071 du 06 juin 2023.

Ancien Avocat au Barreau de l'Equateur (Cabinet Bâtonnier Philippe BOSEMBE IS'ENKANGA et Cabinet KALALA & USENI Kinshasa/Gombe), Enseignant à la Faculté de Droit de l'Université de Mbandaka et Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa.

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