L'inobservaance du SMIG et ses conséquences pénales en droit congolais.
I. Contexte
Le droit au travail et à une rémunération satisfaisante, juste et équitable, est une garantie reconnue à tout citoyen. Il constitue un droit fondamental (droit de l'homme), imposé aux États, en l'occurrence la République Démocratique du Congo, à travers les instruments juridiques internationaux et nationaux, notamment: la Déclaration universelle de droit de l'homme du 10 décembre 1948 en son article 23, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 en son article 7, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples en son article 15, le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la famille en Afrique (Protocole de Maputo) du 11 juillet 2003 en son article 13.b, la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, spécialement en son article 36, etc.
Aux termes de ces dispositions, le travailleur a droit à une rémunération équitable et satisfaisante assurant pour lui et sa famille, une existence conforme *à la dignité humaine.*
Dans cette optique, pour assurer au travailleur une rémunération équitable, l'article 87 du Code du travail permet au Gouvernement, à travers le Chef du Gouvernement, Premier Ministre (cette disposition parle du décret du Président de la République, alors que la Constitution actuelle reconnaît la prise de cet acte au Premier Ministre), de fixer les salaires minima interprofessionnels garantis ainsi que les allocations familiales et l'indemnité au logement.
C'est ainsi que, tout employeur qui rémunère ses employés, un salaire non prévu par le SMIG, leur soumet à des conditions inhumaines, considérées comme une traite des personnes conformément à la loi n°22/067 du 26 décembre 2022 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais, en matière de prévention et de la répression de la traite des personnes, tout en y érigeant cet acte à une infraction et lourdement réprimé.
II. Le salaire minimum interprofessionnel garanti
Prévu à l'article 87 du code du travail, le SMIG est un salaire que tout travailleur doit bénéficier par jour de prestation, lequel doit assurer sa survie et celle de sa famille.
En droit congolais, le SMIG ainsi que les allocations familiales et la contre-valeur du logement sont fixés par le décret n°25/22 du 30 mai 2025, qui a abrogé le décret n°18/017 du 22 mai 2018 ainsi que nombreuses autres dispositions contraire au décret sous examen.
D'après l'article 2 dudit décret, le taux du SMIG est fixé à 21.500 FC pour un travailleur manoeuvre ordinaire.
Ce taux journalier suivant l'annexe du décret sous revue, passe à 28.595 FC pour un manoeuvre spécialisé, 33.110 FC pour un semi qualifié, 55.255 FC pour le qualifié, 68.155 FC pour le travailleur hautement qualifié, 78.690 FC pour la catégorie de la maîtrise et 139.965 FC pour les cadres de direction (les taux varient suivant les échelons et la tension pour chaque catégorie professionnelle).
Suivant l'article 3 du décret sus-évoqué, le SMIG doit se payer comme suit : à partir de la paie du mois de mai 2025 : 14.500 FC et 21.500 FC à partir du 1er janvier 2026.
Nota bene : Pour avoir un salaire mensuel, il faut faire par exemple pour un travailleur qui preste pendant 26 jours (14.500 FC x 26), pour un travailleur qui preste pendant 30 jours (ex. Sentinelle, il faut faire 14.500 FC x30).
Les article 5 à 8 du même décret, prévoient le paiement des allocations familiales ainsi que la contre valeur du logement. Mais, il faut noter qu'en droit du travail, un employé logé par son employeur, n'a pas droit à cette contre valeur, mais benefiie bien de ses allocations familiales.
FC (francs congolais).
III. La répression de l'inobservance du SMIG
Comme nous l'avons rappelé ci-dessous, les textes juridiques internationaux et nationaux prônent pour un salaire juste, équitable et satisfaisant, matérialisant ainsi une condition de vie humaine pour l'employé et sa famille. Ceci s'inscrit dans le cadre du respect et la protection de la personne humaine, comme l'indique bien l'exposé des motifs de la loi n°22/067 du 26 décembre 2022.
C'est dans cette perspective que dans ce souci de réprimer les actes qui portent atteinte au caractère sacré de la personne humaine, l'arsenal juridique congolais réprime tout acte tendant à assurer au travailleur une rémunération manifestement incompatible à la dignité humaine.
L'article 68 septies, en son alinéa 1er du Code pénal, inséré par l'article 3 de la loi évoquée précédemment, punit d'une servitude pénale principale de 5 à 10 et d'une amende de 5.000.000 FC à 10.000.000 FC, tout employeur qui aura, par menace, violence ou par tout autre moyen de contrainte, soumis une personne à un travail sans rémunération ou en échange d'un salaire manifestement incompatible à la dignité humaine.
En d'autres termes, tout employeur qui rémunère un travailleur en-dessous de taux du SMIG analysé ci-haut, tombe dans le cas d'un salaire manifestement incompatible à la dignité humaine.
Dans le même ordre d'idées, l'alinéa 2em de la même disposition pénale incrimine tout employeur qui osera de soumettre un travailleur à des conditions de travail et/ou d'hébergement (logement) incompatibles à la dignité humaine. À ce propos, il subira une servitude pénale principale de 7 à 12 ans et une amende de 7.000.000 à 12.000.000 FC.
Il est loisible de signaler que, si le travailleur est une personne vulnérable telle que définie à l'alinéa 4em de cette disposition légale, la peine sera doublée de 10 à 20 ans. La peine de servitude pénale à perpétuité (peine à vue) sera appliquée, au cas où les conditions inhumaines provoquées par l'employeur ont entraîné la mort du travailleur.
Il sied de souligner que, s'il s'agit d'un employeur personne morale, ce sont le dirigeant social qui sera poursuivi du chef de ces incriminations. Mais, conformément à l'article 329 du codu du travail et 260 du CCCLIII, les employeurs sont civilement responsables du paiement des amendes prononcés à charge de leurs préposés, en ce qui concerne bien sûr les dommages et intérêts alloués aux victimes.
IV. Autorités chargées de constater ces infractions
1. En vertu des articles 196 et suivants du Code du travail, les contrôleurs et inspecteurs du travail, peuvent constater sur procès-verbaux à transmettre à l'Officier du Ministère Public, les infractions en rapport avec la législation du travail (Opj à compétence restreinte). Ce constat peut se faire lors d'une visite de travail (en vérifiant la feuille de paie, la fiche de paie de chaque travailleur, etc...) ou lors de la saisine de l'inspection du travail pour la réclamation du décompte final et autres droits.
2. Certains services étatiques qui sont chargés de percevoir les droits de l'Etat dûs au paiement des rémunérations, peuvent également constater. Il en est ainsi de la DGI (lors du paiement de l'impôt professionnel sur les rémunérations qui exige la fiche de paie ou lors du contrôle sur place ou encore sur pièces), la CNSS, l'INPP et l'INEM (pour le paiement des cotisations patronales).
3. L'Officier du Ministère public qui leur être saisi à travers une dénonciation des organisations patronales ou par plainte de la victime.
V. Juridiction compétente
Les tribunaux du travail étant dépourvu des compétences répressives (articles 15 à 24 de la loi n°016/2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du travail) à l'instar des tribunaux du commerce qui en sont pleinement compétents pour connaître les infractions relatives au droit économique, la compétence de juger les employeurs ayant commis les infractions sus-analysées est dévolue au Tribunal de Grande Instance (TGI) , au premier ressort et à la Cour d'appel au second degré.
VI. Conclusion
Pour l'application de la loi n°22/067 du 26 décembre 2022 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais en matière de prévention et de la répression de la traite des personnes ainsi que le décret n°25/22 du 30 mai 2025 portant fixation du SMIG, allocations familiales et la contre valeur du logement, les Inspecteurs et Contrôleurs du travail ainsi que les services étatiques précités, sont donc invités à diligenter les missions de contrôle à travers le Pays afin de constater si les travailleurs sont soumis au traitement inhumain en ce qui concerne leur rémunération ainsi que le logement afin d'en assurer une répression adéquate.
Magistrat Edmond Mbokolo Elima
Substitut du Procureur de la République au Parquet de Grande Instance de Kisangani
Enseignant-chercheur