Mise au point juridique : questions relatives à la liberté provisoire en droit procédural congolais.
Lors de l'émission « Droit pour tous » de la chaîne Digital Congo émettant depuis la Ville de Kinshasa avec comme thème « Quid de la liberté provisoire », diffusé et suivie depuis mon cabinet du travail, ce jeudi 03 février 2022 à 13h30, l'invité du jour, Me Roger Mombaya a évoqué certaines choses qui nous ont juridiquement excité d'y répondre éclairé l’opinion nationale et internationale.
Il s’agit de :
1/ Selon Me Roger Mombaya du Barreau de Matete, la liberté provisoire est accordée qu'à un inculpé (accusé mis en détention par le parquet).
Cette affirmation est non seulement fausse mais surtout non juridique car, en droit procédural congolais, la liberté provisoire est accordé soit à l'inculpé (au parquet ou au tribunal en chambre de conseil), soit encore dans la phase juridictionnelle (devant le juge saisi de l'affaire au fond).
Nombreux juristes ignorent l'article 85 alinéa 3 du code de procédure pénale, où en dehors l'accord de la liberté provisoire au parquet et au tribunal statuant en chambre de conseil, le juge statuant au fond du litige, peut accorder la liberté provisoire à une personne condamnée. Aux de cette disposition légale, tout en autorisant l'attestation immédiate, le tribunal peut ordonner que le condamné, sera néanmoins mis en liberté provisoire sous les mêmes conditions et charges que celles prévues à l'article 32 jusqu'au jour où le jugement aura acquis force de chose jugée (voy. art 85 al.3 CPP).
Donc, une personne condamnée peut bénéficier d'une liberté provisoire.
2/Parmi les textes législatifs cités par l'invité, il fait allusion au code pénal comme l'un des bases juridiques de la liberté provisoire.
A ce sujet, le code pénal examine en son livre premier, la question relative à la condamnation conditionnelle (condamnation avec sursis) et libération conditionnelle, qui sont diamétralement différentes d'une liberté provisoire, même si leur ration legis est que la personne poursuivie ou condamnée recouvre sa liberté de mouvement.
3/Selon l'invité, après une condamnation, la personne peut être mise en liberté uniquement si elle est malade.
Fausse affirmation car, hormis le cas évoqué à l'article 85 où la loi accorde une compétence au juge statuant au fond d'accorder la liberté provisoire dès le prononcé du jugement de condamnation, il n'y aucune autre possibilité, quel que soit le motif, d'accorder une liberté provisoire une personne condamnée et qui purge sa pleine, à moins qu'elle soit condamnée conditionnellement (avec sursis de l'exécution de la peine).
Cette dernière hypothèse ne peut être conçue que pour une libération conditionnelle par le Ministre de la justice pour les civils ou Ministre de la défense nationale pour les condamnés des juridictions militaires. Aussi, par la grâce présidentielle.
4/ A la question posée par la journaliste de savoir si la loi prévoit des infractions auxquelles les présumés auteurs ne peuvent bénéficier de la liberté provisoire, Me Roger cité : meurtre, assassinat, détournement, etc...
Fausse affirmation. Le code de procédure pénale, dans son chapitre qui examine la détention préventive et liberté provisoire, n'énumère pas les infractions dont les présumés auteurs peuvent ou pas bénéficier d'une liberté provisoire. Il s'agit ici de l'appréciation du magistrat instructeur relativement à la gravité des faits ou à la dangerosité de la personne qui poursuivie (une appréciation souveraine de l'OMP où jugé). Il suffit seulement de remplir les conditions prévues à l'article 32 CPP, et le reste c'est de l'appréciation du magistrat.
5/Me Roger soutient sans vergogne que le bénéficiaire d'une liberté provisoire ne peut pas quitter le pays.
Aucune loi dans ce pays ne soutient cette position purement sociologique car dans l'ordonnance de mise en liberté provisoire, le magistrat instructeur ou le juge détermine les impositions que doit se soumettre la personne bénéficiant de la liberté provisoire. Si l'ordonnance prévoit que ce bénéficiaire ne doit pas quitter le pays, là ça va, le cas contraire, la personne peut s'émouvoir sans inquiétude.
6/ Qui a la responsabilité de surveiller les bénéficiaires de la liberté provisoire ? Me Roger répond que c'est le Ministre de la justice et garde des sceaux.
A cette question, la position légale est claire et précise. C'est le Ministère Public qui surveille les bénéficiaires de la liberté provisoire.
- Le cas où la liberté provisoire est accordée par le parquet : le Ministère Public surveille le bénéficiaire d'une liberté provisoire.
Le Ministère Public peut réincarner l'inculpé qui manque aux charges qui lui ont été imposées (article 34 al1er CPP). Il peut de même retirer à l'inculpé le bénéfice de la liberté provisoire qu'il lui avait accordée, si des circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire (article 33 al3 CPP).
- Le cas où la liberté provisoire est accordée par la juridiction saisie de la poursuite : toujours le Ministère Public qui surveille le bénéficiaire d'une liberté provisoire.
Dans ce cas, c'est toujours le Ministère Public qui surveille le bénéficiaire de la liberté provisoire où il lui est reconnu les pouvoirs de réincarcérer le prévenu qui manque aux charges qui lui ont été imposées par la juridiction saisie de la poursuite (articles 47 al 1èr et 85 al 4 CPP).
Grosso modo, c'est le Ministère Public (le Parquet) qui a la responsabilité de surveiller non seulement les bénéficiaires de la liberté provisoire, mais aussi, tous les condamnés, inculpés, prévenus, les bénéficiaires du sursis, de la libération conditionnelle et de la grâce présidentielle.
Me Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur
Enseignant à l’Université de Mbandaka
Chercheur (DEA/DES) en droit à l’Université de Kinshasa