Par
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
INTRODUCTION
Depuis l’avènement de la loi n°16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°87-010 du 1èr août 1987 portant code de la famille ainsi que la loi n°009/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, spécialement à son article 48 qui interdit le mariage et fiançailles d’enfant, nombreux juristes pensent que, l’émancipation des mineurs pour le mariage est totalement supprimée, ce qui n’en est pas moins. Il s’agit même du vœux de l’exposé des motifs de la première loi précitée qui précise parmi les principales innovations de la révision de 2016, la suppression de l’émancipation automatique du mineur par l’effet du mariage, sans préjudice de l’émancipation judiciaire du mineur, à la demande motivée des parents ou, à défaut, du tuteur.
D’aucun n’ignore la différence qui existe entre mineur et majeur. Ce dernier est une personne ayant atteint l’âge de 18 ans révolus (la majorité civile pour poser les actes juridiques). Par contre, le mineur est toute personne n’ayant pas accompli l’âge de 18 ans, c’est-à-dire incapable d’exercer ses droits, notamment poser les actes juridiques.
Alors, est-il vrai que le nouveau code de la famille a définitivement supprimé l’émancipation des mineurs pour contracter le mariage ?
Vu l’abondance de la matière, la réponse à cette interrogation nous pousse dans un premier temps de définir ce que l’on attend par émancipation (1), ensuite parler de l’émancipation conformément au code de la famille congolais (2), et enfin, s’attarder sur l’émancipation des mineurs pour le mariage (3).
1. QUE PEUT-ON ENTENDRE PAR EMANCIPATION ?
Par émancipation on attend, un acte juridique qui permet à un mineur d’accomplir tous les actes de la vie civile qui nécessite normalement d’être majeur. Le mineur est ainsi assimilé à un majeur. En d’autres termes, l’émancipation est un acte qui met fin à l’incapacité du mineur. Le mineur émancipé devient ainsi majeur avant ses 18 ans. Il acquiert quasiment les mêmes droits que les adultes. Il est également soumis aux mêmes devoirs.
2. QUE PREVOIT LA LOI SUR L’EMANCIPATION DES MINEURS ?
L’émancipation est organisée aux articles 289 à 293 de la loi n°16/008 du 15 juillet 2019 modifiant et complétant la loi n°87-010 du 01 août 1987 portant code de la famille.
En effet, aux termes de l’article 289, « le mineur ayant atteint l’âge de quinze ans accomplis peut, dans son intérêt supérieur, être émancipé par le Tribunal pour enfants, sur requête présentée par ses père et mère ou, à leur défaut, par le tuteur. Dans cette dernière hypothèse, le conseil de famille est entendu ».
A en croire cette disposition légale, le mineur peut être émancipé pour quelque cause que ce soit, et généralement pour accomplir n’importe quel acte juridique qui est à la base de l’émancipation, dont notamment le contrat de mariage, de vente, du travail, etc….
Conséquemment, l’émancipation confère au mineur la capacité juridique limitée aux actes pour lesquels elle a été accordée dit l’article 292 de la loi sous examen.
3. QUID DE L’EMANCIPATION DU MINEUR POUR LE MARIAGE ?
Avant de donner une réponse juridiquement adéquate et appropriée à cette interrogation, il sied de préciser à nos interlocuteurs que, avant la réforme du 15 juillet 2016, le code de la famille congolais distinguait entre l’émancipation de plein droit et l’émancipation judiciaire. La première consistait (article 298 supprimé) pour un mineur ayant atteint 15 ans révolus, d’être émancipé automatique, ispo facto dès qu’il souhaite ou est prêt de contracter un mariage.
Dans ce dernier cas, la loi n’imposait à l’enfant moins encore à ceux qui exerce sur lui l’autorité parentale aucune formalité pour reconnaitre à ce mineur la capacité au mariage. Il suffisait au mineur d’atteindre 15 ans révolus et manifester sa propre volonté de se marier, automatiquement (une présomption) il est émancipé. Ici on n’avait pas besoin d’aller chez le juge.
La deuxième forme d’émancipation, d’ailleurs celle qui est maintenue par l’actuel code de la famille, consistait pour un mineur âgé de plus de 15 ans, de saisir le juge de paix (actuellement juge pour enfants) par le truchement de ses parents (père, mère ou la personne qui exerce sur lui l’autorité parentale), en vue d’obtenir un jugement d’émancipation afin de poser un acte juridique déterminé.
Pour répondre à présent à la question faisant l’objet même de notre réflexion, il convient de préciser ici que, depuis la venue de la loi n°16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant le code de la famille, le législateur congolais a supprimé expressis verbis les dispositions de l’article 298, suivant lesquelles un mineur ne peut plus être émancipé de plein droit (automatique) pour le mariage, et ce, conformément à l’article 48 de la loi portant protection de l’enfant.
Mais hélas, la loi sus-évoquée semble ne pas supprimer l’émancipation judiciaire, mais au contraire, elle la maintient.
Pour ainsi dire que, le code de la famille tel que révisé à ce jour, n’a pas limité ou préciser les cas ou causes auxquels un mineur peut être émancipé par le tribunal pour enfant. Ce qui nous pousse à affirmer en outrepassant les polémiques doctrinales que, un mineur peut être émancipé par le juge pour enfants dans le but d’accomplir n’importe quel acte juridique, dont notamment le mariage.
Autrement dit, la demande d’émancipation pour un mineur pour contracter le mariage existe mais c’est une mesure exceptionnelle qui n’est accordée que très rarement et uniquement dans les circonstances exceptionnelles, dont seul le juge en a le droit d’apprécier.
CONCLUSION
Pour boucler la boucle, il convient ainsi de dire que, le code de la famille congolais tel que révisé et modifiée ne semble nullement supprimé l’émancipation judiciaire d’un mineur pour le mariage. C’est-à-dire que, un mineur ne peut se marier qu’après avoir été autorisé dans un jugement par le tribunal pour enfant suivant la requête de ses représentants (père, mère ou la personne qui exerce sur lui l’autorité parentale).