MOTION DE DEFIANCE CONTRE LE GOUVERNEUR DIEUDONNE BOLOKO BOLUMBU

Publié le 07/07/2021 Vu 2 263 fois 0
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L'Assemblée Provinciale de l’Equateur composée de 21 députés au total a siégé avec 20 de ses membres et a voté à l’unanimité de ces derniers une motion de défiance contre le Gouverneur de Province.

L'Assemblée Provinciale de l’Equateur composée de 21 députés au total a siégé avec 20 de ses membres e

MOTION DE DEFIANCE CONTRE LE GOUVERNEUR DIEUDONNE BOLOKO BOLUMBU

LA DESTITUTION DU GOUVERNEUR DE L’EQUATEUR PAR L’ASSEMBLEE PROVINCIALE : QUE COMPRENDRE DU FONDEMENT DE LA MOTION DE DEFIANCE ET LA REGULARITE DE SON ADOPTION ?

 

En date du 01 juillet 2021, le Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur agissant par le biais de son Président, Honorable Claude BUKA LOMPULO, avait par communiqué de presse n°0110/AP/BBC/BUD/2021 informé le public de l’ouverture d’une session extraordinaire sans cérémonie solennelle conformément aux articles 23, 48 et 67 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur, dont les plénières devront se dérouler en huis clos en vue de respecter les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19 prises par le Chef de l’Etat, Son Excellence Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO.

A cet effet, deux points sont inscrits à l’ordre du jour de ladite session, d’une part l’audition, examen et adoption du projet de l’édit provincial fixant les règles de perception des impôts, taxes, droits et redevances dus à la Province de l’Equateur et leurs mécanismes de recouvrement, et d’autre part, l’audition, examen et adoption du Budget Provincial rectificatif de l’exercice 2021.

Au jour de l’ouverture de cette session extraordinaire en date du 03 juillet 2021, un collectif de trois députés, piloté par l’Honorable Jean-Pierre ILOKO ENGOMBELE, élu de la circonscription électorale de Basankusu, a déposé une motion de défiance et une mise en accusation qui datent du 02 juillet 2021 contre le Gouverneur Dieudonné BOLOKO BOLUMBU auprès du Bureau administratifs du Président de l’Assemblée Provinciale.

Ce qui a permis diligemment au Bureau définitif de l’Assemblée Provinciale de tenir sa réunion à laquelle cette motion a été déclarée recevable conformément à l’article 177 du Règlement Intérieur. La motion et le procès-verbal de la réunion ont été valablement notifiés au Gouverneur de Province afin de bien vouloir se présenter à la plénière du mardi 06 juillet 2021 en vue de présenter ses moyens de défenses suivant les griefs relevés dans la motion.

Ce 06 juillet 2021, l’Assemblée Provinciale de l’Equateur, composée de 21 députés au total, a siégé avec 20 de ses membres et a voté à l’unanimité de ces derniers (13 voix  sur  20), une  motion  de défiance  contre  le  Gouverneur  de Province.  Le siège de l’Assemblée Provinciale étant assiégée par les éléments de la PNC et d’autres personnes inconnues, l’organe délibérant a décidé, conformément à l’article 3 de son Règlement Intérieur, à délocaliser la plénière dans une autre salle, ce qui a été fait dans son Bureau Administratif.

De ce fait, plusieurs personnes veulent savoir le fondement de la motion de défiance et la régularité de son adoption. C’est à cet exercice que nous nous livrons dans cette analyse à caractère purement neutre et scientifique.

Il faut noter in limine litis qu’une motion de défiance est une décision politique (non législative)  de  l’Assemblée  par  laquelle,  celle-ci  relève de ses fonctions, un membre du Gouvernement dans  le  respect   des  conditions  prescrites  par  la  Constitution, les lois et règlements en vigueur.

I. FONDEMENT DE LA MOTION DE DEFIANCE CONTRE LE GOUVERNEUR DE L’EQUATEUR

Trois députés sont initiateurs de la motion de défiance contre le Gouverneur de l’Equateur qui date du 02 juillet 2021. Il s’agit des Honorables Jean-Pierre ILOKO ENGOMBELE, INDENGE BOKULU Alphonsine et BOPATA ADJOLO Jean François, et ce, conformément aux prescrits de l’article 198 de la Constitution, à l’article 41 alinéa 2 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces et à l’article 177 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale. De quoi reprochent-ils le Gouverneur Dieudonné BOLOKO BOLUMBU ? Cinq (05) griefs sont retenus à sa charge, notamment :

1. Détournement des deniers publics

L’utilisation sans justifications d’un montant de 2.500.000.000 FC, selon le rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), le détournement des fonds destinés à l’achat de 10 jeeps pour les membres de son Gouvernement, la complicité dans le détournement des médicaments et fonds alloués à la Province de l’Equateur dans le cadre des 100 premiers jours du Chef de l’Etat, estimés à 450.000$, le détournement de 600.000$ mis à la disposition de la Province pour des actions urgentes, le détournement de 1.000.000.000 FC pour la réhabilitation et l’électrification de quelques avenues de la Ville de Mbandaka et le détournement de 150.000$ mis à la disposition de la Province pour la lutte contre le COVID-19.

Ces faits constituent aussi le soubassement de la mise en accusation déposée par les mêmes députés au Bureau de l’Assemblée Provinciale conformément à l’article à l’article 153 alinéa 3 point 10 de la Constitution et 119 du Règlement Intérieur.

2. Mauvaise gestion

L’ignorance totale de l’administration et des finances publiques dans la gestion de la Province en la confondant avec sa structure privée GADI, notamment la gestion opaque de la DGRPEQ devenue de sa propre initiative DGRE, gestion opaque de la taxe de superficie qu’il perçoit auprès des exploits forestiers à partir de Kinshasa et non-respect de la chaine de dépenses, attribution des marchés publics sans respecter de la loi sur les marchés public.

3. Complicité dans la spoliation du patrimoine de l’Etat

4. Refus manifeste d’exécuter les recommandations de l’Assemblée Provinciale

5. Incompétence

Elle se caractérise par bon nombres des faits sus-évoqués. Mais surtout, par sa non-maitrise du français (écrire, lire et parler). Ce qui constitue un handicap pour bien diriger la Province. Car cela ne lui permet pas de bien traiter les dossiers de l’administration où il ne fait qu’apposer la signature, la tenue des réunions avec les investisseurs, personnalités officielles, etc…ne se fait qu’en lingala.

Tels sont les différents griefs retenus à charge du Gouverneur démissionnaire de l’Equateur.

II. DEPOT, RECEVABILITE  ET NOTIFICATION DE LA MOTION DE DEFIANCE

La motion sous examen a été déposée par l’Honorable Jean-Pierre ILOKO ENGOMBELE en date du 03 juillet 2021 au Bureau de l’Honorable Président du Bureau définitif de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur.

En effet, selon l’article 198 alinéas 8 et 9 de la Constitution « les  membres  du  Gouvernement  provincial  peuvent  être,  collectivement  ou  individuellement, relevés de leurs fonctions par le vote d’une motion de censure ou de défiance de l’Assemblée provinciale. Les  dispositions  des  articles  146  et  147  de  la  présente  Constitution  s’appliquent, mutatis mutandis, aux membres du Gouvernement provincial ».

En effet, la motion de défiance contre un membre du Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de l’Assemblée nationale, prescrit l’article 146 alinéa 2 et 41 alinéa 2 de la loi relative à la libre administration des Provinces.

Le dépôt au Bureau de l’Assemblée Provinciale du texte de la motion signé  par  au  moins 1/10   des  députés  qui  forme  cette  Assemblée (pour la Province de l’Equateur composée de 21 députés, le nombre légal des signataires de la motion, est d’au moins 3 députés provinciaux).

Dans cas sous examen, ledit texte a été signé par trois députés provinciaux sus-nommés, partant, les conditions requises par l’article 177 du Règlement Intérieur étant réunies, les membres du bureau avait décidé de recevoir la motion pour être soumis au vote dans le délai réglementaires.

III. CONDITIONS ET REGULARITE DE LA PROCEDURE D’ADOPTION DE LA MOTION DE DEFIANCE CONTRE LE GOUVERNEUR DE L’EQUATEUR

Nous sommes d’avis avec Me NSOLOTSHI MALANGU, Avocat au Barreau de Mbujimayi et Chef de Travaux à l’Université de Kabinda dans sa publication du 1èr janvier 2018 intitulé « conditions légales, suite et conséquences de  l’adoption d’une motion de censure contre un  gouvernement provincial » lorsqu’il soutient qu’en résumé, les conditions constitutionnelles, légales et réglementaires qui doivent être  respectées  dans  la  procédure  d’adoption  d’une  motion  sont principalement les suivantes : le débat entre députés sur la recevabilité et fondement de cette motion, doit se faire après au moins 48 heures, à compter du dépôt du document de la motion au Bureau de  l’Assemblée  (art  146  al  3  de  la  constitution  et  art  41  al  3 de  la  loi  sur  la  libre administration).Le nombre des députés présents à la séance plénière de débat et vote, doit atteindre le quorum  prévu  pour  siéger  en  matière  de  décision,  conformément  au  Règlement Intérieur de l’Assemblé, sans que ce nombre soit inférieur à la majorité absolue, car souligne-t-il, l’adoption  de  cette  motion  requiert une telle majorité. Le Gouvernement provincial ou le membre du Gouvernement « peut » être notifié de la tenue de la séance plénière de débat et vote pour lui permettre d’exercer, s’il le veut, son droit d’assistance et de déclaration, et lui permettre aussi de prendre sur place,  connaissance   et notification  d’office  de  décision  de   vote   qui  s’en  suivrait.  Toutefois,  cette notification ou présence des membres du gouvernement dans la séance de débat et de vote de la motion n’est exigée par aucun texte légal ou réglementaire. Ainsi, la violation de cette formalité, bien que recommandée, demeure sans incidence majeure.

Mais à notre avis, suivant la jurisprudence, il faut que le membre du Gouvernement soit notifié afin qu’il vienne présenter ses moyens de défense.

Le vote intervient après le débat et à cette occasion, il est recensé uniquement le vote  favorable.  La  motion  n’est   adoptée   qu’à la  majorité  absolue  de  voix   des membres  composant  l’Assemblée  Provinciale.  (C’est-à-dire,   plus  de  la  moitié  de voix des députés qui compose l’Assemblée) indique Me NSOLOTSHI MALANGU.

S’agissant de l’Assemblée Provinciale de L’Equateur qui compte 21 députés, la majorité absolue est de 12 voix ou plus).

Aussi, la rédaction et signature de l’acte d’adoption (PV) de la motion de défiance se font  conformément  au  Règlement  Intérieur  de  l’Assemblée.

Conformément à l’article 41 al.3 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, la motion a été notifiée au Gouverneur le samedi 03 juillet 2021 pour se présenter à la plénière du 06 juillet 2021, un délai de quarante-huit heures a été observé.

Ce délai, a pour but comme nous l’avons sommairement dit précédemment, de garantir le droit de la défense et de permettre à la personne visée par la motion de présenter ses moyens de défenses.

N’étant pas sur les lieux et suivant les informations, à l’ouverture de la plénière dans l’hémicycle de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur, le Gouverneur était présent. Malheureusement, la plénière a constaté que la concession de l’Assemblée était envahi par plusieurs personnes dont notamment les éléments de la PNC et certains militants des partis politiques. La plénière s’est sentie dans l’insécurité et conformément à l’article 3 du Règlement Intérieur, elle a décidé de se délocaliser hors l’hémicycle ordinaire.

A cet effet, le Gouverneur n’a pu assister à cette plénière bien qu’ayant régulièrement et valablement été notifié. Ce qui a permis à la plénière de continuer l’examen de la motion et qui a abouti au vote.

A cet effet, son absence risque de ne pas constituer une irrégularité car il a été régulièrement notifié. Ce qui nous permet de se référer au cas récent du Gouverneur de la MONGALA, Excellence NGBUNDU MALENGU, qui avait été valablement notifié par l’Assemblée Provinciale, mais avait brillé par son absence, et cette dernière avait décidé de tenir sa plénière, en examinant et adoptant la motion, qui avait abouti à sa destitution. Ayant saisi la Cour Constitutionnelle, il a été tout simplement débouté.

IV. SUITE ET CONSEQUENCES DE L’ADOPTION DE LA MOTION DE DEFIANCE

Selon l’article 42 alinéa 3 de la loi relative à la libre administration des Provinces « lorsqu’une motion de défiance contre le Gouverneur de Province  est adoptée, le Gouvernement Provincial est réputé démissionnaire ». A cet effet, l’intérim est ouvert, dès la remise de la démission au Président de la République ou à  défaut,  après  l’expiration   des  24  heures  à  compter  de   la  notification  de  l’acte d’adoption de la motion, au Gouvernement provincial ; et les affaires courantes sont expédiées par le même gouvernement révoqué mais sous la direction du Vice-gouverneur,  et  ce,   jusqu’à  l’investiture   du  nouveau   gouvernement (article 31 de la loi sur la libre administration des provinces, combiné avec l’article160 alinéa 4 de la loi électorale telle que modifiée et complétée par la loi du 24 décembre 2017).

La commission électorale nationale indépendante (CENI) doit organiser l’élection du  Gouverneur  et  Vice-gouverneur  dans  les  trente  (30)  jours  à  compter   de  la notification  (de  l’acte  d’adoption  de  la  motion  de  censure)  au  Ministre  ayant les affaires intérieures dans ses attributions (article 160 al 4 de la loi électorale telle que modifiée à ce jour).

Le Gouverneur destitué peut, après la notification du PV par l’Assemblée (acte d’assemblée) saisir la Cour Constitutionnelle afin qu’il soit réhabilité de ses fonctions. Il en sera ainsi pour son Excellence Dieudonné BOLOKO BOLUMBU ?

A suivre.

 

Buta, Bas-Uélé, 06 juillet 2021.

 

Me MBOKOLO ELIMA Edmond

Chercheur en Droit à l’Université de Kinshasa

Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka

Avocat au Barreau de l’Equateur

            +243822522855

edmondjean@gmail.com

 

 

 

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A propos de l'auteur
Blog de MBOKOLO ELIMA Edmond

MBOKOLO ELIMA Edmond, nommé Magistrat au grade de Substitut du Procureur de la République par l'Ordonnance présidentielle n°23/071 du 06 juin 2023.

Ancien Avocat au Barreau de l'Equateur (Cabinet Bâtonnier Philippe BOSEMBE IS'ENKANGA et Cabinet KALALA & USENI Kinshasa/Gombe), Enseignant à la Faculté de Droit de l'Université de Mbandaka et Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa.

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