Problèmes juridiques de l’hypothèque d'une copropriété impliquant un mineur
1. Rappel notionnel
En droit des sûretés (complémentaire à une obligation), l'hypothèque consiste en l'affectation par le débiteur ou le constituant qui en est le propriétaire d'un immeuble (les fonds bâtis ou non bâtis, les droits réels immobiliers...) déterminé ou déterminable à la garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures.
A en croire l'article 190 alinéa 2 de l'acte uniforme de l'OHADA pourtant sur le droit des sûretés, l'hypothèque est soit légale, conventionnelle ou judiciaire.
2. Hypothèques d'une copropriété
Juridiquement, l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est le titulaire du droit réel immobilier (voy. article 203 alinéa 1er de l'acte uniforme sous examen).
En droit, seul le titulaire du droit réel à l'hypothèque peut consentir l'hypothèque. Ce titulaire implique la ou les personnes ayant la propriété sur un immeuble conformément au droit national de chaque Etat membre de l'OHADA.
En cas de copropriété ou cotitularité (immeuble appartenant à plusieurs personnes), l'hypothèque ne peut se faire que suivant le consentement de tous les copropriétaires, sans lequel, l'hypothèque est nulle et de nul effet.
Quid d'une copropriété impliquant un incapable comme mineur ?
Pour constituer l'hypothèque, le constituant doit être capable de disposer de son droit. Cette capacité s'apprécie en fonction du droit national des personnes.
En droit congolais, une personne mineure n'a pas le pouvoir de constituer une hypothèque. En d'autres mots, on ne peut pas donner en hypothèque, un immeuble dont l'un des copropriétaires est mineur.
Ainsi, suivant l'article 221 de la loi n°87-010 du 1er août 1987 telle que modifiée par la loi n°16/008 du 15 juillet 2016 portant code de la famille, le mineur est, pour ce qui concerne le gouvernement de sa personne, placé sous l'autorité des personnes qui exercent sur lui l'autorité parentale ou tutélaire. Il est, pour ce qui concerne ses intérêts pécuniaires et l'administration de ses biens, protégé par les mêmes personnes.
Autrement dit, l'enfant mineur est soumis au régime de la représentation, et conformément à l'article sus-visé, il est représenté par ses père et mère ou la personne qui exerce dûment ou juridiquement l'autorité parentale. Ce dernier a le pouvoir de constituer une hypothèque au nom de l'enfant mineur.
En clair, une hypothèque constituée impliquant un propriétaire ou copropriétaire mineur sans le consentement des parents ou la personne qui exerce l'autorité parentale, est nulle.
Pour renchérir cette position, la jurisprudence récente et unanime précise que l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est le titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d'en disposer (Cour d'Appel de Ouagadougou, com., arrêt n°100 du 18 juin 2009 : Ohadata J-10-208).
3. Gage des titres de propriété est différent d'une hypothèque
Nombreuses personnes confondent deux éléments essentiels, à savoir le gage des titres de propriété (certificat d'enregistrement) et l'hypothèque d'un immeuble.
Suivant les exigences légales, une hypothèque doit faire l'objet d'une publicité qui doit se aire conformément aux règles de publicité édictées par l’Etat Partie où est situé le bien grevé à cet effet. Conformément à l’article 264 de la loi foncière, nulle hypothèque n’existe si n’est inscrite au livre d’enregistrement, sur le certificat de l’immeuble ou du droit immobilier qu’elle grève.
Suivant la législation congolaise, pour qu'un immeuble soit considéré comme hypothéqué, le Conservateur des titres immobiliers doit en tant que notaire par excellence en matière immobilière et foncière, endosser la mention hypothèque dans le certificat d'enregistrement, avant sa publicité au registre immobilier. Si le certificat d'enregistrement ne porte pas cette mention en son dos, on ne peut parler de l'hypothèque mais du gage de certificat d'enregistrement.
Par contre, lorsqu'on remet au créancier un certificat d'enregistrement d'un immeuble sans passer au bureau des titres fonciers, on parlera tout simplement d'un gage de meuble corporel.
Dans la pratique bancaire, il s'est dessiné une erreur gravissime de la part des banques commerciales, qui acceptent les certificats d'engagement sous forme d'hypothèque sans exiger l'apposition de la mention hypothèque dans le certificat. Logiquement, cette opération n'est qu'un simple gage des titres fonciers et non une hypothèque.
Dans cette hypothèse, le propriétaire du certificat d'enregistrement, a le pouvoir, d'aller se faire confectionner un nouveau certificat d'enregistrement avec l'ordre au conservateur des titres immobiliers d'annuler le premier dont l'original est remis en gage.
Bref, lorsqu'une personne veut hypothéquer son immeuble, vous devez impérativement passer par le bureau de la conservation des titres immobiliers pour se faire obtenir la mention hypothèque et aller remplir les formalités de publicité.
4. Conséquence pénale d'hypothèque illégalement un immeuble appartenant à un mineur comme propriétaire ou copropriétaire
Nous l'avons dit supra que, lorsqu'il s'agit d'un immeuble dont le mineur est propriétaire ou copropriétaire, le consentement à l'hypothèque doit être donné impérativement par ses parents ou la personne qui exerce sur lui l'autorité parentale. Au cas contraire, celui qui donne en gage le certificat d'enregistrement d'immeuble ou en hypothèque l'immeuble d'un mineur en violation de l'article 221 du code de la famille et du principe de la présentation, comment l'infraction de stellionat prévue à l'article 96 du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal tel que modifié et complété à ce jour.
Aux termes de cet article, sera puni d'une servitude pénale de 3 à 5 ans et d'une amende quiconque aura vendu ou donné en gage (hypothèque) un immeuble qui ne lui appartient pas.
Si vous êtes représentant légale d'un mineur, donner en gage le certificat d'enregistrement ou hypothéqué l'immeuble n'est pas constitutif de l'infraction de stellionat. A contrario, le fait de gagé les titres fonciers ou constituer l'hypothèque sur un immeuble dont le propriétaire ou copropriétaire est mineur, qui du reste, ne consent pas, est constitutif de stellionat.
5. Conclusion
Pour constituer une hypothèque, il faut avoir la capacité juridique, d'où le mineur ne peut constituer l'hypothèque que par représentation par ses parents ou tuteur lorsqu'il est propriétaire ou copropriétaire d'un immeuble.
Dans le cas contraire, l'hypothèque est nulle et de nul effet, et le constituant illégal comment l'infraction de stellionat.
Me Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l'Equateur
Assistant à la Faculté de droit de l’Université de Mbandaka
Chercheur en droit à l'UNIKIN.