LA REPRISE D'INSTANCE EN DROIT PÉNAL CONGOLAIS.
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D'après Antoine Rubens, lorsqu'une partie vient à décéder en cours d'instance, la reprise d'instance volontaire ou forcée de ses héritiers peut être opérée en vue de poursuivre l'affaire (A. Rubens, _Le droit judiciaire zaïrois_ , T. II, PUZ, Kinshasa, 1978, p. 243).
En droit judiciaire congolais, cette procédure a comme base légale, le articles 19 à 22 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, qui prévoient un délai fixe de six mois pour que les héritiers ou ayants droit reprennent l'instance, dépassé ce délai, l'inaction vaux désistement de l'action initiée par le défunt (de cujus).
En procédure civile par exemple, le problème ne se pose pas du fait que devant la juridiction qui connaît l'affaire au premier degré ou second degré, elle est faite par une assignation en reprise d'instance mais devant la Cour de cassation, par le dépôt au greffe d'un mémoire justifiant les qualités la personne qui reprend l'instance. Aussi, au cas où la partie adverse constate que les héritiers du demandeur, appelant ou demandeur en cassation n'agissent pas ou sont inactifs, il leur fait une reprise d'instance forcée par une requête reprenant les mentions exigées pour une requête introductive d'instance (assignation).
_Quid alors de la reprise d'instance dans un procès pénal ?_
Lors d'un procès pénal où nous avons siégé en qualité du Ministère public cette question épineuse s'est posée relative à la reprise d'instance dans le cas d'une action initiée par citation directe où la partie civile citante est décédée en cours d'instance et ses héritiers sont venus reprendre l'instance. _Ils doivent le faire par quel acte: citation, notification de date d'audience, etc. ? Est-elle possible pour une instance pénale?_
Pour répondre à cette question, il faut distinguer d'une part les actions transmissible et celles non transmissibles. Pour les premières, ce sont les actions qui constituent entrent dans succession d'une personne. Par contre, pour les actions non transmissibles, elles sont celles qui se terminent ou s'éteignent par la seule personne de son titulaire (ex. décès, démence, etc...).
En effet, en droit pénal, le décès du prévenu (citation à prévenu) ou du cité (citation directe) éteint automatiquement l'instance (une action non transmissible aux héritiers).
À contrario, le décès de la partie civile, du civilement responsable et de la partie civile citante n'éteint pas l'instance (action transmissible aux ayants droit, héritiers).
Dans cette logique, lorsqu'une personne qui a initié une citation directe (partie civilement responsable) vient à décéder, cette action entre dans la succession et les héritiers ou ayants cause, ont le plein pouvoir, individuellement, collectivement ou agissant à travers le liquidateur, de reprendre l'instance dans les délais sus-mentionnés. À ce sujet, ils peuvent le faire par mémoire devant la Cour de cassation ou par une citation en reprise d'instance devant la juridiction qui connaît l'affaire ou celle du degré d'appel. Il sera question dans cette dernière, de justifier la qualité et d'indiquer les causes de la reprise d'instance (mort). *Elle ne doit pas se faire par une simple signification de date d'audience.* Aussi, le cité qui voit que les héritiers de la partie civile citante n'agissent pas, il peut initier une _requête en reprise forcée d'instance._
S'agissant d'une affaire pénale par citation à prévenu, nous estimons d'une part que, les ayants droit d'une partie civile, ont deux possibilités, la première est de se constituer partie civile tant que l'affaire n'est pas prise en délibéré, d'autre part, reprendre l'instance en justifiant devant la juridiction la qualité et les motifs pour lesquels cette reprise d'instance est faite.
Concernant le civilement responsable, nous estimons qu'il n'y a possibilité de la reprise d'instance car le décès du prévenu et du cité éteint l'instance. Le juge ne doit pas prononcer une peine à l'endroit d'un mort et les condamnations civiles à son civilement responsable. Sauf, si les dommages causés sont réels et actuels, la victime peut assigner le civilement responsable au civil pour obtenir sa condamnation aux dommages et intérêts (certaines actions civiles étant transmissibles).
Bref, en droit pénal, la reprise d'instance ne se conçoit que dans le cas d'une citation directe où les héritiers de la partie civile citante peuvent y reprendre (action transmissible). Mais si le prévenu ou le cité décède en cours d'instance, il y a extinction de l'action publique, par conséquent, la reprise d'instance ne peut être envisagée (action non transmissible).
Magistrat Edmond Mbokolo Elima
Substitut du Procureur de la République au Parquet de Grande Instance de Kisangani
- Enseignant-chercheur