LA SUSPENSION DES CULTES EN RDC EST UNE VIOLATION DE LA CONSTITUTION

Publié le 14/07/2020 Vu 4 632 fois 1
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En aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux, en l'occurrence le droit de culte.

En aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé, il ne peut Ã

LA SUSPENSION DES CULTES  EN RDC EST UNE VIOLATION DE LA CONSTITUTION

LA SUSPENSION DES CULTES PENDANT L’ETAT D’URGENCE EST UNE VIOLATION INTENTIONNELLE DE L’ARTICLE 61 POINT 7 DE LA CONSTITUTION EQUIPOLLENT A LA HAUTE TRAHISON

 

Une analyse de Maitre Edmond Mbokolo Elima, Avocat au Barreau de l’Equateur et Assistant à la Faculté de Droit, Université de Mbandaka/RDC

 

D’aucun n’ignore qu’en date du 24 mars 2020, le Président de la République avait signé l’ordonnance n°20/014 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire qui à ce jour, est prorogée plus de six fois par le Parlement congolais.

 

Pour rappel, l’état d’urgence est une mesure prise par un Gouvernement en cas de péril imminent dans un pays. Certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté de circulation, de mouvement, de presse, etc….C’est un régime exceptionnel, mis en place par un gouvernement, en cas d’atteinte grave à l’ordre public, de troubles graves ou de calamités nationales. Il se traduit par un renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative, notamment des pouvoirs de police, des restrictions de certaines libertés publiques ou individuelles pour des personnes considérées comme dangereuses : contrôle de la presse, limitation de circulation des personnes ou des véhicules, expulsion du territoire, interdiction de réunion, assignation à résidence, etc…

 

L’état d’urgence peut être proclamé sur tout le territoire ou sur une partie de celui-ci. Même s’il est prévu par la loi, l’état d’urgence est une mise entre parenthèse de l’Etat de droit au profit du maintien de l’ordre public.

 

L’état d’urgence est régulé en droit international (1), en droit interne (2) avec quelques limitations qui, si elles sont touchées constituent une violation de la Constitution (3) avec des conséquences juridiques inévitables (4). Comme toute réflexion scientifique, des recommandations importantes seront également formulées in fine de l’étude (5).

 

1. En droit international

 

Au niveau international, l’état d’urgence est régulé par l’article 4.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politique de l’ONU (1996). Aux termes de cet article « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel,  les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans le strict mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraient pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale.

La proclamation de l’Etat d’urgence n’autorise cependant pas les Etats à transgresser certains droits ou interdictions absolues :

- Droit à la vie ;

- Liberté de pensée, de conscience et de religion ;

- Interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants,

- Interdiction de l’esclavage et la servitude ».

 

2. En droit interne congolais

 

En droit congolais, les articles 85, 144 et 145 traitent de cette question où il est reconnu au Président de la République le plein pouvoir de décréter par ordonnance, l’état d’urgence.

 

3. Violation de la Constitution par le Président de la République

 

Il faut le souligner d’ores et déjà que, le Président de la République est non seulement le garant des Institutions de la République mais aussi, conformément à l’article 69 alinéa 2 de la Constitution, il doit veiller au respect de la Constitution.

 

Cette Constitution que le Chef de l’Etat doit veiller établie les droits humains ainsi que les libertés fondamentales des citoyens et tous ceux qui résident dans le territoire national. Parmi ces droits et libertés fondamentales, l’article 22 prévoit la liberté de pensée, de conscience et de religion. L’alinéa deuxième dudit article prévoit que « toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques, l’accomplissement des rites et l’état de vie religieuse, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui ».

 

Ce droit à la liberté de culte ne peut en aucun cas être restreint sous quelque forme que ce soit, même en états d’urgence, de siège ou de guerre. Ce verrouillage est retrouvé à l’article 61 de la Constitution qui dispose que « en aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de la présente Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux énumérés ci-après :

1.  Le droit à la vie ;

2.  L’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

3.  L’interdiction de l’esclavage et de la servitude ;

4.  Le principe de la légalité des infractions et des peines ;

5.  Les droits de la défense et le droit de recours ;

6.  L’interdiction de l’emprisonnement pour dettes ;

7.  La liberté de pensée, de conscience et de religion.

En lisant le dernier point (7) de cet article 61, il est interdit au Président de la République en proclamant l’état d’urgence de déroger au droit à la liberté de religion (manifestation de la religion ou convictions en privé ou en public).

 

Fort est malheureusement de constater que, dans son ordonnance du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence, le Chef de l’Etat a dérogé au droit de religion ou droit de culte. On retrouve cette violation constitutionnelle et du Pacte International relatif aux droits civils et politiques à l’article 3 relatives à l’exercice de la liberté, spécialement en son point 7 où il est prévu que « sont suspendus tous les cultes religieux… ».

 

L’irrespect de l’article 61 qui a verrouillé la violation de la liberté de culte constitue sans nul doute la violation de la Constitution, d’où il y a haute trahison.

 

Suivant l’article 165 de la Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier Ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complice de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, de cession d’une partie du territoire national.

 

Suspendre les cultes pendant plus de 04 mois, c’est violé l’un des principaux droits humains et libertés fondamentales des citoyens (article 22) et aussi, violation intentionnelle et délibérée des articles 61 point 7 et 69 alinéa 2 de la Constitution du pays.

 

Depuis la proclamation dudit état d’urgence, aucune confession religieuse n’a osé demander à ses adeptes de réclamer la fin de cette violation constitutionnelle.

 

A vrai dire, la Cour Constitutionnelle ne devrait pas déclarée conformément à l’article 145 de la Constitution, l’ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire conforme à la Constitution car, tel que nous venons de le prouver juridique l’un des articles verrouillés de la Constitution de la RDC a été violé. Il s’agit de l’article 61 point 7 où le droit à la liberté de religion a été profané.

 

Notez que, la Constitution accorde une valeur importante à l’article 61 comme est le cas de l’article 220 (ces sont les articles verrouillés et on ne peut pas les violer, sauf en cas d’une révision constitutionnelle).

 

4. Quelle est la conséquence de la haute trahison ?

La conséquence à cette grave violation est régulée à l’article 166 de la Constitution.

 

5. Quelle recommandation à formuler au Président de la République

Nous lui recommandons vivement de mettre fin à cet état urgence pour diverses raisons : d’abord il a violé la Constitution (article 61 point 7) ensuite, la situation économique du pays est à l’enfer.

 

Fait à Mbandaka, le 14 juillet 2020 à 8h12’

Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA

 

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1 Publié par Airbak
14/07/2020 22:40

Je respecte et salue votre point de vue.

Mais au moins, je vois d'une autre manière cette situation.

Selon moi, l'état d'urgence proclamé par le Chef de l'État ne constitue pas une violation aux prescrits de la Constitution et n'est pas passible non plus à une haute trahison.

1. Quel est l'intérêt qu'aura le Chef de l'État en suspendant les cultes pour établir la violation intentionnelle de Constitution avant de dessiner la haute trahison ?

2. Considérant les modalités de la propagation de la pandémie, sachant que les cultes rassemblent plusieurs personnes et favoriseront la propagation à vitesse exceptionnelle du virus, la suspension des cultes pour un temps est une meilleure solution.

3. Les mesures prises par le Chef de l'État pendant cette crise sont presque les mêmes que celles prises en Europe, Asie, Amérique, voire la majorité des États Africains touchés. Je crois que tous ces États ont les yeux sur le pacte international que vous aviez fait allusion.

4. Cette pandémie est une crise exceptionnelle, alors, pour une situation exceptionnelle, il faut de des mesures exceptionnelles.

5. On n'a pas interdit à quiconque de professer sa foi, on a interdit les rassemblements de plus de 20 personnes. C'est possible qu'on puisse avoir des cultes de 10 personnes avec une distanciation de 1m et on organise une séance de prière.

6. S'il y avait vraiment une restriction et violation intentionnelle comme vous estimez, pourquoi il y a des directs où on suit les prédications et les séances de prières même par téléphone ?

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A propos de l'auteur
Blog de MBOKOLO ELIMA Edmond

MBOKOLO ELIMA Edmond, nommé Magistrat au grade de Substitut du Procureur de la République par l'Ordonnance présidentielle n°23/071 du 06 juin 2023.

Ancien Avocat au Barreau de l'Equateur (Cabinet Bâtonnier Philippe BOSEMBE IS'ENKANGA et Cabinet KALALA & USENI Kinshasa/Gombe), Enseignant à la Faculté de Droit de l'Université de Mbandaka et Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa.

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