De l'arbitraire dans les préfectures quant aux droits des étrangers....
« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu, dans l’esprit des lois au XVIIIème siècle fait état des limites du pouvoir dans un état de droit, modèle auquel la France a choisit de se soumettre par la démocratie.
Avec la régularisation "au cas par cas" promue par le gouvernement actuel et le flou administratif volontairement entretenu, le hasard et la chance ont dramatiquement pris pension dans les préfectures.
C'est la colère contre l'injustice de l'aspect "loterie" des pratiques de régularisation qui me conduit aujourd'hui a évoquer un incident auquel j'ai été confronté récemment.
Le 29 septembre 2010, j'accompagnais Mme Z a la préfecture de Paris, rue de l'étoile car la requérante justifiait d'un domicile dans le ressort de cette préfecture et de plus de 10 ans de présence en France.
Mme Z préparait un dossier de régularisation sur la base de preuves de présence en France, année par année, de 2000 à nos jours comme le lui permet le Code des Etrangers et du Droit d'Asile pour bénéficier d'un titre de séjour temporaire "vie privée familiale".
Je l'accompagnais en ma qualité d'avocat et ce pour la seconde fois.
La première fois, c'était en juillet 2010. A cette époque, notre dossier avait été jugé "complet" par la préposée au guichet 4 de ladite préfecture, mais seule manquait une quittance EDF de moins de 3 mois pour justifier du domicile de la requérante. Nous étions alors "refoulés" pour cette seule et unique raison.
Puis, le 29 septembre 2010, nous y retournons, cette fois, munies de la fameuse quittance EDF jadis sollicitée. Après des heures d'attente, nous sommes reçues au guichet 3, par une autre préposée.
D'emblée et a l'intonation de sa voie, je sentais que la tache allait être encore plus ardue....
Elle procède a une analyse succincte des documents transmis puis en vient a l'année 2010.
Cette fois, elle estime que la requérante ne justifie pas d'un avis d'imposition 2010.
Je lui indique qu'elle ne l'a pas encore reçu mais qu'elle a bien déclaré ses impôts et lui montre la déclaration d'IR 2010 . La préposée du guichet 3, me rend la feuille, arguant que s'agissant d'une photocopie , elle ne pouvait l'adjoindre au dossier.
Je rétorque que l'original a évidemment été adressé au Trésor Publique et que sauf a se mettre en infraction avec le fisc ,ma cliente n'aurait pas pu le conserver.
Que personne ne conserve l'original de cette déclaration puisqu'il est par nature destiné a être adressé au fisc. A l'impossible, nul n'est tenu, je lui demandais donc de bien vouloir prendre le dossier en l'état ce qu'elle refusait catégoriquement.
La préposée, étanche a toute logique, usait de son "pouvoir discrétionnaire" pour nous dire de revenir une troisième fois, mais cette fois, munies de l'avis d'imposition 2010.
Je lui demandais de me consigner ce refus et son motif par écrit, ce qu'elle refusait, invoquant comme toujours , le fait qu'elle obéit a des directives de ses supérieurs.
Je demande donc a voir son supérieur .
Ladite "supérieure" se présente et je lui explique calmement la situation, insistant sur le fait que ce dossier avait déjà fait l'objet d'un refus au guichet mais pour une autre raison, en juillet 2010, savoir, le défaut de production de quittance EDF de moins de 3 mois.
Que a aucun moment, il ne nous avait été demandé de justifier d'un autre document.
Cette fois et contre toute attente, c'est l'avis d'imposition 2010 qui est réclamé alors que Madame justifie d'un dossier complet, de preuves de présence imparables pour chaque années depuis 2000 et que toute sa famille réside en France.
Je m'insurge contre l'arbitraire des injonctions formulées par les préposés au guichet, lesquelles divergent, de jour en jour et soumet l'étranger au bon vouloir d'une personne, sans prendre en considération des critères objectifs de régularisation.
A mon interlocutrice dite "supérieur" qui m'a rétorqué elle aussi, obéir a des directives hiérarchiques, j'ai cru bon rappeler les directives n'étaient pas nécessairement justes....
Aucun de mes arguments ne la touche.
Elle nous renvoie avec fracas et nous indique avec une ironie palpable que la troisième fois sera peut-être la bonne, laissant Mme Z dans sa détresse et moi dans ma révolte.
Mme Z, pleine de bonne volonté, veut bien revenir. Elle veut se soumettre a cette injonction qu'elle croit ultime et l'accepte car elle provient des autorités et qu'elle n'a pas le choix de la contester.
Et moi, je suis désabusée, je crie intérieurement car au fond, intimement persuadée que la troisième fois ne sera pas la "bonne" et qu'une autre prétendue lacune a notre dossier sera a nouveau invoquée.
Pour quelle raison ? aucune raison objective.
J'enchaine avec Monsieur A, que j'accompagne également, ce même jour.
Il présente un dossier nettement moins favorable, un français déplorable, mais a la chance de tomber devant la préposée du guichet 5....son dossier est accepté alors qu'il ne produit pas d'avis d'impôt sur le revenu 2010.
Je ne relève pas le paradoxe pour ne pas embarrasser mon client, qui tant mieux pour lui, a de la chance aujourd'hui.
C'est ainsi, des étrangers installés en France depuis plus de dix ans sont renvoyés à leur irrégularité alors que d’autres, présents sur le territoire depuis peu de temps, ont la chance de présenter leur dossier au bon moment et devant la bonne personne.
Il faut croire que certains étrangers, tels que Mme Z, ont vocation à rester éternellement en situation irrégulière…
Ce constat est cruel pour ceux et celles qui découvrent que le principe d’égalité de traitement n’a ici pas droit de cité.
Le gouvernement actuel a cru bon laisser aux autorités compétentes le pouvoir d'agir, de s'abstenir ou de décider avec une marge plus ou moins grande de liberté, en fonction d'une appréciation d'opportunité. C'est la définition même du pouvoir discrétionnaire.
Un pouvoir est arbitraire lorsqu’il dépend de la seule volonté sans en référer vraiment aux règles et sans soucis particulier de justice ou d’équité.
Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire est arbitraire s’il n’y a pas de critère exprès ou tacite qui en régit l’exercice.