Un salarié peut -il utiliser des documents appartenant à l'entreprise avant un litige et s'en servir ensuite contre elle ?
L'hypothèse est la suivante: un employeur décide de se séparer de l'un de ses salariés; Puis, en cours de procédure prud'homale, l'employeur apprend que ce salarié a transféré certains documents appartenant à l’entreprise et dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions , sur sa messagerie personnelle afin de se constituer un dossier lui permettant de tenter de négocier un départ à l’amiable.
L'employeur dépose plainte pour vol et abus de confiance.
En effet, les documents dont le salarié prend connaissance dans le cadre de son travail ont un caractère professionnel et appartiennent à l’entreprise. En vertu de son devoir de discrétion et de son obligation de confidentialité, le salarié en principe, ne peut divulguer ou transmettre à des tiers ces informations strictement professionnelles.
Toutefois la Cour de Cassation a considéré le 16 juin 2011 que le salarié qui emporte des documents appartenant à son employeur pour les produire en justice dans le cadre du procès prud'homal ne commet pas de délit, même lorsque cette appropriation a lieu avant le début de la procédure de licenciement, car il ressort que les documents appréhendés par lui, dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions étaient strictement nécessaires à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après.
La possibilité pour un salarié de produire en justice des documents internes à l’entreprise, pour l’exercice strictement nécessaire des droits de sa défense , était admise par la Chambre sociale et la Chambre criminelle de la Cour de cassation depuis 2004. Toutefois, c’est la première fois que la Cour de cassation adopte cette solution pour l’appropriation de documents électroniques.
Par conséquent et au regard de cette jurisprudence, le salarié ne commet pas de faute en transférant des documents professionnels sur sa messagerie personnelle, à partir du moment où le salarié a pris connaissance de ces documents lors de son activité professionnelle.
Autrement dit, un salarié peut photocopier ou scanner des documents appartenant à l’entreprise pour se constituer un dossier ;
A contrario, on peut en déduire que le salarié ne peut pas s’approprier des documents confidentiels qui n’ont pas été portés à sa connaissance lors de ses missions dans l’entreprise.
Dès lors la plus grande vigilance s'imposera lors de l'analyse des documents qui ont été pris par le salarié. Outre la vérification du contenu, il conviendra de se poser la question de savoir si le salarié a pu prendre connaissance ou non de ces documents lors de son activité dans l’entreprise.
Si tel est le cas, les dits documents pourront être utilisés au profit du salarié dans le cadre d'un litige prud'homal.
Au contraire, s'il est avéré que le salarié ne pouvait pas avoir accès a ces documents dans l'exercice de ses fonctions, l'employeur aura tout loisir de déposer plainte contre le salarié pour vol et abus de confiance. Cette procédure outre le fait de discréditer le salarié aux yeux des conseillers prud'homaux, devrait normalement empêcher le salarié de les produire lors d’un éventuel prud’homme.
Enfin, il convient de savoir quel est le but recherché du salarié. En effet, la Cour de cassation permet au salarié de copier des documents professionnels dans le but de se constituer un dossier prud’homal. Dès que l’on sort de ce cas spécifique, la responsabilité du salarié pourra être mise en cause, notamment lorsque l’appropriation de ces documents est effectuée avec une intention de nuire ou de concurrencer l’entreprise.
Cass. Crim., 15 juin 2011, n° 10-85079