1. Le juge des tutelles est mal nommé. mal connu et dès lors, mal aimé. A tort.
L'étendue de sa fonction inquiète : il est celui qui peut placer toute personne sous tutelle.
2. A intervalles réguliers, des reportages télévisés émaillés d'approximations et d'erreurs dont leurs auteurs n'ont cure, achèvent de présenter cette institution judiciaire comme le lieu de tous les dangers, pour les personnes âgées ou affaiblies. Les profanes croiront ce qu'ils verront à la télévision, faute de connaissance. Les personnes concernées par une audition devant le juge des tutelles s'alarmeront, éprouveront une défiance qui s'ajoutera le plus souvent à leurs troubles, et les majorera.
Bien sûr, à chacun de ces reportages, seuls les praticiens savent à quel point ces reportages sont inexacts.
Pour ne donner qu'une illustration issue de ma pratique : il y a plusieurs années, une émission d'investigation de France Television m'avait suivi sur un dossier de curatelle, et comme j'avais oeuvré à un rapprochement entre les parties qui avait abouti à une mainlevée de mon Client, les journalistes présents au Palais n'avaient plus voulu diffuser le reportage, puisque, faute de conflit à montrer aux téléspectateurs, leur reportage serait moins vendeur et ferait moins d'audimat... Triste éthique. Si tout est ainsi, il n'y a plus qu'à éteindre la télévision.
3. Et pourtant, le vrai visage du droit des majeurs protégés est là, dans la recherche constante d'apaisement, et dans l'analyse de l'intérêt de la personne concernée (qui doit être protégée lorsque son état psychique ne lui permet plus de pourvoir seule à ses intérêts, et qui au contraire n'a pas à l'être lorsque son état de santé intellectuelle lui permet de se gouverner seule).
Le droit des majeurs protégés, c'est l'honneur de notre droit. C'est le droit qui nous concernera presque tous, et qui touche, a touché ou touchera nécessairement un ou plusieurs de nos proches.
Malheureusement, il existe dans cette matière régulièrement des excès ou des abus, qui tiennent :
- soit au fait que le majeur concerné ou le majeur protégé n'a pas d'avocat, ce qui le prive d'une assistance et d'une défense effectives, et d'un appui dans le cadre de son audition, de sorte que celle-ci se passe mal, la personne ne disant pas spontanément tout ce qu'elle a sur le coeur et qui aurait éclairé le juge, surtout lorsque ce dernier l'auditionne en même temps qu'une personne de son entourage dont elle se défie ;
- soit au fait que certains juges des tutelles, débordés, ou induits en erreur par tel ou tel proche de la personne, voire par un protecteur négligent, commettent des erreurs d'appréciation : il est alors essentiel de prendre attache avec un avocat.
4. Pourtant, le juge des tutelles est le premier protecteur des personnes vulnérables : lorsqu'il est saisi d'un dossier, il va détecter si la requête présentée par un proche du majeur concerné émane d'une personne bienveillante. Il va instruire le dossier en procédant à des auditions, en se rendant au domicile ou au chevet de la personne, en ordonnant le cas échéant une expertise médicale, etc. etc. Le juge des tutelles va apprécier, après avoir recueilli le maximum d'informations, le besoin de protection de la personne, et, en cas de besoin avéré, son étendue.
5. "Juge des tutelles" : la désignation est donc impropre, à un double titre. D'une part, le juge des tutelles est aussi le juge des curatelles et des sauvegardes de justice. De sorte qu'il n'est pas contraint de ne prononcer qu'une tutelle. D'autre part, le juge des tutelles peut aussi estimer que la personne concernée par une instance aux fins de protection n'a pas besoin d'être protégée - il rendra alors un jugement de non lieu -, ou que la personne actuellement protégée n'a plus à l'être - il rendra alors un jugement de mainlevée.
Plus encore, le juge des tutelles est en dialogue permanent avec les services sociaux, les EHPAD, les notaires, le Parquet pénal (en cas d'abus de faiblesse).
En d'autres termes, le juge des tutelles n'a pas vocation à placer sous tutelle, mais à protéger la personne : en la faisant bénéficier d'une mesure de protection adaptée (sauvegarde, curatelle simple, ou renforcée, tutelle à l'extrême) ; en désignant comme protecteur une personne intègre et bienveillante ; en refusant de placer sous protection judiciaire la personne (le juge protège alors le majeur contre l'initiative du requérant).
La protection par le juge s'accomplit ensuite durant toute la vie de la mesure : autoriser un placement financier, autoriser un transfert dans un EHPAD plus adapté, interdire la visite de personnes malveillantes, autoriser une union, arbitrer entre le majeur protégé et son protecteur lorsqu'une divergence de vues les oppose, décharger un protecteur lorsqu'il n'est pas diligent, veiller au bien-être de la personne, ...
6. Parce que l'essence de son office est de protéger, le juge des tutelles devrait s'appeler : le juge protectionnel.
Recevoir une convocation à une audition devant le juge protectionnel, ferait sens.
Saisir le juge protectionnel pour protéger une personne vulnérable, victime d'abus de faiblesse, ferait sens.
Il n'y aurait plus, pour toute personne âgée convoquée, l'appréhension devant le risque, induit par l'intitulé de la fonction, d'être placé sous tutelle, alors même qu'à aucun moment cela n'était envisagé.
Avec cette nouvelle dénomination, le juge protectionnel aurait grâce aux yeux de tous, et justice serait rendue à la noblesse de sa fonction.
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