Nécrologie de l'habilitation familiale

Publié le 09/01/2018 Vu 4 925 fois 0
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La procédure de tutelle chasse l'habilitation familiale (Civ. 1, 20 décembre 2017)

La procédure de tutelle chasse l'habilitation familiale (Civ. 1, 20 décembre 2017)

Nécrologie de l'habilitation familiale

1. Les faits. Une personne vulnérable est placée en tutelle et un mandataire judiciaire à la protection des majeurs est désigné tuteur, le juge écartant la priorité familiale. L’enfant fait appel du jugement l’ayant évincé, et demande lors de l’audience d’appel la transformation de la tutelle en habilitation familiale. La cour d’appel de Lyon rejette cette demande, compte tenu des « circonstances » et de la nécessité d’une « protection globale et totale ». Cette motivation n’est pas satisfaisante : la cour d’appel aurait dû préciser en quoi les circonstances faisaient obstacle à la désignation de l’enfant comme « habilité » dans le cadre d’une habilitation familiale, puisqu’en soi le fait qu’une personne vulnérable soit dans une situation de santé très altérée, au point d’être « hors d’état d’exprimer sa volonté » (au sens de l’article 494-1 c. civ.), constitue le cadre dans lequel une habilitation familiale peut être prononcée. La motivation n’étant pas satisfaisante, un pourvoi en cassation est formé.

2. Dans un arrêt du 20 décembre 2017 (pourvoi n° 16-27507), la Cour de cassation rejette le pourvoi, confirmant ainsi l’arrêt d’appel, mais en lui substituant une autre motivation : « Attendu qu’aucune disposition légale n’autorise le juge des tutelles, saisi d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, à ouvrir une mesure d’habilitation familiale ».

3. Toute décision de justice aboutissant à écarter l’habilitation familiale, ou la réduire à peau de chagrin, doit être saluée. En effet, l’habilitation familiale est délétère, dangereuse et nuisible pour le majeur vulnérable qui en fait l’objet. Les raisons en sont simples : A) d’abord, l’habilité (le parent qui a demandé l’habilitation) peut vendre tout appartement, toute maison, et vider les placements et assurances-vie, sans avoir à demander et obtenir du juge des tutelles la moindre autorisation. Première hérésie juridique absolue.

B) Plus encore, l’habilité n’a aucun compte de gestion à rendre annuellement. Seconde faute intellectuelle de la part du Gouvernement de 2015…

C) Disons-le autrement : dès que le majeur vulnérable a de l’argent, un patrimoine, l’habilitation familiale est à bannir, tant elle permet – et facilite – par l’habilité la commission de détournements, d’abus de faiblesse au préjudice du majeur vulnérable.

D) Régulièrement, à l’université ou lors de formations juridiques, les étudiants à qui j’explique ces lacunes législatives sont saisis de vertige, puisqu’ici ou là, ils avaient cru comprendre que l’habilitation familiale constituait une initiative positive. Il n’en est rien. La famille est le lieu de toutes les tragédies, et le terreau de tant d’abus de faiblesse – mes dossiers me le rappellent chaque semaine. Un majeur vulnérable n’est pas la chose de sa famille, toute utilisation de son patrimoine doit être autorisée judiciairement, et doit donner lieu à une reddition des comptes.

E) Pour les cas dans lesquels le majeur vulnérable indigent n’aurait pas de patrimoine, on rappellera qu’une tutelle avec dispense d’établissement de comptes de gestion peut toujours être ordonnée par un juge des tutelles. Mais en ce cas, il n’y a jamais de dispense d’autorisation d’accomplir des actes de disposition (souscription d’emprunts, emploi de l’épargne qui s’accumule sur le compte courant, etc.). Et si le majeur vulnérable vient à hériter, aucune autorisation d’emploi des fonds ne pourra être faite sans l’accord du juge… contrairement à l'habilitation familiale.

4. La décision rendue par la Cour de cassation signifie qu’il n’est pas possible de solliciter une habilitation familiale lorsque le juge des tutelles (et en cas d’appel, la cour d’appel) est déjà saisi d’une demande de tutelle.

Et si, en présence d’une procédure de protection aux fins de tutelle, un membre de la famille du majeur vulnérable se croit astucieux en déposant distinctement une requête aux fins d’habilitation, cette requête ne pourra pas être examinée tant que le Juge n’aura pas statué sur la mesure de tutelle demandée. De sorte que si une tutelle est nécessaire, elle sera prononcée et l’habilitation sera écartée. A fortiori lorsque le contexte justifie dans l’intérêt du majeur l’éviction de la famille.

5. L’habilitation familiale a vocation à disparaître : en revanche, les moyens de la justice ont vocation à croître afin de permettre un contrôle efficace et complet des comptes de gestion de chaque majeur protégé, afin que leur protection judiciaire soit effective. Le respect dû aux Anciens, et aux plus fragiles, passe par cette exigence.

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A propos de l'auteur
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Valéry Montourcy, Avocat au Barreau de Paris

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