Le subrogé tuteur, pierre angulaire de la protection

Publié le 18/08/2025 Vu 64 fois 0
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En tutelle comme en curatelle renforcée, il est possible pour le Juge des tutelles de désigner un subrogé tuteur ou un subrogé curateur dont le rôle pourtant essentiel est souvent méconnu.

En tutelle comme en curatelle renforcée, il est possible pour le Juge des tutelles de désigner un subrogé t

Le subrogé tuteur, pierre angulaire de la protection

Distinct du tuteur (ou du curateur) qui exerce la mesure de protection, le subrogé (-tuteur ou -curateur) dispose de cinq prérogatives : il participe à l’inventaire (1) ; il contrôle le tuteur et, en cas de manquement constaté, alerte le Juge (2) ; il est informé et consulté avant tout acte important (3) ; il remplace le tuteur en cas de conflit d’intérêts (4) ; enfin, en cas de cessation des fonctions du tuteur, il doit aviser le Juge (5).

 

1/ Le subrogé participe à l’inventaire

 

Cette mission résulte de l’article 503 du code civil : « Le tuteur fait procéder, en présence du subrogé tuteur s'il a été désigné, à un inventaire des biens de la personne protégée ».

 

Ainsi, le subrogé tuteur est convié aux opérations d’inventaire, en tous lieux. En présence de plusieurs biens immobiliers, l’inventaire du contenu (mobilier meublant, biens de valeur, effets personnels) devra se faire en sa présence. Le subrogé est un garant de leur bon déroulement.

 

2/ Le subrogé contrôle le tuteur

 

Ce contrôle recouvre deux aspects :

 

(i) d’une part, la vérification des comptes de gestion établis par le tuteur. Cette prérogative est posée à l’article 510 al. 3 du code civil : 


« 
une copie du compte et des pièces justificatives est remise chaque année par le tuteur (...) au subrogé tuteur s’il a été nommé »

 

Ce point est connu : le tuteur a l’obligation d’adresser les comptes de gestion, non seulement au Greffe, mais au subrogé tuteur. En pratique, le tuteur doit envoyer ses comptes de gestion au subrogé tuteur AVANT de les adresser au directeur de Greffe, afin de recueillir ses éventuelles observations. 

 

L’article 512 al. 1 du code civil précise expressément que les comptes de gestion annuels sont vérifiés et validés par le subrogé tuteur : 

 

« Pour les majeurs protégés, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur (...) »

 

Lorsque le subrogé tuteur considère que les comptes sont exempts d’anomalie, il les contresigne : en ce sens, le formulaire Cerfa de remise des comptes de gestion comporte un emplacement destiné à la signature du subrogé.

 

S’il ne les a pas contresignés, le subrogé tuteur peut toujours écrire au Juge des tutelles pour lui faire part des raisons pour lesquelles il estime que les comptes de gestion sont inexacts. Le Juge convoquera alors les Parties et pourra procéder au remplacement du tuteur s’il estime que ce dernier n’apporte pas les éléments d’éclairage suffisants et que les manquements sont sérieux.

 

Naturellement, le tuteur qui n’adresse pas au subrogé un tirage de ses comptes de gestion, commet une faute, susceptible de justifier sa décharge.

 

(ii) d’autre part, et surtout, le subrogé tuteur dispose d’un pouvoir général de surveillance du tuteur au fur et à mesure de l’exercice de la mesure.

 

Ce point est méconnu. Il arrive parfois que certains Juges des tutelles (pas dans les pôles spécialisés bien évidemment) annoncent par erreur en audition ou en audience au proche pressenti pour être subrogé que son rôle se limitera au contrôle des comptes de gestion, sans avoir à interférer dans la gestion du tuteur. 

 

A l’annonce d’une telle sentence, il m’est arrivé de voir en audience le futur tuteur esquisser un léger sourire, tandis que le subrogé était déconfit (comment, attendre un an sans rien savoir de la façon dont la mesure est exercée ?) : il faut alors rappeler avec courtoisie le statut du subrogé posé à l’article 410 du code civil... 

 

En droit, la mission de contrôle s’étend à l’ensemble des actes passés par le tuteur, ainsi que le mentionne expressément l’article 410 du code civil :

 

« Le subrogé tuteur surveille l'exercice de la mission tutélaire » (al. 1) ; « il surveille les actes passés par le tuteur en cette qualité » (al. 3).

 

Le subrogé tuteur doit donc être en mesure de vérifier – sans attendre le dépôt des comptes annuels – l’ensemble des actes passés par le tuteur, même d’administration. 

 

Le subrogé tuteur est donc en droit de demander chaque mois le relevé bancaire lui permettant de vérifier que les créanciers sont payés sans retard, que le majeur protégé dispose d’un argent de vie, etc.

 

Corollaire de son pouvoir de surveillance générale, le subrogé doit alerter le Juge lorsqu’il découvre une faute commise par le tuteur : « (il) informe sans délai le juge des tutelles s'il constate des fautes dans l'exercice de la mission tutélaire. » (art. 410 al. 3 c. civ.)

 

A l’inverse, le subrogé tuteur écrira au Juge des tutelles que l’exercice de la mesure par le tuteur s’est bien passé : « (il) atteste auprès du juge du bon déroulement des opérations que le tuteur a l'obligation d'accomplir. » (art. 497 c. civ.)

 

3/ Le subrogé est informé et consulté par le tuteur avant tout acte important

 

Cette prérogative est posée à l’article 410 al. 2 du code civil : 

 

« Le subrogé tuteur est informé et consulté avant tout acte important accompli par le tuteur. »

Les actes « importants » sont, en matière patrimoniale, les actes de disposition, qui entament ou engagent le patrimoine : un achat immobilier, une vente immobilière, la souscription d’un emprunt, la conclusion d’un bail commercial lorsque le majeur protégé est le bailleur, ...

 

En matière extrapatrimoniale, les actes importants sont ceux qui ont une incidence sur la santé, le lieu de vie ou le bien-être de la personne (une institutionnalisation ; la mise en place d’aides à domicile, ...).

 

(i) Information du subrogé. L’obligation d’information pesant sur le tuteur passera le plus souvent par un échange téléphonique, le cas échéant par un mail ou un sms envoyé au subrogé, auquel celui-ci répondra. 

 

En termes de légalité procédurale, le tuteur qui envisage d’adresser une requête au Juge des tutelles devra en adresser copie au subrogé, afin que celui-ci soit en situation d’abonder, ou d’apporter un éclairage différent sur l’utilité ou la teneur de la requête.

 

(ii) Consultation du subrogé. En revanche, bien souvent le tuteur ignore qu’il doit consulter le subrogé AVANT tout acte important. Ce point est essentiel : le tuteur ne peut pas mettre le subrogé devant le fait accompli d’une requête envoyée au Juge. Un échange préalable doit avoir eu lieu.

 

Avant d’envoyer une requête aux fins de vente du domicile du majeur protégé, le tuteur devra faire part au subrogé de son souhait, et recueillir son avis.

 

Dès lors que le tuteur est diligent dans le respect de ses obligations, le subrogé a l’obligation de l’être. Il ne peut pas répondre qu’il reviendra dans un mois vers le tuteur car il est absorbé par sa vie professionnelle... 

 

D’expérience, peu de tuteurs consultent le subrogé en amont d’une décision importante à prendre. 

 

4/ Le subrogé remplace le tuteur en cas de conflit d’intérêts

 

En pratique, lorsque le jugement de protection désigne un tuteur et un subrogé tuteur, le second remplacera le premier sans autorisation nouvelle du Juge des tutelles lorsqu’un conflit d’intérêts apparaît.

 

Ainsi, lorsque le tuteur est le frère du majeur protégé, et que tous deux héritent d’un même ascendant, le tuteur ne pouvant pas à la fois être un co-héritier et représenter son frère en qualité de tuteur, le subrogé a vocation à le remplacer dans le cadre des opérations devant notaire.

 

C’est pour garantir la neutralité du subrogé lui-même que l’article 409 du code civil prévoit qu’il soit désigné, autant que possible, dans l’autre branche de la famille lorsque le tuteur familial est choisi dans l’une.

 

En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur dans le jugement de protection, en cas de conflit d’intérêts survenant au cours de la mesure, le Juge des tutelles désignera un tuteur ad hoc

 

5/ Le subrogé veille à la continuité de l’effectivité de la tutelle

 

L’article 410 al. 4 du code civil le prescrit :

 

« (le subrogé) ne remplace pas de plein droit le tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci ; mais il est tenu, sous la même responsabilité, de provoquer la nomination d'un nouveau tuteur. »

Ainsi, en cas de cessation des fonctions du tuteur, quelle qu’en soit la raison (décès, maladie, absence), le subrogé doit aviser le Juge afin que ce dernier désigne un nouveau tuteur. Naturellement, le subrogé pourra se positionner en qualité de tuteur. Mais il ne le sera qu’au terme d’une ordonnance rendue par le Juge.

 

Conclusion. Le subrogé tuteur est véritablement la pierre angulaire de l’effectivité de la protection, en ce qu’il est informé et consulté par le tuteur (ou le curateur, en curatelle renforcée), qu’il contrôle ce dernier non seulement lors de la remise annuelle des comptes de gestion qu’il transmet avec ses propres observations au Juge des tutelles, mais à tout moment de la mesure, puisqu’il dispose d’un pouvoir général de surveillance des actes passés par le tuteur. 

 

En tant que praticien depuis près de vingt ans du droit des majeurs protégés, j’estime fondamental qu’un subrogé, familial ou professionnel, soit désigné par le Juge des tutelles dans la plupart des dossiers. Sa désignation constitue une garantie précieuse d’exercice de la mesure de protection, conforme à l’intérêt de la personne protégée. 

 

Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
Droit des majeurs vulnérables (sauvegardes, curatelles, tutelles)
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A propos de l'auteur
Blog de Maître Valéry Montourcy

Valéry Montourcy, Avocat au Barreau de Paris

Domaines d'expertise :

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