Tutelle et principe de primauté familiale

Publié le 05/08/2025 Vu 80 fois 0
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Dans la désignation du protecteur, le Juge des tutelles privilégiera un ou plusieurs proches de la personne vulnérable, si cette désignation est conforme à l’intérêt de la personne à protéger.

Dans la désignation du protecteur, le Juge des tutelles privilégiera un ou plusieurs proches de la personne

Tutelle et principe de primauté familiale

1. Désignation anticipée. Toute personne adulte peut, à tout âge, désigner par anticipation la personne qu’elle aimerait avoir pour curateur ou pour tuteur, dans l’hypothèse où les aléas de l’existence la conduiraient à relever d’une curatelle ou d’une tutelle. 


L’article 448 du code civil envisage cette situation :

 

« La désignation par une personne d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle s'impose au juge »

 

En principe, le juge des tutelles est légalement tenu de respecter ce souhait.

 

Bien évidemment, ce principe connaît des exceptions : cette désignation anticipée suppose non seulement que le moment venu, en cas de survenance de la vulnérabilité, le protecteur de coeur soit vivant, en bonne santé, mais encore qu’il accepte toujours la mission. La désignation anticipée est un engagement moral qui ne lie pas la personne pressentie pour s’occuper de soi. C’est le sens de la suite de la phrase :

 

« ... s'impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer (...) »

 

Que le tuteur pré-désigné soit vivant, vaillant et volontaire est une chose, mais il y a plus : il faut encore que cette désignation soit conforme à l’intérêt de la personne protégée, que le Juge des tutelles appréciera souverainement dans le cadre de son instruction, au terme de ses auditions. C’est ainsi que se comprend la fin de la phrase :

 

« (...) ou si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter. »

 

L’intérêt de la personne protégée est le « principe cardinal de la matière » (Thierry Verhaede).

 

Si la protecteur pré-désigné parle sans respect de la personne vulnérable dans le cabinet du juge, ou s’il n’a plus de lien véritable par rapport à l’époque – des années avant – de sa désignation, parce qu’entretemps tous deux se sont brouillés, ou que le lien s’est tout simplement distendu... il est évident que le Juge des tutelles écartera cette désignation anticipée qui procédait d’un lien de confiance appartenant au passé.

 

En pratique, une désignation anticipée de curateur ou de tuteur se rencontre très rarement. Je la recommande dans certaines situations spécifiques.

 

2. Principe de primauté familiale... ou affective. Lorsqu’une personne se retrouve atteinte d’une affection neuro-dégénérative ou de toute autre altération mentale ne lui permettant plus de se gouverner, au point qu’une mesure de protection devient nécessaire, alors le Juge des tutelles, saisi d’une requête aux fins de protection (par le procureur ou tout parent ou ami de la personne à protéger), va, en l’absence de connaissance ou d'existence d’une désignation anticipée (cf. 1.), privilégier la désignation d’un proche. 

 

En effet, protéger « est un devoir des familles et de la collectivité publique. » (art. 415 al. 4 du code civil).

 

Les deux premiers alinéas de l’article 449 du code civil nous instruisent de la méthode suivie par le Juge des tutelles :

 

« A défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. 

« A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. »

 

Il existe en effet une priorité dans la primauté : le Juge privilégie d’abord la personne qui partage la vie sentimentale de la personne vulnérable, le « protecteur naturel » en somme (en cas de mariage, le conjoint ; en cas de pacs, le compagnon pacsé ; en cas d’union libre, le concubin) – avec une cause d’exclusion tenant à la séparation effective du couple (dès lors que celle-ci n'est pas due à une hospitalisation naturellement).

 

En l’absence d’époux, de compagnon ou de concubin, le Juge va désigner : 

 

- un parent (ascendant, descendant, collatéral...)

- un allié (un beau-père, une belle-mère, un beau-fils, une belle-fille, un gendre...)

- ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables (un ami de longue date).

 

C’est dire si le principe de primauté familiale est en réalité un principe de primauté affective

 

Mais cette désignation par le Juge des tutelles, d’un « proche », suppose que le majeur protégé, s’il est apte à s’exprimer, le veuille (un Juge ne désignera pas un « proche » dont la personne vulnérable ne veut pas comme protecteur, a fortiori si l’intéressé préfère un tuteur professionnel), et que cette parole ne heurte pas son intérêt. Tant de majeurs vulnérables proposant volontiers comme tuteur le « proche » qui les dépouille, les maltraite ou les maintient sous emprise.

 

3. Intérêt du majeur protégé. Le dernier alinéa de l’article 449 du code civil fournit la méthodologie suivie par le Juge : 

 

« Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. »

 

Bien entendu, dans de nombreuses situations, la personne vulnérable (sauf à être altérée à un stade très avancé) propose spontanément un membre bienveillant de sa famille (voire plusieurs). Dans de nombreuses autres situations, la personne vulnérable désigne un proche envers qui elle a de l’affection, mais qui n’a pas l’aptitude à exercer la mesure (par manque de temps, d’instruction, de maîtrise comptable, ou de respect envers les autres membres de la famille).  Dans ces exemples, et tant d’autres, le Juge estimera que le proche ne peut exercer la mesure, à l’aune de l’intérêt de la personne à protéger, et désignera un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (un M.J.P.M.), conformément à l’article 450 du code civil :

 

« Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs »

 

Ainsi, le principe de primauté familiale, ou plus exactement le principe de primauté affective et familiale, ne constitue pas un droit pour un proche d’un majeur à protéger, à exercer la mesure, mais un droit pour le majeur à protéger, un droit conditionné à la conformité de la candidature à son intérêt, qu'apprécie le Juge des tutelles. C’est cela l’ordre public de protection.

 

Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
Droit des majeurs vulnérables (sauvegardes, curatelles, tutelles)
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A propos de l'auteur
Blog de Maître Valéry Montourcy

Valéry Montourcy, Avocat au Barreau de Paris

Domaines d'expertise :

Droit des majeurs protégés : tutelles, curatelles, sauvegardes de justice, mandats de protection future, habilitations familiales

Défense devant les Juge des tutelles ou la Chambre des Tutelles des Cours d'appel.

Défense des majeurs protégés. 

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Rédaction de mandats de protection future.

 

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