Le congé bonifié, qui permet aux agents éloignés de leur lieu de résidence habituel de mieux vivre la distance par rapport à leurs proches, a principalement deux effets. D’une part, il conduit à la prise en charge par l’administration de toute ou partie des frais de voyage et, d’autre part, il donne lieu à un allongement de 30 jours maximum dudit congé.
Dès lors, la détermination de ce qu’est le « lieu de résidence » au sens du décret n° 78-399 du 20 mars 1978 est une question majeure.
Le décret donne en son article 3 une définition du lieu de résidence comme étant celui sur lequel se trouve le « centre des intérêts moraux et matériels » du fonctionnaire.
Cette définition n’est pas particulièrement explicite et ne permet pas de comprendre réellement qui a droit à un congé bonifié.
Dans ces conditions, il est nécessaire de se pencher sur cette notion de « centre des intérêts moraux et matériels » (I.) et sur la manière de prouver où il se trouve (II.).
I. Qu’est-ce que le « centre des intérêts moraux et matériels » ?
Afin de définir ce qu’est le « lieu de résidence » ou le « centre des intérêts moraux et matériels » mais surtout pour faciliter la compréhension de ce texte par les administrations et les agents, l’Etat a émis plusieurs circulaires pour expliciter cette notion.
La doctrine administrative de l’Etat sur cette question est principalement résumée dans deux circulaires, l’une du 5 novembre 1980 et l’autre du 3 janvier 2007 (n° 2129).
Dans ces circulaires, si l’administration rappelle que l’octroi d’un congé bonifié dépend des circonstances propres à chaque espèce, elle donne des listes de « critères » permettant de bénéficier d’un congé bonifié :
- Domicile des père et mère ou à défaut des parents les plus proches ;
- Biens fonciers situés sur le lieu de la résidence habituelle ;
- Domicile avant l’entrée dans l’administration ;
- Lieu de naissance et de naissance des enfants ;
- Bénéfice antérieur d’un congé bonifié ;
- Lieu où le fonctionnaire est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
- Commune où le fonctionnaire paye certains impôts, en particulier l’impôt sur le revenu ;
- Affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé son affectation actuelle ;
- Lieu d’inscription de l’agent sur les listes électorales ;
- Etudes effectuées sur le territoire considéré par l’agent et/ ou ses enfants ;
- Fréquence des demandes de mutation vers le territoire considéré ;
- Fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
- Durée des séjours dans le territoire considéré.
Néanmoins, il ne faut pas s’y tromper.
Il ne s’agit pas de critères (cumulatifs ou non) mais simplement d’indices qui ne suffisent pas à eux seuls à démontrer la présence du « centre des intérêts moraux et matériels » sur un territoire.
En effet, ces différents indices doivent être mis en balance pour déterminer sur lequel des territoires en question est située la « résidence habituelle ».
Ainsi, à titre d’exemple, le fait d’être né sur un territoire sur lequel vivent ses parents et frères et sœurs, d’y posséder un bien en indivision ainsi qu’un compte bancaire et d’y retourner régulièrement ne suffit pas à démontrer que sa « résidence habituelle » est située sur ce territoire (CAA Paris, 23 janvier 2007, Ministre de l’économie, n° 03PA04655).
De même, le fait de demander systématiquement sa mutation sur un territoire et d’y posséder un bien en indivision ne suffit pas à démontrer que l’on y possède sa « résidence habituelle » (CE. SSR. 30 juin 2010, Mme Boudre, n° 304456, mentionné aux tables).
En effet, dans toutes ces hypothèses, il doit également être tenu compte des indices qui plaident en faveur d’une « résidence habituelle » sur le territoire sur lequel exerce l’agent.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’y tromper, il s’agit bien d’une balance entre différents éléments et non de critères.
II. Comment prouver où se situe sa « résidence habituelle » ?
Assez logiquement, c’est à l’agent de démontrer que le centre de ses intérêts moraux et matériels n’est pas situé sur le territoire sur lequel il exerce.
C’est ce que rappellent les circulaires.
Aussi, l’agent doit produire, pour chaque demande, les documents attestant de ce que le centre de ses intérêts matériels et moraux se trouve sur un autre territoire (titres de propriété, avis d’imposition, certificat de résidence des membres de sa famille, etc.).
A défaut de produire ces documents, sa demande sera rejetée.
A cet égard, les circulaires sont trompeuses sur un point. En effet, elles laissent penser que l’octroi d’un précédent congé bonifié donnerait une présomption de résidence sur le territoire en question.
Or, cette affirmation est frontalement contraire à la jurisprudence qui rappelle « que la localisation […] du centre des intérêts matériels et moraux du fonctionnaire doit être appréciée à la date de la décision prise sur chaque demande d’octroi du congé bonifié » (CE. SSR. 30 juin 2010, Mme Boudre, n° 304456, mentionné aux tables).
Ainsi, la situation de la résidence habituelle doit être appréciée à chaque demande et, plus précisément, à la date à laquelle l’administration se prononce. Dès lors, et contrairement à ce que laissent penser les circulaires, il n’existe aucun droit acquis au congé bonifié (voir, par exemple, en ce sens : CAA Bordeaux, 7 juillet 2004, Mme Ducheveu, n° 00BX01806 ; CE. SSJS. 23 septembre 1996, M. Eugène, n° 121278 ; CE. SSJS. 7 octobre 1992, Mlle Magona, n° 116950).
Dans ces conditions, c’est bien à chaque demande que l’agent droit démontrer que sa résidence habituelle n’est pas sur le territoire sur lequel il exerce.
Septembre 2017
Bruno Roze
Avocat au Barreau de Paris
5, rue Cambon 75001 Paris
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