Conventions de forfait-jours sur l’année : les conditions de validité

Publié le 08/07/2011 Vu 5 725 fois 0
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Dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107), la Cour de cassation a été conduite à statuer sur les conditions de validité d’une convention de forfait-jours, au regard du respect par l’employeur des dispositions de l’accord collectif prévoyant le recours à une telle convention. Cet arrêt est l’occasion de rappeler les règles de validité des conventions de forfait-jours sur l’année, qui ne sont pas toujours conclues de manière régulière.

Dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107), la Cour de cassation a été conduite

Conventions de forfait-jours sur l’année : les conditions de validité

1. La convention de forfait-jours doit être prévue par une convention ou un accord collectif de travail

 

1.1. Modalités de mise en œuvre

 

Il résulte de l’article L. 3121-39 du Code du travail que la conclusion de conventions individuelles de forfait sur l'année est subordonnée aux conditions suivantes :

 

- que cette possibilité soit prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

- que cet accord collectif détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les « caractéristiques principales » de ces conventions.

 

Il est rappelé que, depuis la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'accord d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche.

 

Par conséquent, les partenaires sociaux dans l’entreprise ou d'établissement peuvent organiser, par voie d’accord collectif, les modalités des conventions de forfait-jours, et ainsi déroger à l’accord de branche.

 

Naturellement, les dispositions de l’article L. 3121-39 du Code du travail précité doivent être respectées dans tous les cas.

 

En particulier, le nombre de jours travaillés dans l'année, fixé par la convention ou l'accord collectif, ne peut excéder 218 jours (article L. 3121-44 du Code du travail).

 

S’agissant des « caractéristiques principales » des conventions de forfait, il est nécessaire de prévoir le contrôle du nombre de jours travaillés, les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos ou, encore, l’évaluation de la charge de travail.

 

1.2. Conséquences d’une irrégularité de la convention ou de l’accord collectif

 

Que les conventions de forfait-jours soient prévues au niveau de la branche, de l’entreprise ou de l’établissement, l’accord de mise en place doit en tout état de cause déterminer les catégories de salariés susceptibles de conclure de telles conventions, la durée annuelle du travail et leurs principales caractéristiques.

 

Ces exigences sont impératives et conditionnent donc la validité des conventions de forfait.

 

A titre d’illustration, la Cour de cassation a censuré, dans un arrêt du 16 novembre 2007 (Cass. soc. 16 novembre 2007, n° 06-40.417), les dispositions de la convention collective des services de l’automobile qui ne mentionnaient pas un nombre précis de jours travaillés.

 

Face à une telle irrégularité, le salarié était fondé à considérer qu’il était soumis au régime de droit commun, soit 35 heures par semaine, et à former des demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

 

Rappelons à cet égard qu’il résulte de l’article L. 3171-4 du Code du travail qu’en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

 

Le texte ajoute qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

 

L’irrégularité de la convention de forfait ne dispense donc pas le salarié de rapporter la preuve des heures supplémentaires.

 

2. La convention de forfait-jours doit être prévue par le contrat de travail ou un avenant contractuel

 

2.1. Exigence d’un accord écrit

 

Selon l’article L. 3121-40 du Code du travail : « la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit. »

 

Cet article est issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, étant précisé que la Cour de cassation avait déjà jugé que la conclusion d’une convention de forfait nécessite l’accord du salarié concerné (Cass. soc. 26 mars 2008, n° 06-45.990).

 

Par conséquent, même s’il résulte d’une convention ou d’un accord collectif que le poste occupé par le salarié implique une convention de forfait-jours, l’accord écrit de ce dernier est impératif.

 

Cet accord ne saurait être tacite et être déduit, par exemple, de l’absence d’opposition du salarié pendant plusieurs années.

 

2.2. Conséquences du refus du salarié

 

La question se pose de savoir quelle attitude l’employeur peut adopter en cas de refus du salarié de régulariser une convention de forfait-jours en application d’une convention ou d’un accord collectif.

 

L’article L. 1222-8 du Code du travail dispose à cet égard que « lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique. Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. »

 

La Cour de cassation (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 04-40.504) a été conduite à préciser « qu'en cas de licenciement motivé par le refus d'un salarié de la modification de son contrat de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail (…) la lettre de licenciement doit comporter l'indication de cet accord. »

 

Enfin, s’agissant de la légitimité de ce motif de licenciement, la haute juridiction considère qu’il appartient au juge du fond « d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard des seules dispositions de l'accord collectif de réduction du temps de travail » (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 04-41.935).

 

3. La convention de forfait-jours ne peut concerner que certaines catégories de salariés déterminés

 

Il résulte de l’article L. 3121-43 du Code du travail que peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année :

 

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

 

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a ainsi ouvert la possibilité de conclure des conventions de forfait-jours avec des salariés non cadres, solution réservée jusqu’alors aux cadres autonomes.

 

Dans les deux cas (cadres ou non-cadres), il appartient à la convention ou l’accord collectif de déterminer les catégories de salariés concernés (§ 1.1. ci-dessus).

 

En cas de litige sur le bien fondé du recours à la convention de forfait-jours au regard du poste occupé par le salarié, le juge du fond doit vérifier l’adéquation de la convention par rapport au poste de travail (Cass. soc. 16 mai 2007 n° 05-43.643).

 

4. La convention de forfait-jours doit faire l’objet d’un suivi

 

Dans son arrêt du 29 juin 2011 susvisé (en introduction), la Cour de cassation a jugé que lorsque l'employeur contrevient aux clauses d'un accord collectif organisant le contrôle et le suivi des conventions de forfait-jours, ces conventions sont privées d’effet et le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

 

En l’espèce, l’employeur n’avait pas établi de document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, alors que l’accord collectif posait ces exigences.

 

Ainsi, la Cour de cassation fait du respect du suivi de la convention de forfait-jours une condition même de sa validité.

 

L’employeur doit donc faire preuve d’une grande vigilance, tant sur les obligations mises à sa charge par la convention ou l’accord collectif régissant le forfait-jours que sur l’application de ce forfait-jours tout au long de l’exécution du contrat de travail.

 

A cet égard, outre les dispositions de la convention ou de l’accord collectif applicable, il est rappelé que l’article L. 3121-46 du Code du travail prévoit que le salarié titulaire d’une convention de forfait-jours doit bénéficier d’un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.

 

 

Xavier BERJOT

Avocat Associé

OCEAN AVOCATS

www.ocean-avocats.com

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