Indemnité pour travail dissimulé : l’intention de l’employeur doit être établie

Publié le 01/07/2015 Vu 2 835 fois 0
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Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, à juste titre, que le juge ne peut condamner l’employeur à verser au salarié l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sans établir son intention frauduleuse (Cass. soc. 16 juin 2015, n° 14-16953).

Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, à juste titre, que le juge ne peut condamne

Indemnité pour travail dissimulé : l’intention de l’employeur doit être établie

1/ Champ d’application du travail dissimulé

Selon l’article L. 8221-1, 1° du Code du travail, est interdit le travail « totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5. »

Deux cas distincts sont ainsi prévus par le Code du travail.

- Par l’article L. 8221-3 : le travail dissimulé dit « par dissimulation d’activité », défini comme l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui se soustrait à ses obligations d’immatriculation ou de déclaration aux organismes compétents.

Exemple : sont coupables de travail dissimulé deux frères ayant fréquemment effectué des travaux de réparation automobile avec un matériel professionnel et moyennant rétribution, de manière clandestine (Cass. crim. 8 février 2000 n° 99-82.109).

- Par l’article L. 8221-5 : le travail dissimulé dit « par dissimulation d'emploi salarié », défini comme le fait, pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.

C’est ce dernier texte qui est fréquemment invoqué devant les juridictions prud’homales, notamment par les salariés qui sollicitent le paiement d’heures supplémentaires.

En effet, se fondant sur le paragraphe 2° de l’article L. 8221-5, ils soutiennent que la mention d’un nombre d’heures de travail insuffisant, sur leurs bulletins de paie, est constitutive de travail dissimulé.

2/ Sanctions du travail dissimulé

Le travail dissimulé fait l’objet de sanctions pénales, administratives et civiles.

Sur le plan pénal, ce délit est puni d'un emprisonnement de 3 ans et d'une amende de 45 000 euros (C. trav. art. L. 8224-1).

Des peines plus sévères sont prévues par les articles suivants en cas de circonstances particulières (travail dissimulé à l’encontre d’un mineur soumis à l’obligation scolaire, en bande organisée,…).

Sur le plan administratif, les employeurs déclarés coupables de travail dissimulé s’exposent à diverses sanctions, comme la mise à l’écart des marchés publics, la privation d’aides, de subventions ou de réductions / exonérations de cotisations sociales,…

Sur le plan civil, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire (C. trav. art.  L. 8223-1).

Cette sanction financière est souvent sollicitée par les salariés réclamant le paiement d’heures supplémentaires ou remettant en cause leur convention de forfait-jours.

L’arrêt du 16 juin 2015 rappelle opportunément que l’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire ne peut pas être retenue par le juge si l’intention frauduleuse de l’employeur n’est pas prouvée.

3/ Caractérisation du travail dissimulé

Dans cet arrêt, un salarié engagé en qualité d'accompagnateur par une entreprise de services à la personne sollicitait un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires réalisées au-delà de la limite du contingent annuel ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par arrêt du 13 mars 2014, la Cour d’appel de Paris a condamné l’employeur au versement de l’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire, aux motifs que l'élément intentionnel du travail dissimulé était établi du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail.

La Cour a justifié sa position par le fait que l’accord d’entreprise était illicite car il prévoyait un nombre d'heures annuelles supérieur au plafond légal de 1607 heures et ne fixait notamment pas les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, rappelant que « le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite. »

Cette décision est parfaitement conforme tant au texte qu’à la lettre de l’article L. 8221-5 selon lequel le travail dissimulé n’est caractérisé que si l’employeur a agi « intentionnellement » (cf. § 1).

A titre d’exemple, est coupable de travail dissimulé l'employeur qui refuse de payer le temps de déplacement professionnel entre le domicile d'un client et celui d'un autre client, dès lors que son intention coupable se déduit de son refus persistant de se soumettre à la législation en vigueur malgré deux rappels de l'administration du travail (Cass. crim. 2 septembre 2014 n° 13-80.665).

En revanche, la dissimulation d'emploi salarié n'est pas caractérisée si le salarié ayant accompli des heures supplémentaires ne rapporte pas la preuve que l'employeur a, sciemment, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué (Cass. soc. 24 mars 2004, n° 01-43.875).

En conclusion, les juges ne peuvent pas retenir le délit de travail dissimulé sans juger que l'employeur a agi intentionnellement.
 

Xavier Berjot

Avocat Associé

OCEAN Avocats

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