Prime versée au salarié : quand devient-elle obligatoire ?

Publié le 31/01/2017 Vu 10 667 fois 0
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Lorsqu’une prime est prévue par le contrat de travail, une convention collective ou un accord d’entreprise, son caractère obligatoire ne pose généralement pas de difficultés. Mais qu’en est-il, à l’inverse, lorsque cette prime résulte seulement d’une pratique de l’employeur ? Les solutions applicables varient…

Lorsqu’une prime est prévue par le contrat de travail, une convention collective ou un accord d’entrepris

Prime versée au salarié : quand devient-elle obligatoire ?

1/ Qu’est-ce qu’une gratification bénévole ?

Les primes ou gratifications sont considérées comme « bénévoles » lorsqu’elles procèdent d’un versement libre de la part de l’employeur.

Ainsi, elles ne revêtent aucun caractère obligatoire et l’employeur n’est pas tenu de répéter leur versement, qui a alors la nature d’une libéralité.

Par nature, les gratifications bénévoles sont celles qui ne sont pas déterminées par le contrat de travail, une convention collective ou un accord d’entreprise ou, encore, par un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur.

Dans le cas inverse, ces primes constituent des engagements obligatoires, même si leur versement peut être soumis à conditions.

La jurisprudence fournit des exemples de primes qui dépendent uniquement de l’employeur.

Ainsi, sont des gratifications bénévoles :

- La prime de fin d'année dont le montant n'est pas déterminé suivant un mode de calcul invariable mais qui est fixé chaque année de manière différente, au seul gré de l'employeur (Cass. soc. 5 novembre 1987, n° 85-40046) ;

- La prime dont les montants sont discrétionnaires et qui est attribuée à l'occasion d'un événement unique (Cass. soc. 14 octobre 2009, n° 07-45587) ;

- Une prime accordée « suivant le travail accompli, la marche de l'affaire et l'ancienneté » (Cass. soc. 6 novembre 1984, n° 82-41120) ;

- Une prime de « non-accident » dès lors qu'un simple accident entraîne la suppression de son paiement, ce qui signifie qu’il ne peut pas s’agir d’un complément de salaire (Cass. soc. 3 juillet 2001, n° 99-42758).

Un arrêt récent vient de se prononcer sur la qualification de gratification bénévole, notion qui est souvent source de litiges.

Ainsi, doit être débouté de sa demande de prime exceptionnelle et de prime de fin d'année le salarié qui ne démontre pas que leur paiement constituait un usage d’entreprise, faute de répondre aux critères de constance, de généralité ou de fixité (Cass. soc. 11 janvier 2017, n° 15-15819).

Dans cet arrêt, le Cour de cassation retient les motifs suivants :

- « Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié ne démontrait pas que le paiement de la prime exceptionnelle et de la prime de fin d'année constituait un usage d'entreprise, faute de répondre aux critères de constance, de généralité ou de fixité, que ce soit dans le montant ou dans le mode de calcul, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé. »

NB. Cet arrêt est conforme à la jurisprudence antérieure en ce qu’il considère que la charge de la preuve du caractère obligatoire d'une gratification appartient, en sa qualité de demandeur, au salarié (Cass. soc. 1er avril 1981, n° 79-41424).

Au-delà de cette remarque, la décision est intéressante dans la mesure où elle rappelle que seule une prime répondant aux caractères de constance, de généralité et de fixité, fait naître une obligation à la charge de l’employeur.
 

2/ Quand le versement d’une prime devient-il obligatoire ?

Pour la Cour de cassation, une gratification devient un élément de salaire, et cesse d'être une simple libéralité, dès lors que son usage est général, fixe et constant (Cass. soc. 28 février 1996, n° 93-40883).

Dans cet arrêt, tel était le cas d’une prime de fin d’année fixe dans son montant, et ce depuis quatre ans.

Les caractères de généralité, de fixité et de constance sont cumulatifs.

Ainsi, la Cour de cassation a pu juger qu’une cour d'appel ne peut décider qu'une prime de fin d'année revêt le caractère d'un usage sans vérifier si la prime répond à un mode de calcul fixe et constant, qu'elle est versée selon des critères objectifs et que son montant identique pour les salariés (Cass. soc. 13 juin 2012, n° 10-25011).

Le caractère de généralité n’implique pas nécessairement que la prime soit versée à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement.

A titre d’exemples :

- La prime versée à tous les employés, techniciens et agents de maîtrise revêt un caractère général (Cass. soc. 10 janvier 1980, n° 78-41303) ;

- Revêt un caractère de généralité la prime allouée à l'ensemble du personnel d'encadrement (Cass. soc. 27 mai 1987, n° 82-42115) ;

- En revanche, ne présente pas le caractère requis de généralité la prime versée aux salariés présents dans l'établissement à une certaine époque et non aux salariés recrutés ultérieurement (Cass. soc. 12 novembre 1987, n° 85-42539).

Le caractère de constance implique, pour sa part, un versement constaté sur plusieurs années.

Le versement d'une gratification annuelle deux années de suite, prouvé par les fiches de paie des deux années considérées, ne suffit pas à établir une constance propre à rendre ladite gratification obligatoire (Cass. soc. 14 mars 1985, n° 83-42105).

Au contraire, une prime versée d'une manière régulière depuis cinq ans présente un caractère de constance même si son motif de versement varie chaque année (Cass. soc. 28 octobre 1981, n° 80-11299).

De même, le versement répétitif d'une prime de gestion, y compris lorsque les résultats de l'entreprise sont négatifs, suffit à en établir l'usage (Cass. soc. 14 octobre 1998, n° 96-43066).

Enfin, le caractère de fixité implique que la prime soit déterminée selon un mode de calcul convenu entre l’employeur et le salarié ou, en tout état de cause, selon un critère fixe et précis.

C’est ainsi que présente le caractère de fixité une prime de fin d'année dont le montant est systématiquement corrélé au salaire minimum (Cass. soc. 27 mars 1985, n° 82-42391).

De même, présente un caractère obligatoire la gratification qui, outre qu'elle ait été payée durant cinq ans, bénéficie à l'ensemble du personnel, est calculée en fonction de critères objectifs résultant de la moyenne des absences et d'un pourcentage du salaire (Cass. soc. 17 février 1999, n° 96-43301).

A l’inverse, des gratifications variables dans leur montant et fonctions d'éléments discrétionnaires non déterminés par avance avec certitude ne présentent pas le caractère de fixité (Cass. soc. 12 juin 1986, n° 85-41132).
 

Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
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