Les faits : Alors que le Barreau de la RDC célèbre son 57 eme anniversaire, l’admission des avocats étrangers en son sein, soulève une tension entre la vocation universelle de la profession et l’exigence de rigueur législative. Depuis l’ordonnance-loi de 1968, le barreau congolais a inscrit certains avocats étrangers à son tableau sans exiger la condition de réciprocité ou l’existence d’une convention internationale. Ces admissions postérieures à 1968 ont échappé à l’exigence traditionnelle de la nationalité congolaise ou de critères de réciprocité. Il sied donc de jeter un regard critique, en fait et en droit, sur la cohérence de ces pratiques au regard des textes en vigueur et proposer des pistes de correction.
En Droit : L’ordonnance-loi 79-028 du 28 septembre 1979 précise en son article 7 que « nul ne peut accéder à la profession d’avocat… s’il n’est congolais ; toutefois l’étranger pourrait y accéder sous condition de réciprocité ou en vertu des conventions internationales ». En parallèle, l’article 154 de l’ordonnance-loi n° 68/247 du 10 juillet 1968 maintient un régime dérogatoire pour les étrangers déjà inscrits avant la réforme, sans exiger la réciprocité ou un traité international. Plus récemment, la décision n° 37/CNO/RIC/020 du 12 septembre 2020 a rappelé l’obligation de réciprocité pour toute nouvelle admission d’un avocat étranger au barreau congolais. À plusieurs reprises, des barreaux ont accepté des candidatures – sur base d’accord de jumelages et autres - en contradiction avec l’article 7 de l’ordonnance-loi 79-028 de 1979, générant un litige récurrent au sein de l’Ordre des avocats.
Les admissions qui ne respectent ni la réciprocité ni l’existence d’une convention internationale fragilisent la primauté du droit et portent atteinte à l’honneur de la profession. Ces pratiques créent une inégalité de traitement entre les candidats, contredisant le principe selon lequel « l’admission au barreau relève du domaine de la loi » et n’admet pas de dérogations de fait ; les conditions y sont « non négociables pour quelque motif que ce soit ». Le manquement à l’article 7 entraîne une distorsion de la concurrence professionnelle et un risque de violation du principe d’égalité devant la loi. Il en résulte un affaiblissement de la légitimité de l’Ordre et un risque de contentieux disciplinaires ou administratifs. Pour restaurer la cohérence du système, plusieurs mesures peuvent être envisagées : Rétablir l’examen strict des dossiers sur la base du seul article 7, en exigeant un certificat de réciprocité émanant des autorités étrangères compétentes ; mettre à jour le RIC pour préciser les procédures et responsabilités des conseils de l’Ordre en matière de vérification des conditions d’admission et ; organiser des sessions de sensibilisation afin d’assurer une application uniforme et rigoureuse des normes légales. Ces actions visent à prévenir toute « fraude à la loi qui corrompt tout ».
Au finish, le respect rigoureux de l’article 7 et de la décision du Conseil National de l’Ordre est indispensable pour garantir l’intégrité de la profession d’avocat en RDC. Il n’est jamais trop tard pour rectifier les admissions entachées d’irrégularités et réaffirmer que les droits acquis ne se conçoivent pas là où la loi a été contournée. Toutefois, ayons présent à l’esprit le fait que la RDC est à la fois membre de la CEEAC, de la SADC, du COMESA et, depuis 2022, de l’EAC et s’est engagée à faciliter la prestation transfrontalière de services y compris juridiques. Cela nourrit le débat sur la nécessité d’aligner la législation congolaise avec ses engagements régionaux ; qui invitent à une ouverture encadrée, tout en maintenant la priorité au respect de l’ordre public et des exigences de compétence. En maintenant un régime figé, la RDC s’expose au risque de non-respect de ses engagements sous régionaux et l’absence d’un cadre clair peut mener à des décisions contestables et à un sentiment d’arbitraire parmi les candidats. Que faire ? That is the question !
Me Joseph YAV KATSHUNG