Les faits : Le « branding national » ou la « marque pays » voire l’image de marque d’un pays est devenue le nouveau mantra des États en quête de reconnaissance internationale. En RDC, deux slogans se disputent la vedette : « Visit RDC », promu à coups de millions dans les stades européens, et « RDC, Cœur de l’Afrique », plus poétique mais tout aussi orphelin de stratégie. Derrière ces formules séduisantes se cache une réalité moins reluisante, un branding qui ressemble davantage à un mimétisme institutionnel sans lendemain qu’à une politique publique structurée. Qu’en est-il au juste ?
En Droit : Pour Simon Anholt [2003] à l’origine du concept, la « marque pays » peut se définir comme « une identité nationale rendue tangible, solide, transmissible et utile ». Une telle définition laisse poindre la tension latente entre le projet d’élaboration d’une identité de marque compétitive pour un pays et l’identité nationale inhérente à ce dernier.
À première vue, l’idée de créer une marque pays peut sembler simple. Il est en général fait référence à la stratégie adoptée par un pays pour véhiculer une image particulière de lui-même au-delà de ses frontières afin d’en retirer certains avantages. La notion est associée à l’existence d’un « grand marché mondial » où les pays rivalisent pour attirer le plus grand nombre de touristes, d’investisseurs, de consommateurs, d’événements, etc. Cependant, créer une marque pays n’est pas une tâche simple. Premièrement, l’image d’un pays dépasse largement les éléments mis en avant dans une campagne nationale de promotion de la marque, tels qu’un graphisme créatif, les paysages ou les produits ou services présentés. Ce qui est communiqué, consciemment ou inconsciemment, est aussi important que la perception générale du pays qu’ont les publics cibles. La façon dont ces perceptions se forment échappe largement au contrôle du pays. Deuxièmement, la manière dont un pays est évalué transcende son attrait économique ou commercial. Le processus fait également intervenir des facteurs tels que les mesures prises par le pays pour améliorer la qualité de vie de ses citoyens et la manière dont il contribue au bien-être de l’humanité au-delà de ses frontières.
La RDC s’est alliée avec de prestigieux clubs européens tels que le FC Barcelone, l’AS Monaco ou encore l’AC Milan. L’objectif affiché : promouvoir la destination RDC à travers le slogan « Explore RDC, Cœur de l’Afrique ». Toutefois, il ne faut pas que ce branding soit juste une poudre aux yeux. Le hic ? Les critiques fusent sur les sommes faramineuses dépensées pour ces campagnes. Le branding congolais semble croire que l’image précède le contenu, que l’affichage suffit à créer l’attractivité. C’est le règne du branding sans produit, où l’on vend une promesse sans infrastructure, sans sécurité, et parfois sans routes. Pendant ce temps, des petits pays voisins, investissent dans des stratégies intégrées, avec des offices du tourisme, des guides certifiés, et des campagnes ciblées. En RDC, on préfère le logo au logiciel, le slogan au service, et le maillot au ministère.
Sur le plan juridique, les slogans relèvent du droit de la propriété industrielle, régi par la loi n°82-001 du 7 janvier 1982. Le dépôt auprès du Ministère de l’Industrie est indispensable pour garantir un droit exclusif. Mais là encore, le branding semble avoir oublié ses papiers : aucun dépôt officiel connu, aucune classification internationale, et une vulnérabilité totale face à la contrefaçon. La RDC n’étant pas membre de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), la protection reste nationale - ce qui est ironique pour un slogan censé rayonner aux delà des frontières.
En définitive, il ne suffit pas de faire connaître son existence pour attirer des touristes ou des investisseurs ; les gens ont besoin de motivations pour choisir un pays avec lequel faire des affaires. Pour éviter que le branding ne devienne une opération cosmétique, il faut une structure interinstitutionnelle, une vision à long terme, et surtout, une protection juridique solide. Et surtout, nettoyons aussi la maison pour que le visiteur du Cœur de l’Afrique soit à l’aise. Car inviter le monde à visiter un pays presque sans infrastructures, sans accueil, et sans coordination, c’est comme poser un paillasson devant une porte qui n’a pas encore de murs. Construisons d’abord et puis, voir venir !
Prof. Joseph YAV KATSHUNG, Mandataire Agrée en Propriété Industrielle