Les faits : Dans une société en constante évolution, les droits des femmes et l’égalité de genre sont devenus des sujets importants. Le concept « debitum conjugal » est rattaché à des idées traditionnelles de mariage où l’époux, est vu comme ayant des obligations spécifiques envers l’autre. Cependant, avec l’évolution des droits de la femme et des relations plus équilibrées, ces concepts sont en train de changer.
C’est le cas avec la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme [CEDH], qui vient de condamner la France ce 23 janvier 2025 dans l’affaire H.W. c. France [requête no 13805/21], en tranchant qu’une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme « fautive » en cas de divorce. La Cour a donné raison à la requérante, une Française de 69 ans dont le mari avait obtenu le divorce aux torts exclusifs de son épouse au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années.
Pour la Cour, le devoir conjugal dans cette affaire, ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles, alors même que celui-ci constitue une limite fondamentale à l’exercice de la liberté sexuelle d’autrui. À cet égard, la Cour rappelle que tout acte sexuel non consenti est constitutif d’une forme de violence sexuelle. Ceci est-il envisageable en RDC ?
En Droit : En France, l’article 212 du Code civil dispose que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». La loi ne prévoit pas explicitement l’obligation de rapports sexuels entre époux, mais la jurisprudence la déduit du devoir de fidélité et l’obligation de communauté de vie. C’est la vocation procréatrice traditionnellement attachée au mariage, qui explique que le droit se soit immiscé dans l’un des aspects les plus intimes de l’être humain : sa sexualité. Même si la notion de devoir conjugal est assez peu mentionnée dans les décisions de justice, la jurisprudence continue à sanctionner le défaut de rapports sexuels dans un couple marié. Mais cette position fait débat et l’arrêt de la CEDH en provoquera davantage.
En RDC, le Code de la famille en son article 453 modifié, dispose que « les époux s’obligent mutuellement à la communauté de vie. Ils sont tenus de vivre ensemble et de consommer le mariage » ce qui implique une double dimension, vivre ensemble - communauté de toit - et entretenir des rapports sexuels - communauté de lit. Pour Jean Carbonnier [2002], « la communauté de vie, c’est d’abord, traditionnellement, une manière pudique de désigner les relations sexuelles qui constituent le devoir conjugal par excellence ».
Ainsi, la sexualité matrimoniale prend donc la forme d’un devoir, le « debitum » conjugal à double dimension. Négativement, devoir de s’abstenir d’entretenir des rapports sexuels avec des tiers [fidélité] et positivement, devoir d’entretenir des rapports sexuels avec le conjoint [devoir conjugal proprement dit]. Ce devoir est pour les époux une obligation d’ordre public. Ainsi, une convention, un accord entre l’homme et la femme stipulant l’absence d’intimité sexuelle, serait considéré comme nul. Le refus de partager le lit conjugal peut être considéré comme un fait injurieux justifiant la destruction irrémédiable de l’union conjugale et fondant le divorce.
La décision de la CEDH ouvre effectivement un débat important sur la conciliation entre les droits individuels et les obligations traditionnelles du mariage. Concilier ces deux aspects implique donc de reconnaître que le mariage est une institution basée sur le consentement mutuel et continu, tout en protégeant les droits individuels et en adaptant les obligations traditionnelles aux normes modernes de respect et d’égalité.
La RDC a récemment pris des mesures pour moderniser les obligations conjugales, notamment avec la révision du code de la famille en 2016. Cette réforme a instauré une direction conjointe du ménage et une gestion concertée des biens, tout en renforçant les droits des femmes. Mais consommer le mariage y demeure comme obligation car, en général, elle est vue comme une confirmation de l’union et est souvent intégrée dans les attentes sociales et les coutumes de la RDC.
En somme, l’évolution vers une protection accrue des droits individuels, comme celle abordée par la CEDH, pourrait difficilement trouver écho en RDC car on dira à la femme « tu t’es mariée pourquoi… ? », Mais cette obligation a des limites car à l’impossible nul n’est tenu !
Me Joseph YAV KATSHUNG