Désaffectation des cimetières en RDC : Les morts sont déjà chez Dieu… mais l’urbanisme ne connaît pas le repos éternel

Publié le 20/08/2025 Vu 249 fois 0
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Et si on traçait la rocade de Kinshasa directement sur le repos éternel ? Quand les pelleteuses s’invitent chez les morts, qui défendra leurs concessions : le Code foncier… ou Saint‑Pierre ?

Et si on traçait la rocade de Kinshasa directement sur le repos éternel ? Quand les pelleteuses s’invit

Désaffectation des cimetières en RDC : Les morts sont déjà chez Dieu… mais l’urbanisme ne connaît pas le repos éternel

Les faits : La désaffectation d’un cimetière n’est pas qu’un acte administratif, c’est un croisement délicat entre droit, mémoire et aménagement du territoire. L’affaire du cimetière Maman Marie de N’djili Brasserie à Kinshasa pour les travaux des rocades Sud-Est et Sud-Ouest, illustre, dans un style aussi tranchant qu’une pelle neuve, la distance parfois abyssale entre procédure idéale et réalité pressée des travaux publics. La Commission interministérielle a annoncé une opération expresse d’identification des tombes les 16 et 17 août 2025, invitant les familles à présenter des preuves de lien de parenté. Deux jours pour se manifester, et un avertissement : « la Commission déclinera toute responsabilité envers les absents ». Problème, la procédure légale impose que l’État prenne en charge l’exhumation et la réinhumation, et qu’un délai sanitaire soit observé avant toute réutilisation du terrain. Ici, l’urgence du chantier semble primer sur les exigences du Code, transformant la translation des corps en étape logistique d’un calendrier de chantier. Waouh !

 

En Droit : En RDC, le cimetière est un bien du domaine public (articles 10 et 55 de la loi foncière), protégé par l’ordonnance du 14 février 1914 portant inhumation et police des cimetières en RDC ; et, par analogie, par la jurisprudence française (arrêt Marécar, CE 28 juin 1935) qui après de longues tergiversations, le juge décida que le cimetière relevait du régime de la domanialité publique. Inaliénable et hors commerce, il ne peut être réutilisé qu’après une désaffectation régulière. Autrement dit, avant de déplacer les croix, il faut déplacer les articles de loi… et avec méthode. En théorie, la marche à suivre est simple : Acte formel de désaffectation émis par l’autorité compétente ; exhumation et réinhumation des corps, à la charge et sous la responsabilité de l’État, dans un nouveau cimetière ; maintien des droits des concessions pour la durée restante et le respect d’un délai sanitaire – dix ans en France ; en RDC, fixé par l’autorité au nom de la salubrité publique.

 

Heureusement que depuis 2024, face aux désaffectations hâtives et aliénations immédiates, le Ministre de la Justice a pris une Note circulaire n°…/CAB/MINET/MJGS/CMT/2024 [référence incomplète sur le web, voir : https://www.scribd.com/document/893609589/NOTE-CIRCULAIRE] qui rappelle fermement les règles : interdiction d’inhumer dans les cimetières saturés ; respect scrupuleux de la procédure de désaffectation ; un cimetière ne peut dorénavant être directement aliéné après désaffectation. L’aliénation d’un cimetière devra être soumise à l'observation d'un délai de dix ans après désaffectation, et ce délai court à compter de la dernière inhumation. Aussitôt désaffecté, et après l'observation du délai précité, le cimetière entre dans le domaine privé de l’État et peut faire l'objet de concession après l’observation de la procédure prévue par les dispositions pertinentes de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée et complétée par la loi n°80- 008 du 18 juillet 1980.

 

Ainsi, après désaffectation et observance du délai de 10 ans, les anciens cimetières peuvent devenir parcs, voiries, ou même résidences. Les noms choisis sont souvent poétiques : « Jardins du Souvenir » ou « Résidence Les Chrysanthèmes ». Derrière ces appellations, un recyclage foncier où la mémoire et le mètre carré se disputent la vedette. Au cimetière Maman Marie, la rocade passera là où reposaient hier encore des générations entières. Ici, l’utilité publique marche à grands pas… parfois sur des dalles funéraires.

 

Le droit impose la régularité de la désaffectation, le respect des concessions et la dignité des translations. L’urbanisme réclame vitesse et efficacité. Entre ces deux logiques, il reste aux autorités la responsabilité de prouver que moderniser ne signifie pas effacer. En définitive, on peut dire que « les morts sont chez Dieu », mais juridiquement, leurs concessions sont encore bien inscrites au registre. La désaffectation n’est pas une formalité, c’est un acte de respect envers les vivants comme envers les morts, et l’affaire du cimetière Maman Marie rappelle qu’on ne trace pas une route sur un cimetière comme on trace une ligne sur un plan.

Me Joseph YAV KATSHUNG

 

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