Les faits : La dissolution d’un parti politique constitue l’une des mesures les plus radicales qu’un État puisse imposer dans le cadre de la régulation de la vie politique. Ce dispositif juridique se heurte à des enjeux complexes, tirant à la fois sur la sauvegarde de la sécurité nationale et sur le respect des principes fondamentaux du pluralisme démocratique. En RDC, le vice-premier ministre chargé de l’intérieur et sécurité a par une lettre - réceptionnée au Parquet Général près la Cour Constitutionnelle le 28 avril 2025 - mais datée du 24 avril, saisi ce dernier pour obtenir de lui la dissolution du Parti pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) sur la base d’éléments factuels attribués à ses dirigeants et membres. À travers l’analyse de cette requête, il est possible d’interroger la légitimité de telles mesures au regard du droit et du rapport entre pouvoir et liberté.
En Droit : La requête de dissolution du PPRD s’appuie sur les dispositions de la Loi n°04/002 du 15 mars 2004, qui définit les règles d’organisation et de fonctionnement des partis politiques en RDC. Selon cette loi, la dissolution d’un parti ne doit être envisagée qu’en cas de manquements graves et avérés aux principes démocratiques et aux obligations légales. Les articles 29, 30 et 31 de cette loi permettent d’intervenir lorsqu’il y a violation des dispositions constitutionnelles et législatives, notamment en ce qui concerne le respect de l’intégrité nationale, la loyauté, le patriotisme et l’obligation de réserve.
La requête invoque des infractions présumées aux devoirs fondamentaux de loyauté et de patriotisme en se fondant sur des prétendues déclarations et des prises de position de responsables du PPRD. Or, en droit, il est indispensable que la preuve de comportements incompatibles avec l’ordre constitutionnel soit établie de manière claire et irréfutable. L’argumentation de la requête repose principalement sur des éléments issus de la presse, des reportages médiatiques et des réseaux sociaux, lesquels doivent faire l’objet d’une vérification indépendante approfondie afin de distinguer une expression polémique, un fake new, d’un acte réellement subversif. Par ailleurs, la problématique se situe également dans la nature même des notions invoquées telles que « patriotisme » et « loyauté ».
En droit, la frontière entre une expression politique contestataire et une incitation à la subversion doit être précisément déterminée pour éviter de criminaliser des prises de position qui, bien que fermes, relèvent du débat légitime dans une démocratie. L’interprétation large de ces notions présente le risque de détournement par des motifs purement politiques, conduisant ainsi à une mesure disproportionnée.
De surcroît, la requête émanant du VPM, autorité liée à l’exécutif, soulève des interrogations quant au respect de la séparation des pouvoirs, si la justice est instrumentalisée, comme l’a fustigé le Professeur P.G. NGONDANKOY [2008] qui caractérise la justice constitutionnelle de « sur commande » politique ». La dissolution d’un parti politique, touchant directement à la liberté d’association et à l’expression politique, doit être prononcée par une juridiction indépendante, après une procédure contradictoire, afin de garantir que la décision ne soit pas perçue comme une ingérence de l’exécutif dans le débat démocratique.
En somme, la dissolution d’un parti politique en RDC doit être envisagée comme une mesure exceptionnelle, mûrement réfléchie et juridiquement encadrée par les dispositions législatives existantes et bien contrôlée par une justice indépendante, afin de préserver la démocratie et la confiance des citoyens dans l’État de Droit. Faisons qu’il en soit toujours ainsi !
Me Joseph YAV KATSHUNG