Élection et destitution de Miss Universe RDC 2025 ou quand le cadre esthétique interroge le Droit

Publié le Modifié le 07/09/2025 Vu 222 fois 0
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Découvrez comment Miss Universe RDC 2025 révèle les failles juridiques des concours de beauté. Une note juridique sur le droit, le consentement et l'exploitation.

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Élection et destitution de Miss Universe RDC 2025 ou quand le cadre esthétique interroge le Droit

Les faits : En RDC, on sait organiser des élections présidentielles, législatives… et même capillaires. Mais dans le cas de Miss Universe RDC 2025, la couronne a tenu moins longtemps qu’un billet de 500 FC dans une poche trouée. Déborah Djema, élue à grand renfort de strass et de selfies officiels, le 22 août dernier, devant un public enthousiaste et sous validation d’un huissier de justice.

 

À peine deux semaines plus tard, le 3 septembre, un communiqué annonce sa destitution immédiate pour refus de signer le contrat imposé par Miss Universe International. Cette affaire n’est pas seulement celle d’une couronne posée le samedi et retirée le mardi. C’est aussi l’histoire d’un contrat qui, comme un serpent dans un bouquet de fleurs, n’apparaît qu’après l’élection et soulève une question de fond : comment les concours de beauté, sous leurs airs festifs, révèlent-ils une tension entre esthétique et droit? Mais au-delà de l’anecdote, ce feuilleton met réellement le droit à l’épreuve.

 

En Droit :  Cette couronne, que l’on croyait symbole de prestige, n’a duré que l’espace d’un instant, révélant ce qui se cache derrière le spectacle, un champ de tensions juridiques où le droit est souvent mis au service du formalisme, mais rarement de la protection. Le concours s’est déroulé en présence d’un huissier de justice, ce qui confère à l’élection une valeur probatoire en droit congolais. En effet, en RDC, l’huissier de justice est un officier public et ministériel (Loi n° 16/011 du 15 juillet 2016 portant organisation de la profession d’huissier de justice). À ce titre, les actes qu’il dresse, exploits, procès-verbaux, constats sont des actes authentiques au sens du Code civil. Selon les dispositions relatives à la preuve (Code civil, Livre sur les obligations et la preuve), l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux pour ce qui a été constaté personnellement par l’officier public. Cela signifie que les constatations matérielles (date, lieu, identité des personnes, faits vus ou entendus par l’huissier) sont présumées exactes. Cette présomption ne peut être renversée que par la procédure exceptionnelle d’inscription de faux. 

 

Dès lors, cette élection validée par procès-verbal, constitue un acte authentique difficilement réversible sans décision judiciaire. La destitution, intervenue unilatéralement par communiqué, apparaît fragile puisque non adossée à une procédure contradictoire.

Le cœur de l’affaire repose sur le refus de la lauréate de signer un contrat imposé par Miss Universe International à travers le comité  local d’organisation. Ce document prévoit une disponibilité totale, la cession partielle des droits à l’image et, surtout, un partage substantiel des revenus à hauteur de 70 à 80 %. Or, le Code civil congolais, Livre III, art. 2 reprend la règle selon laquelle « il n’y a point de contrat lorsqu’il n’y a point de consentement ». Pour être valide, le consentement doit être libre et éclairé (art. 5).

 

La pratique qui consiste à communiquer le contrat seulement après l’élection expose la lauréate à un vice du consentement, assimilable à une adhésion forcée. Or, comment parler de liberté si l’on ne connaît pas les conditions avant d’accepter la fonction? Dans d’autres secteurs, on appellerait cela un « contrat d’adhésion » présenté post factum, ce qui ouvre la porte à la contestation pour vice du consentement. Et si les conditions sont défavorables? Ce mécanisme rejoint  donc, la critique doctrinale des « contrats d’adhésion » qui, selon PH. MALAURIE ET L. AYNES (Droit des obligations, Defrénois, 2024), se caractérisent par l’absence de négociation et le déséquilibre entre les parties. Le contrat Miss Universe s’apparente ici à une clause abusive.

 

En filigrane, on devine la satire, demander à une Miss fraîchement élue de signer un contrat de cette nature, c’est un peu comme proposer une alliance après la cérémonie de mariage. La symbolique d’un tel procédé n’est plus celle du prestige, mais celle de la contrainte. Dans la configuration actuelle, le recours est limité. Le règlement Miss Universe International prévoit que le refus de signer entraîne la perte du titre, et laisse au comité national le soin de désigner une remplaçante. Mais quid de mécanisme de médiation ou d’arbitrage pour discuter des clauses ? En RDC, le droit commun des contrats permettrait à une candidate de saisir le juge civil pour dénoncer des clauses abusives ou contraires à l’ordre public, mais dans les faits, la rapidité des échéances internationales rend ce recours illusoire, le concours mondial n’attend pas la décision d’un tribunal.  

 

Cette absence de recours effectif est d’autant plus problématique qu’elle s’inscrit dans un contexte mondial où le mouvement #MeToo a mis en lumière les abus de pouvoir, les pressions et l’exploitation dans les industries du spectacle, de la mode et du divertissement. Imposer à une femme, après son élection, un contrat qu’elle n’a pas pu examiner ni négocier avant, c’est la placer dans une situation de vulnérabilité qui rappelle les pratiques que ce mouvement dénonce ; l’idée que la visibilité et le prestige justifieraient de renoncer à ses droits fondamentaux.

 

En droit international, plusieurs instruments protègent contre ce type de dérive. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes impose aux États de garantir l’égalité dans l’accès aux opportunités et de protéger les femmes contre l’exploitation. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme rappellent que les acteurs privés ont la responsabilité de respecter les droits humains, y compris la liberté contractuelle et la dignité au travail. Même l’OIT, à travers ses conventions sur le travail décent, insiste sur la nécessité d’un consentement libre et informé.

 

Dans ce contexte, la pratique consistant à attendre l’élection pour dévoiler le contrat apparaît non seulement comme une faille éthique, mais aussi comme une zone grise juridique. Dans certains pays, cette faille a été comblée : aux Philippines, les finalistes reçoivent le contrat type avant la finale; en Afrique du Sud, une séance d’explication collective est organisée pour que chacune comprenne ses obligations; aux États‑Unis, après plusieurs scandales, des clauses jugées abusives ont été supprimées ou modifiées.

 

Pour la RDC, la leçon est limpide, il faut inscrire dans le règlement national que toute candidate doit recevoir le contrat type avant la compétition, disposer d’un délai raisonnable pour le consulter avec un conseil juridique, et avoir accès à un mécanisme de recours en cas de désaccord. Sans cela, la couronne restera un symbole fragile, et le concours, malgré ses ambitions culturelles, continuera de flirter dangereusement avec les pratiques que le droit et la société contemporaine condamnent.

 

Que conclure ? Sauf dire que l’affaire Déborah Djema illustre plus qu’un simple désaccord entre une reine de beauté et son comité. Elle révèle le vide juridique qui entoure un domaine où l’image est capitale mais la protection de la personne encore balbutiante. Derrière la légèreté des concours se cache une philosophie contractuelle lourde, où la candidate devient parfois captive de règles qu’elle découvre trop tard. Cette destitution montre que la couronne, symbole de prestige et d’unité, peut se transformer en boomerang juridique.

En RDC comme ailleurs, il faudra désormais veiller à ce que la lumière des projecteurs n’éclipse pas l’exigence essentielle du droit, la garantie d’un consentement libre, éclairé et digne. Car si l’on dit que « la couronne ne se mange pas », il conviendrait au moins qu’elle ne transforme pas les reines de beauté en simples figurantes d’un contrat inéquitable.

 

Me Joseph YAV KATSHUNG

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