Les faits : La gratuité des soins de maternité constitue, dès son lancement le 5 septembre 2023, une ambition du gouvernement de réduire la mortalité maternelle et infantile. Cependant, la mise en œuvre de ce programme se heurte à de nombreux obstacles, tant sur le plan administratif que contractuel, soulevant ainsi des interrogations quant à la pérennité et à l’efficacité de la politique de santé publique. La 12ᵉ Conférence des Gouverneurs, qui se tient du 10 au 13 juin 2025 à Kolwezi sous le thème « La santé comme facteur de cohésion sociale et de développement durable des provinces », doit réaffirmer l’urgence de réduire les inégalités d’accès aux soins, une problématique qui se trouve aujourd’hui au cœur du débat sur la gratuité des accouchements, où la suspension des services dans certains hôpitaux de Kinshasa – comme le Centre Hospitalier Monkole - révèle l’écart entre l’idéal affiché et la réalité quotidienne.
En Droit : L’accès aux soins de la maternité est un élément clé dans la promotion de la justice reproductive et dans la jouissance des droits à la santé sexuelle et reproductive. La maternité gratuite contribue aux objectifs de développement durables 3 et 5 liés aux services de santé de qualité et à l’égalité de genre. En même temps, elle renforce l’accès aux services de qualité des soins, réduit la mortalité maternelle, favorise l’émergence des jeunes femmes et jeunes filles. En RDC, l’article 47 de la Constitution garantit le droit à la santé et impose à l’État l’obligation d’assurer un accès effectif aux soins. La loi n°18/035 relative à l’organisation de la santé publique, précise également les engagements de l’État dans ce domaine. Or, l’application défaillante de ces textes, fragilise le contrat social entre l’État et les partenaires de la santé.
Ce programme de la gratuité de maternité et des soins du nouveau-né est le premier volet du package de soins dans le cadre de la mise en œuvre de la Couverture Santé Universelle (CSU) en RDC. Son objectif fondamental est de garantir des soins et des services de santé de qualité et gratuits à toutes les femmes enceintes, à celles qui ont accouché et aux nouveau-nés pendant leur premier mois de vie. Dans ses grandes lignes, le dispositif de gratuité se fonde sur un partenariat entre l’État via la convention avec le Fonds de Solidarité de Santé et les établissements de santé. L’idée est simple : rendre accessibles à toutes les femmes des soins obstétricaux de qualité sans la contrainte de coûts financiers. Toutefois, la mise en pratique de ce dispositif révèle plusieurs défaillances majeures. Parmi elles, le non-respect des échéances de paiement par l’État, pouvant aller jusqu’à 8 mois pour les accouchements et 20 mois pour les consultations prénatales, engendre des tensions financières qui menacent la survie même de ces établissements. L’un des éléments les plus contestables réside dans la procédure de retenue de 30 % des paiements, justifiée par la non-livraison de fournitures médicales. Or, cette clause, loin de garantir un équilibre financier, accentue le déséquilibre contractuel en s’inscrivant dans une logique de rétention fondée sur des prétextes administratifs peu transparents. De ce fait, la confiance – principe fondamental dans tout partenariat contractuel – est gravement ébranlée au risque de voir l’État engager sa responsabilité civile en cas de manquement répété à ses engagements contractuels.
Face à ce constat, il apparaît indispensable de procéder à une refonte des mécanismes de financement et de suivi contractuel des partenariats entre l’État et ses prestataires de soins. Seule une gestion transparente et rigoureusement encadrée pourra garantir la pérennité d’un programme destiné à protéger la santé des mères et de leurs enfants, en transformant une promesse sociale en une réalité juridique incontestable.
Me Joseph YAV KATSHUNG et Me Pascal KAKUDJI YUMBA, Professeurs de Droit et Avocats