Les faits : La ministre de l’Éducation Nationale de la RDC a inauguré un nouveau Centre de Correction modernisé des Examens d’État à Kinshasa. Ce centre entend marquer une rupture avec un système de correction en place depuis 18 ans. Au cœur de cette modernisation se trouve « Snote Manager », un logiciel de correction automatique prétendument conçu pour corriger plus rapidement, plus efficacement et sans erreur humaine les examens d’État, grâce à l’Intelligence Artificielle (IA) c’est à dire ce système informatique intelligent a la prétention de permettre le traitement automatique des cahiers d’examen (appelés « cahiers d’items ») remplis par les finalistes. L’objectif affiché est de traiter un grand volume de copies en des délais réduits, permettant une publication rapide des résultats. Ce dispositif s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation digitale de l’éducation en RDC, tout en posant la question essentielle : Comment garantir que l’accélération des processus n’altère pas la qualité et la finesse de l’évaluation des compétences des candidats ? Une vigilance constante sera requise.
En Droit : Depuis 1967, l’Examen d’État, communément nommé « Exetat », fête ses 58 ans et représente l’équivalent du baccalauréat pour le cycle long des études secondaires en RDC. Institué par l’ordonnance présidentielle n°67/263 du 12 juin 1967 - modifiée par les ordonnances 72-243 du 17 mai 1972 1972 et 88-092 du 7 juillet 1988 - il a été conçu afin d’uniformiser les qualifications des enseignants et des apprenants, remplaçant ainsi un système pluri-diversifié problématique pour l’embauche et l’accès aux études supérieures. Dès lors, l’examen d’État s’impose comme un système d’évaluation externe destiné aux finalistes des filières secondaires et professionnelles. De 1967 à 1974, l’épreuve était administrée et corrigée dans les provinces, mais à partir de 1975, la correction a été centralisée à Kinshasa. La correction manuelle prévalait jusqu’en 2006, puis a été informatisée en 2007. Récemment, le nouveau Centre de Correction modernisé, a intégré le logiciel « Snote Manager », qui utilisera l’IA, mais semble générer des interrogations. En effet, la rapidité promise par l’IA doit être accompagnée d’une fiabilité assurant une évaluation nuancée et contextuelle des réponses des candidats.
Ce système automatisé, tout en réduisant la marge d’erreur humaine, ne doit pas engendrer une dépendance totale pouvant compromettre l’équité en cas de dysfonctionnement technique ou de biais algorithmique. D’un point de vue juridique, l’intégration de l’IA doit s’inscrire dans le cadre strict du Code du Numérique de la RDC, qui impose une protection rigoureuse des données personnelles et requiert la transparence des algorithmes. Ainsi, les autorités éducatives se doivent d’expliquer clairement les critères et le fonctionnement du système automatisé, tout en mettant en place des mécanismes d’audit et des procédures de recours, garantissant une responsabilité partagée entre développeurs, responsables du centre de correction et autorités ministérielles.
En définitive, l’adoption de l’IA dans la correction des Examens d’État soulève un double enjeu tant en fait qu’en droit : concilier la rapidité de la correction automatisée avec la nécessité d’une évaluation fiable, juste et respectueuse des droits fondamentaux des élèves finalistes. La mise en œuvre d’un tel système hybride, combinant technologie et intervention humaine, est impérative pour préserver l’équité et garantir la qualité du service éducatif. Faisons qu’il en soit ainsi et évitons de confondre rapidité et précipitation, surtout en matière éducative !
Me Joseph YAV KATSHUNG