1. Prologue : Les faits
Vendredi 25 juillet 2025. Le Congo se réveille au son d’un coup de théâtre : Joseph Kabila Kabange, ancien président et sénateur à vie, est convoqué devant la Haute Cour militaire. Au cœur d’un décor institutionnel grinçant, trois spectres rôdent. La Justice, affaiblie par des décennies de compromissions, monte sur scène sans savoir son texte. La Paix, embaumée par les traités et les poignées de main sans suite, improvise ses répliques dans une langue que plus personne ne comprend. Et la Réconciliation, éternelle figurante, attend en coulisses, vêtue de blanc mais effacée par les projecteurs. Ce procès ne fait pas seulement trembler les fondations du système judiciaire congolais - il réveille les fantômes que l’histoire feint d’oublier. En pratique, l’accusé est invisible : ni présent, ni représenté. Procès par défaut diront les juristes. Messe politique, soupireront les sceptiques. Mais pour quelle fin, vraiment ?
2. En Droit : Neuf chefs d’accusation, décor diplomatique et le spectre de réconciliation
Les charges retenues ne sont pas des anecdotes judiciaires. Ce sont des infractions graves, lourdes de sens et de souffrance : participation à un mouvement insurrectionnel, crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, homicide intentionnel par balles, trahison, apologie de la violence, viol, torture, déportation et occupation à force ouverte de la ville de Goma. Le congolais attend voir et/ou entendre comment le « Raïs » a pu commettre tout ça !
Autant de chefs d’accusation qui, réunis, pourraient servir de sommaire à une encyclopédie du chaos. Mais dans cette scène, l’absence du principal acteur transforme le procès en pièce radiophonique, on entend les voix, mais la scène reste vide. Dans cette dramaturgie, la justice congolaise peine à se faire entendre. Institutions fragiles, lenteurs procédurales, indépendance vacillante : elle marche sur les planches comme un tragédien mal révisé. On attend d’elle qu’elle apporte des vérités, elle bredouille des procédures. À force de se compromettre, elle a perdu sa fonction purificatrice. Le Congo veut juger, mais ses tribunaux semblent tout droit sortis d’un manuel de comédie institutionnelle. Pendant que Kinshasa s’enflamme, Doha et Washington distribuent des tracts de paix. Mais cette paix, bien qu’habillée de résolutions, n’est jamais descendue dans les rues de Goma. Elle rassure les chancelleries et veut parler de futur sans regarder le passé. Et c’est justement là que le procès dérange : il brise le pacte du silence qui accompagne les paix négociées à huit clos.
La Réconciliation, censée unir, se retrouve spectatrice d’un théâtre dont elle n’a pas reçu le texte. Elle est évoquée, décorée, et souvent instrumentalisée. Mais la vraie réconciliation demande confrontation, pardon, justice réparatrice. Et dans un procès par défaut, sans accusé, sans catharsis, comment prétendre à l’unité nationale ? Ce n’est pas le rideau qui tombe, c’est la légitimité de la scène qui s’écroule. Est-ce un acte de justice, un moment de rupture historique, ou juste un rituel expiatoire ? Est-ce le début d’un État de Droit, ou une pièce en un acte, sans lendemain ? Le public - scientifique, juridique, citoyen lambda - regarde, analyse, doute. Les instituts de recherche et les ONG se frottent les mains, mais le peuple, lui, veut des réponses, pas des notes de bas de page ni des communiqués de presse.
3. Conclusion : Quand la paix devient slogan et la réconciliation décor, la justice ne peut être qu’un accessoire.
Le procès de Joseph Kabila, dans son absence criante, révèle une vérité plus profonde : le Congo ne manque pas de procédures, il manque de confiance. La paix, négociée dans les salons feutrés de Doha ou de Washington, ne descend jamais dans les rues de Goma. Elle rassure les chancelleries, mais ignore les cicatrices. La réconciliation, quant à elle, est convoquée comme un témoin muet, sans jamais être entendue. Et la justice ? Elle est là, mais elle joue un rôle qu’on lui a écrit ailleurs. Instrumentalisée, elle ne répare pas - elle performe. Or, sans justice authentique, la paix est une trêve fragile, et la réconciliation une illusion collective.
Le Congo ne peut pas se contenter d’un théâtre judiciaire. Il lui faut une scène où les victimes parlent, où les bourreaux répondent, où les institutions ne jouent pas mais agissent. Car la paix véritable ne se décrète pas - elle se construit. Et la réconciliation ne se proclame pas - elle se mérite. Que faire ? That is the question !
Prof. Joseph YAV KATSHUNG